Spectacle d’ouverture du Festival Transamériques

2010/05/28 | Par Marie-Paule Grimaldi

Disparu en juillet dernier, Merce Cunningham est le « père » de la danse contemporaine en Amérique et une des figures les plus marquantes de l’avant-garde pendant plus de cinquante ans. Pour ceux qui connaissent : un incontournable.

Pour ceux qui méconnaissent, le FTA pour son ouverture vous offre, en exclusivité canadienne, l’unique et dernière chance de visiter son œuvre avec sa dernière création Nearly 90². Car suite à une tournée internationale de deux ans intitulée « Legacy Tour », la new-yorkaise Merce Cunningham Company fermera ses portes à jamais conformément aux plans du chorégraphe.

C’est donc en quelque sorte un spectacle historique qui lance le festival qui se veut à la fois le phare et le rayonnement de la fine pointe de la création en danse et théâtre.

Nearly 90² porte également l’histoire même de son créateur alors qu’elle fut montée pour la première fois, dans une version plus étoffée, le 16 avril 2009, date des 90 ans de Cunningham. Mais attention, qu’on ne s’y trompe pas, on ne verra pas d’épanchements nostalgiques ou narcissiques collés à sa biographie, aucun pathétisme, aucune émotion même ne sont au rendez-vous.

Conformément à sa démarche rigoureuse, la performance cherche par tous les moyens à s’éloigner des affects, de l’égo et même parfois d’une certaine sensualité qui rend l’interprétation un peu froide. L’approche est formaliste. Tout est mis au profit des lignes, du mouvement, et surtout de l’énergie.

Pour Cunningham, lorsque le danseur s’immerge totalement dans la danse, et ne fait que danser et rien d’autre, une véritable lumière semble l’animer. Et c’est ce que ce spectacle présente, de la danse, pure et épurée.

Sur une scène vide, complètement noire, les 13 danseurs évoluent à travers solos, duos, trios et quatuors combinés de façon atypique et déstabilisante : le point de mire peut émerger de tous les côtés et parfois se superpose, le spectateur décide d’arrêter son regard où il le veut.

Les interprètes sont des particules, des électrons libres qu’on croit isolés mais qui se joignent et rejoignent par moment. La musique composée par John Paul Jones (Led Zepplin) et Takehisa Kosugi (directeur musical de la troupe, sur scène pour ce spectacle) se veut une série d’échantillonnages manipulés en direct qui ne donnent pas plus de repères mais participent à l’évolution de l’énergie, jusqu’à la tonitruance par moment.

La beauté ici se veut organique et méditative, principalement pour les spectateurs qui se prêteront à l’expérience pendant une heure et demie, ce qui devient exigeant. La scène s’illumine de plus en plus, le pan arrière s’élève dans des tons pastels jusqu’à la blancheur éblouissante, les costumes-combines s’éclaircissent, tout dans la scénographie nous raconte le passage de l’obscurité à l’être lumineux, transcendant.

La recherche de Merce Cunningham a ce quelque chose d’inflexible et si il a toujours cherché à innover, acceptant par le fait même l’imperfection, sa démarche comporte une certaine rigidité intellectuelle qui rend la chorégraphie hermétique.

Mais c’est également une œuvre testamentaire à laquelle on assiste, d’où peut-être la longueur de la représentation, comme si le créateur avait voulu établir ici tous les aspects de sa démarche.

Glorifiant la force du hasard et l’essence primale de l’humain, on en arrive pourtant à une performance presque robotique et qui laisse une impression plus que moderne, futuriste.

C’est somme toute une proposition stricte, mathématique et splendide. Une performance qui n’apporte pas le ravissement, mais qui irradie, et qui donne le ton à cette nouvelle édition du Festival TransAmériques où résonne fort cette année le mot contemporain.


À lire aussi : D’Aut’Suggestions culturelles : FTA, OFFTA, Marché de la poésie, Carlito Dalceggio et plus, par Marie-Paule Grimaldi.

Consultez notre section spéciale du FTA 2010 en cliquant ici.

Bookmark