La FTQ-Construction sur le pied de guerre

2010/03/15 | Par Maude Messier

«C’est évident que certains ont des intérêts à répandre des rumeurs, des ouï-dire et des faussetés pour en faire des prétendues «nouvelles»; c’est un festival de clowns!»

Visiblement indigné, le directeur général de la FTQ-Construction, Richard Goyette, s’est adressé aux médias en conférence de presse lundi matin pour faire le point sur les différentes allégations à l’endroit du syndicat.

Dans une longue allocution, Richard Goyette s’en est pris à ce qu’il considère comme une campagne de désinformation et à ses artisans. D’une verve assurée et cinglante, il s’insurge contre le fait que «n’importe qui peut dire n’importe quoi sans avoir à porter la responsabilité de ses propos.» Il ajoute qu’il est «de plus en plus évident qu’il se fait beaucoup de politique sur le dos de la FTQ-Construction.»

Le reportage de l’émission Enquête, diffusé à Radio-Canada le 11 mars dernier, a donné lieu à des débordements d’interventions et des commentaires parfois hasardeux, voire carrément faux selon le directeur général de la FTQ-Construction: «Il faut être inculte et barbare pour prétendre que la FTQ-Construction gère des chantiers de construction

Irrité par les propos de Jean Cournoyer à l’effet que la FTQ-Construction joue du bras pour contrôler les chantiers de construction sur la Côte-Nord, Richard Goyette l’a sommé de prouver ses allégations sans quoi, c’est lui qui sera considéré comme «un menteur». «Contrairement à ce qu’insinue Jean Cournoyer, on est loin de l’époque de la Commission Cliche; on va arrêter ça! En 2010, seulement 6 plaintes ont été déposées contre 551 pour la période de 1970 à 1974, soit sous le ministère de Cournoyer!»

L’ex ministre du Travail et commentateur politique en a pris pour son rhume: «Il peut bien parler, il faisait bourrer sa salle électorale par Dédé Desjardins à l’époque. Il devrait se regarder avant de parler. À la FTQ-Construction, on ne fait pas de partisaneries politiques dans ce genre-là.»

Plusieurs autres personnalités publiques, telles que l’économiste Pierre Fortin, la présidente de la CSN Claudette Carbonneau, le Parti québécois et l’éditorialiste du Soleil Gilbert Lavoie, se sont épanchées dans les médias sur l’industrie de la construction et la FTQ-Construction, ce que Richard Goyette n’a pas manqué de dénoncer: «Il va falloir que ça cesse ces clowneries-là! Est-ce que quelqu’un, un jour, va arrêter de dire n’importe quoi et se pencher sur les vrais enjeux de l’industrie de la construction?»


La FTQ-Construction n’entend plus à rire

Me Robert Laurin, avocat de la FTQ-Construction, s’est adressé aux médias dans un deuxième temps pour indiquer clairement que l’organisation n’entend plus à rire avec «les insinuations mensongères et sans fondement».

Me Laurin a annoncé que des mises en demeure ont été envoyées vendredi dernier, notamment au réseau TVA et au Journal de Montréal. Puis, faisant référence aux allégations de trafic de drogue divulguées à Enquête, il a ajouté que d’autres poursuites pourraient suivre. La FTQ-Construction envisage aussi des recours sérieux auprès du CRTC et, si besoin est, à la Cour fédérale: «Les médias devront répondre de ce qu’ils diffusent comme information», a affirmé Me Laurin.

Le procureur du syndicat se défend toutefois de tenter de museler les journalistes: «On n’a pas l’intention de poursuivre sans considération tout ce qui est défavorable à la FTQ-Construction. On s’en prend aux insinuations, aux attaques injustifiées à la réputation et à ce genre de choses. C’est sérieux; ça détruit une réputation, une carrière, des familles.»

Richard Goyette estime pour sa part que les débordements sont trop nombreux: «Si on en met tellement sur le dos de la FTQ-Construction, c’est peut-être parce qu’il y en a qui ont des choses à cacher?»

Sans parler de complot, il juge que cet acharnement n’est pas net: «La FTQ-Construction est majoritaire dans bien des régions. On fait notre travail, mais ça ne plaît visiblement pas à tout le monde!»

Il insiste longuement sur le leadership de la FTQ-Construction en santé et sécurité du travail: «Alors que l’industrie de la construction ne représente que 5% de la main-d’œuvre du Québec, elle compte à elle seule 20% des décès en milieu de travail. Il y a 50 morts par années dans la construction, mais ça n’intéresse personne. Après, on vient nous dire qu’on est arrogants? C’est inqualifiable!»

 

Non à une commission d’enquête

La position de la FTQ-Construction quant à une éventuelle commission d’enquête demeure immuable. «La FTQ-Construction n’en veut pas. On n’a rien à se reprocher et on serait certainement la première organisation avantagée par une information objective qui se dégagerait d’une commission d’enquête, mais pas de la façon dont elles sont gérées actuellement», insiste Me Laurin sur cette question.

Comme un automatisme, dès qu’il est question du placement de la main-d’œuvre et d’intimidation syndicale sur les chantiers de construction, on dépoussière les dossiers du saccage de la Baie James et de la Gaspésia.

Me Laurin déplore que ce dossier soit utilisé à outrance contre la FTQ-Construction, d’autant plus que «peu de gens en connaissent réellement la teneur au-delà de ce qui circule». Néanmoins, l’issue de la commission d’enquête de la Gaspésia incarne parfaitement les réticences de la FTQ-Construction.

Pour Richard Goyette, sans amendements à la Loi sur les commissions d’enquête permettant d’entendre réellement et objectivement tous les points de vue, toute commission d’enquête n’est que «bouffonnerie».

À son avis, tant pour la Commission Cliche que la Gaspésia, seules les mesures répressives contre les syndicats et les travailleurs ont été mises en place, les autres dorment toujours dans les tiroirs. Trente ans plus tard, l’industrie de la construction est aux prises avec les mêmes problèmes alors que des solutions concrètes existent à portée de main.

«Que voulez-vous que je fasse de ça? Des commissions d’enquête menées comme ça ne sont que des commandes politiques avec des preuves préparées. Dans Gaspésia, la direction de la FTQ-Construction n’a même pas pu témoigner!»

Le directeur général conclut en interpellant la volonté de la population: «Il faudrait savoir c’est quoi le véritable objectif derrière ça: est-ce que les gens veulent se satisfaire ou savoir la vérité?»