Dingue d’Higelin!

2010/06/23 | Par Marie-Paule Grimaldi

Après 11 ans d’absence, Jacques Higelin est revenu égal à lui-même, fauve, rock et sensible. Nerveux de retrouver le public, il s’est livré avec la sincérité d’un jeune premier et l’énergie d’un général qui appelle à la joie révolutionnaire, celle qui l’a porté et qui a fait de lui l’icône de plusieurs générations.

Débordant, irrévérencieux et fanfaron, il a rempli de sa musique et de sa parole la scène du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts pendant plus de deux heures, étirant les pièces et les interventions avec une grande générosité, une immense générosité pour le public au rendez-vous.

En première partie, Alexis HK a installé une bonne atmosphère et avait tout pour plaire à ceux venus voir Higelin, avec ses « chansons françaises un peu fonky d’après-guerre ». Intelligent, poétique, avec des textes très littéraires et rythmés, l’auteur-compositeur charme beaucoup par ses mots, et par une présence scénique ajustée, mi bon garçon, mi gangster.

Jouant sur l’ironie et l’humour, il enchaîne ses chansons à travers l’histoire de sa rencontre avec Sépultura qui l’a propulsé dans le néant, entouré de ses musiciens qu’il surnomme Lapin Morbide et Hamster Crucifié. Des pièces comme « C’que t’es belle » (quand j’ai bu) sont particulièrement attachantes, et si ce n’était pas la musique la plus enlevante, cette première partie était d’appoint.

La salle était tout de même fébrile et impatiente de retrouver son vieux complice, et c’est par une ovation que Jacques Higelin fut accueilli. Prenant place au grand piano au milieu de la scène, entouré d’un bel ensemble incluant batterie et percussion (ça promettait déjà question rythme), il répond aux applaudissements par un « Merci pour la fidélité.

Maintenant, faut qu’on se lance. » Et dès les premières notes, tout y est, le rock riche et funk, texturé, et sa voix bien présente et belle entonne Le Minimum, vieux succès approprié, peut-être pour lui donner courage puisqu’il nous a avoué plus tard avoir eu un trac fou de retrouver le public de Montréal. Mais le minimum d’Higelin, tout ce qu’il sait faire, c’est d’exploser les oreilles, les cœurs, la baraque, et le temps.

Chaque pièce fut étirée, savourée, laissant beaucoup de place à la musique et aux musiciens excellents qui l’entouraient.  Les pièces du nouvel album Coup de foudre, d’une belle écriture et composition où encore une fois on le retrouve, sont venues ponctuées les nombreux succès, CigaretteParis-New-York, l’émouvant et intense Champagne, qui, sans être refait au son du jour, n’ont rien perdu de leur éclat, de leur énergie et de leur force.

Higelin nous a saturés de sa présence musicale mais aussi de ses interventions entre les chansons, souvent trop longues et impertinentes, mais c’est avec toute la liberté qui le caractérise qu’il est venu à nous, nous voir, nous parler, et tout donner. Et le public était preneur, joueur, alors que nous avons pris un très long moment pour établir un chœur dans la nouvelle pièce Août Put pour chanter « Gourdon/Alpes-Maritimes... ». En tout et partout, une démesure qui lui a fait faire une heure de plus au spectacle prévu à travers une quinzaine de pièces à vous fouetter le sang.

On peut dire que les Francofolies nous ont gâtés en l’invitant, mais tout l’honneur revient à l’artiste pas du tout assis sur ses lauriers, toujours en danger puisque bien vivant, un peu fragile mais vibrant, lui qui a su se renouveler à travers les années sans jamais se trahir et sans jamais nous trahir non plus.

C’était aussi délirant qu’authentique, une matrice d’énergie régénératrice pour tous. Jacques Higelin a terminé ému de nous voir ainsi avec lui, en nous disant « de ne jamais laisser le rire mourir dans notre cœur », en nous souhaitant de l’amour et du respect et en finissant par un « je ne vous abandonnerai jamais ». Un amour fou et réciproque.