Appel à la défense des droits et libertés

2010/03/25 | Par Collectif d’auteurs

Fabienne Preséntey, Voix Juives Indépendantes
Lorraine Guay, Coalition pour la Justice et la Paix en Palestine
Diane Lamoureux, Collectif D'Abord Solidaires
(De nombreux autres signataires se sont ajoutés)

 

Une série d’événements récents, tous liés aux positions inconditionnellement pro-israéliennes du gouvernement Harper, nous interpelle en tant que citoyens et citoyennes.

D’abord les coupures injustifiées à des organismes de coopération internationale et de défense des droits humains tels Kaïros et Alternatives de même qu’à la Fédération canado-arabe; puis la crise actuelle à Droits et Démocratie provoquée par des nominations hautement partisanes de la part du gouvernement; enfin l’annonce d’une motion du député conservateur T. Uppal invitant la Chambre des Communes à déclarer le Canada inconditionnellement « ami d’Israël », à assimiler à de l’antisémitisme tout lien entre les politiques du gouvernement d’Israël et l’apartheid, ceci afin de condamner (et si possible de faire interdire) la Semaine contre l’apartheid israélien qui se déroule présentement sur les campus étudiants au Canada et partout à travers le monde.

Cette motion s’inscrit d’ailleurs dans la foulée des multiples tentatives des lobbys pro-israéliens, ici et ailleurs, pour assimiler à de l’antisémitisme toute critique des politiques et pratiques de l’État israélien.

On pense à la « Coalition parlementaire canadienne pour combattre l’antisémitisme » mise en place en novembre dernier avec l’objectif, selon l’organisme Voix juives indépendantes, de « faire taire les personnes et organisations de plus en plus nombreuses qui appuient les droits des PalestinienNEs et critiquent Israël pour ses politiques illégales d’occupation, d’appropriation et de blocus ».

Tous ces événements nous choquent parce qu’ils mettent en péril le travail indispensable de promotion des droits et de la démocratie dans un monde où ceux-ci sont malmenés par plusieurs gouvernements et courants politiques, mais aussi parce qu’ils nous font craindre le pire pour l’exercice des libertés publiques et la qualité de la vie démocratique ici même au Canada.

Ainsi, la situation préoccupante que traverse Droits et démocratie nous semble constituer l’aspect visible d’un iceberg encore plus inquiétant, celui par lequel le gouvernement vise à museler l’opinion publique et à faire taire toute opinion divergente.

Dans ce cas, le gouvernement utilise son pouvoir de nomination pour influer indirectement sur les orientations de l’organisme.

Pourtant Droits et démocratie relève non pas du gouvernement, mais du Parlement. Mais justement, ce gouvernement ne contrôlant pas le Parlement, il choisit de gouverner sans le Parlement en utilisant son pouvoir de prorogation, une façon comme une autre de ne pas affronter les critiques que ses décisions pourraient susciter et de ne pas avoir à rendre de comptes, notamment au sujet de la torture dont ont été victimes les prisonniers faits en Afghanistan.

Quant à l’utilisation de coupes draconiennes à certains organismes bien ciblés dans le but de les « faire mourir à petit feu », on se souviendra que dès son arrivée au pouvoir en 2006, ce gouvernement a coupé le financement de plusieurs organismes de promotion des droits, principalement en ce qui concerne les droits des femmes et les droits des francophones hors Québec.

Aujourd’hui, ce sont les organismes mentionnés plus haut qui, au Canada, goûtent à cette médecine amère. Mais, et non par hasard, ce sont également trois organismes reconnus au plan international de défense de droits israéliens et palestiniens (soutenus par Droits et Démocratie à hauteur d’un modeste 10,000$ chacun) qui en subissent les conséquences suite aux pressions des membres pro-israéliens du conseil d’administration, comme si les Palestiniens n’avaient pas de droits ou, pire encore, n’avaient pas « le droit d’avoir des droits» parce que Palestiniens, assimilant ainsi une population tout entière au « terrorisme ».

Par son attitude vis-à-vis Droits et démocratie, le ministre L. Cannon, se fait complice du mépris du gouvernement israélien pour les droits et libertés du peuple palestinien.

Nous refusons catégoriquement que toute critique de l’État israélien soit systématiquement assimilée à de l’antisémitisme. Nous ne nous plierons pas à ce « terrorisme intellectuel ».

C’est d’ailleurs parce que nous sommes opposéEs à toute forme de racisme et d’antisémitisme que nous dénonçons les politiques du gouvernement israélien qui violent depuis plus de 60 ans toutes les dispositions du droit international.

L’occupation, la colonisation, l’érection du mur de séparation, le blocus de Gaza contreviennent à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, aux Conventions de Genève, aux décisions de la Cour internationale de justice de La Haye et aux centaines de résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l’ONU.

La construction illégale de colonies à Jérusalem-est et dans les territoires occupés de Cisjordanie, reliées entre elles par un système d’autoroutes réservées aux seuls Israéliens et interdites aux Palestiniens parce que Palestiniens, produisant ainsi une véritable insularisation des villes et village palestiniens; le mur et les multiples check points qui n’entravent que la circulation des seuls Palestiniens et de leurs biens; le déni de droits égaux aux citoyens israéliens d’origine palestinienne parce que non juifs; tous ces faits nous amènent à voir des similitudes troublantes avec le programme des bantoustans et les politiques racistes qu’avait instaurées le gouvernement d’apartheid en Afrique du Sud.

Vouloir museler les citoyens et citoyennes canadiennes qui entendent protester contre ces politiques constitue une atteinte grave à la liberté d’opinion et d’expression.

Nous sommes attachéEs à la démocratie, une démocratie qui ne se limite pas à des élections sur une base régulière, mais qui implique aussi l’existence d’une opinion publique qui dispose de ses propres canaux d’information et d’une capacité de contestation pacifique des décisions de son gouvernement.

En voulant mettre au pas Droits et démocratie et en faire un agent de sa politique de soutien inconditionnel à l’État d’Israël, le gouvernement Harper agit directement pour empêcher la formation d’une opinion publique indépendante, non seulement au Canada, mais ailleurs dans le monde.

Rappelons-nous qu'aucun gouvernement ne peut bâillonner les droits et libertés et prétendre être démocratique, que ce soit Israël ou le Canada.

Face au recul alarmant des libertés publiques au Canada, nous soussignéEs, demandons au gouvernement du Canada :

• de respecter et de promouvoir l’ensemble des droits humains, notamment les libertés d’expression et d’opinion;

• d’assurer l’indépendance de Droits et démocratie et de respecter l’intégralité de son mandat soit la défense des droits humains et la promotion d’institutions et de pratiques démocratiques partout dans le monde. Cela implique que l’organisation puisse poursuivre ses activités au Proche-Orient en soutenant les organisations de promotion des droits tant en Israël qu’en Palestine occupée;

• le maintien du financement de la Fédération canado-arabe, de Kaïros et d’Alternatives.