À l’abattoir, les Vaches sacrées!

2010/04/07 | Par Denis Blondin

Le budget du Québec 2010 que notre gouvernement rend public aujourd’hui n’est rien de moins que l’amorce d’une révolution culturelle, mettant un terme au règne des vaches sacrées sur nos finances publiques et sur le développement de notre société.

 

La fiscalité des particuliers et des entreprises

La première de ces vaches sacrées concerne l’impôt sur le revenu des particuliers. Depuis une vingtaine d’années, les citoyens du Québec ont pu bénéficier de baisses successives de l’impôt.

La nécessité de redresser les finances publiques et de faire face aux nouveaux besoins de financement public liés à la santé nous conduit à modifier les taux d’imposition en vigueur.

Les taux actuels applicables aux différentes tranches de revenu seront majorés respectivement de 1, 3 et 5% pour être portés à 17, 23 et 29%, à partir du 1er janvier 2011. De plus, les gains en capitaux réalisés sur la base d’opérations boursières seront imposés à 100%.

La deuxième vache sacrée à laquelle nous avons décidé de nous attaquer concerne l’impôt des sociétés. Nos experts nous ont maintes fois conseillé d’ajuster les niveaux d’imposition et de taxation du Québec à ceux du reste du Canada, en insistant tout particulièrement sur les frais de scolarité et les tarifs d’électricité.

Sans retenir toutes leurs recommandations, nous avons quand même décidé d’appliquer ce principe général en matière d’imposition sur les revenus des entreprises.

Or, au Québec, les taux d’imposition des entreprises sont parmi les plus bas au Canada. Ils sont inférieurs à ceux de la plupart des États américains et des autres pays du G7.

Nous avons par conséquent décidé d’annuler les baisses annoncées pour les prochaines années et de hausser progressivement les taux d’imposition de façon à atteindre le taux moyen des provinces canadiennes pour l’année fiscale 2013-2014.

Après avoir constaté que le Québec était aussi la province où le niveau des subventions aux entreprises était le plus élevé au Canada, nous avons décidé de réduire graduellement ce niveau de subvention pour atteindre la moyenne canadienne sur une période de cinq ans.

Cette mesure, conjuguée à l’ajustement des taux d’imposition, permettra de combler les nouveaux besoins financiers du Québec en matière de santé.

Nous annonçons aussi des changements à la TVQ. Le taux uniforme, qui est actuellement de 7.5% sera réduit à 5%, à partir du 1er juillet 2011.

En même temps, ce taux sera porté à 20% sur une liste de produits de luxe et/ou de produits à fort impact environnemental. Dans un premier temps, les voitures de luxe, les embarcations de plaisance et les véhicules récréatifs motorisés y seront assujettis.

En matière de fiscalité municipale et scolaire, nous annonçons l’abolition graduelle, sur une période de cinq ans, de l’impôt foncier pour tous les propriétaires résidents.

Cette réduction majeure dans les revenus des municipalités sera compensée par un prélèvement correspondant de la taxe sur l’essence payée par les résidents de chaque municipalité, par des mesures compensatoires à l’intention des villes offrant du transport en commun, et par une hausse des autres champs de fiscalité municipale locale.

 

L’énergie et les tarifs d’électricité

Les tarifs d’Hydro-Québec, trop longtemps considérés comme une autre vache sacrée, seront ajustés dans le but de constituer un incitatif à la modération en matière de consommation énergétique.

Pour l’électricité de consommation résidentielle, le tarif de base, applicable aux premiers 30 Kwh par jour, sera réduit de 5%. Le tarif applicable aux 15 Kwh subséquents sera majoré de 10%, et une majoration de 20% s’appliquera à la consommation excédentaire.

Dans le domaine de la consommation d’énergie, nous annonçons aussi une augmentation immédiate de 10 cents de la taxe sur le litre d’essence, applicable à partir de minuit ce soir.

Comme ce niveau d’augmentation est couramment pratiqué par les pétrolières sans que cela ne crée de remous excessifs, nous pensons qu’une telle augmentation sera facilement acceptée et qu’elle sera éminemment profitable à l’ensemble des citoyens du Québec.

En plus de favoriser la protection de l’environnement, elle rapportera un montant de 1,2 milliards dès l’année fiscale 2010-2011. De plus, des augmentations supplémentaires de 10 cents le litre s’ajouteront à chaque année pour les trois années subséquentes, le tout contribuant pour un total de 12 milliards de dollars aux finances publiques du Québec.

L’impact de ces hausses du carburant sur les chauffeurs de taxi et les camionneurs sera partiellement compensé par un crédit d’impôt.

