Congo punk au FTA : More More More... Future

2010/06/03 | Par Marie-Paule Grimaldi

Quel bruit faudra-t-il pour que tout un chacun ouvre les yeux, jusqu’au réveil d’un peuple qui s’assourdit à longueur de nuit sur des bruits de pop et de bling bling? C’est un peu la question que pose le danseur et chorégraphe Congolais Faustin Linyekula avec More More More... Future.

Poussé par une rageuse envie de changer le présent, de faire place à l’avenir, le spectacle, qui donne tout autant de place à la musique et à la poésie qu’à la danse, s’éparpille toutefois dans ses hautes aspirations.

Est-ce l’espace scénique de l’Usine C presque complètement dépouillé qui est trop vaste, est-ce le propos très ancré dans le contexte africain qui s’étire en longueur devant nous, occidentaux pressés? Peut-être.

Car cette autre culture possède ses propres codes, tout comme la danse africaine, contemporaine de surcroît, et leur méconnaissance rend très certainement ce genre de création  opaque.

Bien sûr le spectacle annonçait une bonne dose de punk attitude et aborde ainsi une esthétique déraillée et délinquante, mais l’énergie de la révolte n’y est pas, ou du moins nous atteint peu, sauf à travers la musique, excellente, qui en vient à voler la vedette.

Il faut dire que celle-ci est au cœur de cette proposition scénique. Faustin Linyekula a voulu travailler à partir de la musique Ndombolo, la pop congolaise qui règne sur les nuits de Kinshasa, musique puissante mais tout autant superficielle, vendeuse de rêves de pacotilles.

Mais le chorégraphe, issu du théâtre, inverse le mouvement, insuffle une dose de rock et de punk et se sert de cette force pour tout détruire afin que renaisse demain, et les être et la vie en lui.

Le spectacle s’ouvre sur la fête carnaval, avec ses costumes énormes et grossit, mais les danseurs sont engourdis. Puis le poète arrive et crie les mots d’Antoine Vumilia Muhindo, poète prisonnier politique à Kinshasa : « Coupez le son,  on a plus le temps pour rire. On est des trouble-fêtes professionnels ».

Et peu à peu pris par cette colère, les danseurs se réveillent, se choquent, meurent et reviennent. Ils commenceront le « lynchage des idoles » et la « déconstruction cosmologique », une table rase pour permettre la suite du monde, jusqu’au retour du groupe, de la communauté d’hommes libres se regardant en face, amenant au passage le Zarathoustra de Nietzsche, jusqu’à la simplicité d’être, dans et sous le ciel. Gros programme, il va sans dire, pour près d’une heure trente de spectacle.

La danse, très narrative, très près des mots, reste relativement inefficace, perdue dans le propos, et l’espace, qu’elle veut soutenir. Il faut voir tout de même Faustin Linyekula se mettre à danser, tortillant son corps, suave, un vrai serpent, fluide, feu, mais ces moments sont trop courts.

Ce qui nous parle, ce qui nous  touche, ce qui nous nourrit, c’est la musique de Flamme Kapaya, guitariste hors pair, aussi virtuose que sensible, capable d’envolées acerbes (comme on aime) et de plonger également en pleine douceur (comme on aime aussi). C’est cette musique qui émerveille et qui nous maintient réellement au cœur du spectacle.

C’est toutefois surprenant d’en arriver à cette conclusion en Festival TransAmériques, consacré au théâtre et à la danse. Peut-être somme nous plus près avec cette création du théâtre visuel que de la chorégraphie, d’où les médiums multiples qui s’entrecroisent, et qu’il faut l’aborder dans cet esprit. Peut-être manquons-nous d’outils pour comprendre et apprécier la portée du spectacle. Quoiqu’il en soit, cette proposition clairement  pleine d’urgence ne sonne pas l’alarme, presque, mais pas encore, pas assez.

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