Loi 103 : doit-on avoir honte d’utiliser la clause dérogatoire?

2010/09/16 | Par Pierre Dubuc

La ministre Christine St-Pierre mène tambour battant campagne contre la Coalition qui s’oppose à la loi 103 sur les écoles passerelles en affirmant que l’extension des dispositions de la Loi 101 aux écoles privées non subventionnées implique le recours à la clause dérogatoire.

Selon Mme St-Pierre, soustraire la législation québécoise qui découlerait de cette prise de position à la Charte des droits et donc à l’intervention de la Cour suprême nuirait à la réputation internationale du Québec.

L’argument fait mouche chez certains souverainistes. Louis Bernard a fustigé pour cette raison la proposition de la Coalition opposée à la loi 103.

Difficile de dire si le recours à la clause nonobstant serait nécessaire si on assujettit les écoles privées non subventionnées à la loi 101. Les constitutionnalistes ne s’entendent pas sur la question.

Cependant, le Québec ne devrait pas être gêné d’y avoir recours étant donné que c’est le seul espace d’autodétermination qui lui reste.


Le droit de désaveu fédéral

Le texte de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 – la loi constitutionnelle du Canada – reconnaît à l’article 90 au gouvernement fédéral un droit de désaveu des lois provinciales. Il a été utilisé à 112 reprises dans l’histoire du Canada et pour la dernière fois en 1943.

D’un point de vue politique, son utilisation est de caractère explosif parce qu’il ramène les provinces au rang de grosses municipalités. Ce qui était d’ailleurs le point de vue de John A. Macdonald.

C’est évidemment plus élégant de confier le désaveu à des juges d’une Cour suprême d’une neutralité au-dessus de tout soupçon. (Tant qu’une Commission Bastarache n’examinera pas le processus de leur nomination.)

Ces juges interprètent une Charte des droits qui, sur les questions linguistiques, a été élaborée par Pierre Elliott Trudeau très précisément pour contrer la loi 101. Tous les autres articles de la Charte sont des généralités comme c’est la coutume pour des documents de ce genre, mais l’article 23 qui porte sur la question linguistique entre dans les détails avec la précision d’une loi fiscale.

Le Québec, unanimement, n’a jamais reconnu la Constitution de 1982 et sa Charte des droits. Il n’a pas à reconnaître l’interprétation que donnent de cette loi des juges nommés par le gouvernement d’une autre nation.

Pour ce faire, il peut utiliser la clause dérogatoire qui, rappelons-le, a été inscrite dans la Constitution lors de son rapatriement en 1982 à la demande expresse des provinces anglophones.

C’est aujourd’hui le seul espace qui reste au Québec pour exercer son droit à l’autodétermination. Mais encore faut-il avoir le courage politique pour le faire.

Bien sûr, les fédéralistes mèneront campagne contre le Québec à l’échelle internationale. Mais ils vont le faire à chacune de nos démarches d’émancipation. Aussi bien habituer tout de suite la communauté internationale à s’intéresser à notre projet d’indépendance nationale et l’immuniser à petites doses à la propagande fédéraliste.


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