Les dépenses déjà annoncées en termes d’investissements dans les infrastructures routières seront revues de façon à transférer vers des investissements dans les transports en commun la moitié des sommes initialement prévues et non encore engagées, soit un montant de 14 milliards de dollars.

 

Le public et le privé

Une autre de nos vaches sacrées concerne la place des secteurs public et privé dans l’économie du Québec et notamment dans le secteur des services.

En considérant que la société nationale Hydro-Québec procure à elle seule plus de revenus à l’État québécois que la totalité des entreprises privées, nous annonçons la création d’une nouvelle société d’État en matière de services bancaires : la Banque nationale du Québec.

Cette société aura pour mandat de faire compétition aux banques privées, tout en augmentant les revenus de l’État québécois. Elle se limitera d’abord aux services bancaires mais elle étendra progressivement ses champs d’activité au secteur des assurances et des services financiers.

Comme le Québec possède déjà un système à deux vitesses en éducation et, partiellement, en santé, nous croyons que cet excellent principe pourra servir aussi notre société en matière de services bancaires.

 

Éducation et santé

En matière d’éducation, notre gouvernement a décidé d’adopter une approche axée sur la création de la richesse, conformément aux avis de nos économistes experts.

C’est ainsi qu’au niveau des études universitaires, les frais de scolarité seront réduits de 25% dans le but de favoriser une meilleure accessibilité aux études.

Le financement des Universités et des collèges par le gouvernement du Québec sera quand même majoré de 25% à partir de l’année 2011. Dans le but de favoriser la qualité de la formation plutôt que le seul taux de diplomation, des examens d’entrée plus exigeants seront établis dans la majorité des programmes d’études, autant au niveau collégial qu’universitaire.

Concernant les niveaux d’éducation primaire, secondaire et collégial, une transformation radicale des structures administratives sera entreprise de façon à réduire d’au moins 60% le nombre de fonctionnaires du Ministère de l’Éducation, au profit d’une plus grande décentralisation administrative et d’une hausse des ratios élèves/enseignants.

Enfin, concernant le niveau des études secondaires, où le problème du décrochage atteint des niveaux alarmants, une vaste opération d’ouverture sur la société sera entreprise dans le but de favoriser l’apport des citoyens non spécialistes de l’enseignement dans la formation des élèves.

Nous ferons appel tout spécialement, mais non pas exclusivement, aux retraités, sur la base d’une participation rémunérée et non pas bénévole. En plus d’assurer une meilleure transmission des savoirs et de l’expérience à la jeune génération, tout en diversifiant et en enrichissant les milieux d’apprentissage, nous pensons que c’est l’ensemble de la société, notamment les aînés, qui pourra en même temps tirer profit de cette formule ouverte.

En matière de santé, notre gouvernement a décidé d’adopter une approche axée sur la mise à profit de nos richesses en garantissant un meilleur accès aux soins de santé par un financement accru et par une importante réforme administrative visant à décentraliser l’administration des services de santé.

De plus, un régime de salariat, accompagné de primes au rendement, sera graduellement instauré pour les omnipraticiens et les médecins spécialistes.

 

La justice à deux vitesses

Enfin, il est une dernière vache sacrée à laquelle nous allons oser nous attaquer : c’est notre système de justice à deux vitesses.

Il ne s’agit pas des procédures de droit criminel mais de l’administration du droit civil, qui opère trop souvent comme un instrument d’un pouvoir arbitraire exercé par les citoyens fortunés sur les moins fortunés, et surtout par les « personnes morales » (les entreprises) sur les personnes tout court.

Nous annonçons la création d’un nouvel organisme dont le mandat sera d’étudier et de définir les modalités d’une transformation majeure dans l’administration de la justice, avec l’objectif de réaliser, à moyen terme, un système public permettant un accès équitable à la justice civile pour les personnes réelles, dans leurs rapports avec les autres personnes et avec les « personnes morales ».

Quant aux relations entre ces entités corporatives, elles continueront d’être régies dans le cadre de la justice civile actuelle. Le nouvel organisme, baptisé Commission sur la justice civile, sera conseillé par un groupe d’experts non-économistes.

Nous prévoyons que l’ensemble de ces mesures, tout en contribuant de manière importante au mieux-être de la société québécoise, permettront de résorber totalement le déficit budgétaire dès l’année fiscale 2011-2012 et de produire, pour les années subséquentes, d’importants surplus budgétaires qui pourront être appliqués à la réduction immédiate de la dette et à de nouveaux investissements créateurs de richesse, de santé, de bonheur et de justice.