Rencontre avec Camilo Guevara March

2010/10/12 | Par Ginette Leroux et Gabriel Ste-Marie

Dimanche matin. Dix heures. Nous étions postés devant la salle de presse, dans le salon d’un grand hôtel de Montréal, quartier général du Festival des films du monde. Fébriles, nous attendions Camilo Guevara March, le fils de celui qu’on appelait el Comandante Che Guevara.

Le voilà. Homme fier, la carrure puissante de son père, il a l’œil vif et le sourire séduisant, la peau lisse de son visage ne laisse aucunement filtrer son âge. L’homme de 48 ans, cheveux longs, moustache et bouc bien taillés, nous regarde droit dans les yeux.

Vêtu d’un pantalon de lin blanc et d’une chemise à col ouvert couleur sable, il nous paraît décontracté mais affamé. « Camilo n’a besoin que d’un café et du pain, nous dit gentiment sa femme Rosa, il revient tout de suite. » Notre patience est vite récompensée par l’accueil chaleureux de l’homme qui accepte généreusement de répondre à nos questions.

Camilo Guevara, dont c’était le premier passage à Montréal, venait présenter le documentaire Che, un hombre nuevo du réalisateur argentin Tristán Bauer.

D’ailleurs, le Centre d’études Che Guevara de La Havane dont Camilo est le coordonnateur a mis à la disposition du cinéaste et de son assistante une abondante documentation sur la vie et l’œuvre du Che.

Nous avons approché le fils d’un homme plus grand que nature, élevé au statut d’icône mondiale par ses contemporains, par la seule façon qui s’imposait : nous avons causé politique. Il était dans son élément.

Avec une simplicité désarmante, il discute des changements opérés à Cuba depuis la disparition de son père et de l’héritage légué par le Che à la nouvelle génération.

Quand on lui demande s’il voit une filiation entre les actions d’Evo Morales, l’actuel président de Bolivie, et ce qu’avait voulu faire son père à l’époque, il rend un vibrant hommage au peuple bolivien si cher à son père. Il souligne avec une sensibilité profonde l’événement marquant de l’élection d’Evo Morales comme premier autochtone à prendre le pouvoir en Amérique latine.

Là où il fond littéralement, c’est quand il parle de l’héritage de sa mère. Sa voix s’adoucit, se trouble même, quand il dit « mamá » pour parler de la femme exceptionnelle qui a dû élever seule ses quatre enfants suite à la mort de son mari alors que Camilo n’avait que 5 ans. En cela, Aleida Guevara March a suivi à la lettre les mots tendres du père qui dictait à ses enfants la ligne de conduite à suivre dans une lettre adressée à leur intention la veille de son départ de Cuba pour la Bolivie en février 1966, un voyage dont on sait qu’il ne reviendra pas vivant.

Il les enjoint à étudier « beaucoup pour maîtriser la technique qui permet de dominer la nature », à être solidaires parce que « chacun de nous, tout seul, ne vaut rien ». Et « surtout, conclut-il, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire ».

(La longue entrevue qu’il nous a accordée paraît dans la version papier de l’aut’journal.)

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