Quand Stockell Day se mêle d’équité en emploi

2010/08/26 | Par Maude Messier

Le président du Conseil du Trésor, Stockwell Day, en consultation avec Jason Kenney, ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, annonçait le 22 juillet dernier son intention de réexaminer les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique de même que toutes les politiques et pratiques connexes.

Par voie de communiqué, le ministre Day a déclaré appuyer «l’objectif d’une fonction publique fédérale diversifiée», tout en spécifiant vouloir s’assurer «qu'aucun Canadien n'est exclu d'une opportunité d'emploi dans la fonction publique en raison de sa race ou de son origine ethnique».

Pour l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), les déclarations du ministre Day laissent sous-entendre que les mesures de discrimination positive à l’embauche seraient incompatibles avec les principes du mérite et de l’égalité des chances.

Or, «il n’y a rien de plus faux!», s’exclame Patty Ducharme, vice-présidente exécutive nationale, dans une entrevue accordée à l’aut’journal.

L’organisation syndicale dénonce les propos «démesurés» et «exagérés» du ministre Day. Tissés de mensonges et de mythes, ces déclarations ne font que renforcer des préjugés nuisibles en matière d’équité en emploi et quant à la fonction publique en général.

Mme Ducharme souligne que les postes concernés par des mesures de discrimination positive obligatoires à l’embauche ne représentent qu’un infime pourcentage par rapport à l’ensemble des titres d’emplois.

Elle rappelle aussi que dans tous les cas, «la compétence et la qualification constituent des prérequis. La dotation doit être faite au mérite, ce qui est d’ailleurs prévu dans la Loi.»


Celle par qui le scandale arrive

«Outrée» et «indignée» de n’avoir pas pu présenter sa candidature à un poste de la fonction publique fédérale «parce qu’elle est blanche», Sara Landriault, une mère de famille résidente de Kemptville en Ontario, a déclenché tout un tollé en déballant son histoire.

Les ministres Day et Kenney se sont aussitôt empressés d’annoncer leur intention de revoir les politiques d’embauche dans la fonction publique fédérale.

Si le cas de Sara Landriault a été hautement médiatisé, l’AFPC demeure sceptique et trouve bien étrange que cette plainte particulière ait reçu autant d’attention de la part du gouvernement. Patty Ducharme soulève l’ironie du fait que cette histoire illustre bien la nécessité des mesures de discrimination positive.

«Alors que les groupes ciblés par la loi sont victimes de discrimination depuis de nombreuses années et qu’ils doivent se battre pour faire respecter leurs droits, une seule femme blanche reçoit toute l’attention du ministre et bénéficie de son influence. C’est plutôt étrange.»

Une fonction publique «diversifiée», telle que décrite par le ministre Day, n’est pas nécessairement «représentative» de la population qu’elle dessert. Patty Ducharme fait valoir que la fonction publique fédérale doit être représentative de la population canadienne.

Or, malgré les efforts déployés, certaines barrières sont persistantes pour les individus appartenant aux groupes ciblés par les mesures d’équité en emploi.

Association syndicale la plus représentative de la fonction publique fédérale, l’AFPC a toujours milité activement dans le dossier d’équité en emploi et travaillé à la mise en œuvre d’initiatives en ce sens.

Reconnaissant que d’importantes avancées ont été réalisées au cours des dernières années, Mme Ducharme estime qu’il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir pour éliminer la discrimination.


Iniquité persistante


Malgré les dispositions de la Loi sur l’équité en emploi et les obligations des employeurs sous juridiction fédérale, l’AFPC soutient qu’il demeure difficile d’accommoder pleinement certains groupes et individus en milieux de travail et que la discrimination persiste.

Les données suivantes (mars 2009) démontrent la sous représentativité dans la fonction publique des groupes ciblés par rapport à l’ensemble de la population: femmes (54,7%), minorités visibles (9,8%), handicapées (5,9%) et autochtones (4,5%).

Si Stockwell Day prétend que les mesures de discrimination positive constituent un préjudice pour l’ensemble des Canadiens ne faisant pas partie de ces groupes, Mme Ducharme insiste sur le fait que ces mesures ne constituent en rien un cadeau. «On ne donne pas le poste en cadeau. Les candidats doivent le mériter, ce qui signifie être qualifiés pour l’exercer

Pour ces groupes «traditionnellement désavantagés», faire respecter leurs droits n’est pas toujours chose facile. Elle explique qu’il n’y a aucun avantage indu à faire partie de ces groupes et qu’en matière d’emploi, cela représente un obstacle plus souvent qu’autrement. À cet effet, «la législation est nécessaire», explique Mme Ducharme.


À propos du questionnaire de recensement

L’AFPC s’oppose à l’abolition du long questionnaire obligatoire du recensement par le gouvernement conservateur. «Nous croyons que ces données sont essentielles pour développer des politiques éclairées et solides pour la population. Ces informations sont aussi essentielles pour avoir une fonction publique représentative de la population canadienne.»

L’annonce des conservateurs sur d’éventuelles modifications aux dispositions de la Loi sur la fonction publique est survenue au lendemain de la démission du grand patron de Statistique Canada, le statisticien en chef Munir Sheikh, opposé à la décision du gouvernement de rendre volontaire le formulaire long du recensement et estimant «qu’une enquête volontaire ne peut remplacer un recensement obligatoire».

Patty Ducharme n’y va pas de main morte en affirmant que ce gouvernement met tout en œuvre pour saboter les instruments du leadership gouvernemental: «On a un gouvernement qui dit ne pas croire en le rôle d’un gouvernement et qui fait tout pour éliminer l’information et l’accès à l’information, essentiel à l’élaboration de politiques et pour challenger le gouvernement

L’AFPC estime qu’un processus de révision des politiques et pratiques en emploi ne peut se réaliser en vase clos. L’organisation multiplie les représentations politiques et Mme Ducharme confirme que le Comité d’équité et le Sénat ont déjà été rencontrés relativement à ce dossier.

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