Pour sauver l’image de la USAID

2010/06/10 | Par Jean-Guy Allard

Si en désignant Mark Feierstein comme nouvel Administrateur adjoint pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’Agence pour le Développent international des États-Unis (USAID), le président nord-américain Barack Obama a souhaité améliorer l’image de cette organisation discréditée, il s’est tiré une balle dans le pied. L’ex fonctionnaire fédéral est un spécialiste de la désinformation dont la feuille de route a l’odeur sulfureuse des services de renseignement.

Le  caractère douteux de la candidature de Feierstein a été signalé ce cinq juin par le président bolivien Evo Morales, qui a promis d’expulser la USAID de son pays si elle continuer à donner un appui clandestin à des organisations qui cherchent à déstabiliser son gouvernement.  Avec raison.

En 2002, le nord-américain Feierstein a agi comme stratège dans la campagne électorale de l’ex-président bolivien Gonzalo « Goni » Sánchez de Lozada et son Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR).

« Goni » est celui qui  a ordonné le massacre qui a causé la mort de 67 personnes et des blessures à quelque 400 autres, durant la  « Guerre du gaz », en octobre 2003.

Forcé de démissionner, le président assassin s’est réfugié aux États-Unis où il a reçu  la protection de George W. Bush et sa mafia, qui avaient organisé son ascension à la présidence. Avec l’aide de la bande à Feierstein.

Le gouvernement bolivien a exigé il y a déjà longtemps du gouvernement des États-Unis l’extradition de Sánchez de Lozada pour qu’il se présente devant la justice pour génocide. Une requête qui a été ignorée, comme il est parfaitement usuel dans le cas des amitiés criminelles qu’ont entretenu et entretiennent Bush et son successeur Obama.

Greenberg Quinlan Rosner a « offert des études d’opinion (enquêtes et groupes de focus), productions media (télévision et publicité radio), et conseils stratégiques sur les éléments de campagne tels que débats, programmation, orientation et enquête”, explique la firme sur son site web.

Parmi les spécialistes qui ont « participé à l’effort » se trouvait le conseiller politique israélien Tal Silberstein, confesse-t-on.

Selon une évaluation publiée par la revue spécialisée Covert Action sur l’intervention de Greenberg Quinlan Rosner en Bolivie, la tâche de la firme étasunienne a été essentiellement de convaincre le public que le pays allait « être submergé dans le chaos s’il n’élisait pas le candidat présidentiel avec l’appui de Bush ».

Au moment de sa désignation par Obama comme plus haut responsable de USAID pour l’Amérique latine, Feierstein était toujours vice-président de cette firme de marketing politique et de sondage qui a fait élire « Goni » en 2002.

Son currículum présente cependant quelques taches qui demeurent très difficiles à laver malgré son expérience en matière de détergent politique.


Au Nicaragua, il a dirigé la campagne sale de la NED

Feierstein a été signalé dans les années 90 comme gestionnaire de projet mené  au Nicaragua  par la National Endowment for Democracy (NED), subventionnée par la USAID, pour renverser les sandinistes.

Il a ensuite été directeur pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’Institut démocratique national, un autre instrument d’ingérence impériale affilié à la USAID qui agit parallèlement à l’Institut National Républicain dans différentes opérations de déstabilisation.

L’administration de William Clinton a suffisamment eu confiance en lui pour le désigner comme Conseiller spécial de l’ambassadeur USA auprès de l’Organisation des États américains (OEA), une tâche associée au Département d’état qui exige des références par trop spécifiques.

De ce poste stratégique lorsqu’il s’agit de géopolitique continentale, il est passé à la USAID où on lui a confié la responsabilité du Bureau des élections globales, un autre mécanisme de manipulation de l’opinion.

Diplômé de la Fletcher School of Law and Diplomacy, Feierstein s’est aussi fait connaître comme « journaliste » en rédigeant des analyses, parfois même dans le New York Times, d’une indiscutable subtilité, à la fin desquelles les ennemis du pouvoir hégémonique des Etats-Unis apparaissent toujours comme voués à la défaite

Au Venezuela, Feierstein a dirigé de nombreux sondages d’opinion, toujours pour le compte de l’un ou l’autre fonds du Département d’état, dans un but évident de propagande. Dans l’une de ses analyses apparemment brillantes, il est arrivé à signaler que le président Chavez est extrêmement populaire parmi ses partisans qui cependant « se sentent mal à l’aise avec lui » (sic).

La section Amérique latine du site web de Greenberg Quinlan Rosner fair référence aux « apports » de la firme  dans des « campagnes victorieuses », comme celle du président Manuel Zelaya, du Honduras.

Toutefois, en analysant le coup d’état hondurien, Feierstein prétend le regretter d’une manière assez singulière: « Le rejet du coup d’état par la communauté internationale reflète les opinions de la majorité des Honduriens », dit-il. « Mel Zelaya n’aurait pas dû être destitué par la force… »

Feierstein, assure la publicité de son entreprise, « a supervisé des enquêtes d’opinion dans plus de 30 pays dans lesquels il a acquis une grande compréhension des points de vue des peuples de monde entier sur une variété de sujets ».

Pas de doute là-dessus.

« Nous avons expulsé l’ambassadeur des Etats-Unis et la DEA », a dit Evo Morales en dénonçant l’agence étasunienne et son nouveau patron pour l’Amérique latine et les Caraïbes. « Si la USAID continue à travailler ainsi, la main ne va pas me trembler pour l’expulser, parce que nous sommes dignes, souverains et nous n’allons pas permettre d’ingérence quelle qu’elle soit », a-t-il ajouté.

Feirstein occupera désormais le poste qu’a quitté en novembre 2007 le fonctionnaire corrompu Adolfo Franco, forcé de présenter sa démission de cette organisation quand le General Accountability Office (GAO) a découvert un mécanisme de fraude systématique dans les comptes de groupes liés à la mafia cubano-américaine qu’il subventionnait.

On a substitué à Franco l’ex directeur mafieux de la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA) José R. Cárdenas, alias « Pepe », qui a été ensuite embauché, en juillet 2009, par la dictature hondurienne de Roberto Micheletti pour « améliorer son image » à Washington.

Le président Obama, pour sa part, a proclamé son espoir que la nomination du personnage soit ratifiée, tout en se félicitant que Feierstein « ait choisi de consacrer son talent à la défense du peule américain en ce moment important pour notre pays ».

 « J’espère travailler avec lui pour les prochains mois et années », a ajouté le président du « Changement ».