Que faire avec les historiens révisionnistes ?

2010/10/18 | Par Jean-François Thibaud

Dans le Devoir du 7 octobre, un certain Jocelyn Létourneau de l’Université Laval, un autre révisionniste de « la chaire de recherche du Canada en histoire et économie politique du Québec contemporain », un invité et chercheur à l’Institute for the Study of the Americas de l'Université de Londres prend la parole sur la crise d’octobre soixante-dix. Il se demande que faire d’octobre 70.

Il prend pour point de départ deux textes antagonistes publiés dans les journaux, pour s’interroger sur l’importance ou non de revenir sur la crise d’octobre.

Pour Foglia , nous dit l’historien : « passer à l'avenir est une nécessité »

Pour Josée boileau , « Octobre 1970 doit rester un événement vivant par l'histoire »

Outre le fait que le résumé du texte de Foglia fait très mal paraitre ce dernier, aussi contestable soit son opinion, la manœuvre est pour le moins douteuse d’opposer ainsi deux souverainistes « modérés » dans ce débat alors que les fédéralistes se tordent de rire avec leur raccourci radio-canadien. Douteuse mais bien trouvé.

Jocelyn Létourneau écrit : « Le déchaînement médiatique et discursif des derniers jours a (..) donné à l'événement une importance et une signification qu'il ne possède pas et que le temps n'a pas modifiées en mieux ou en pis. (…)Il est au Québec une pensée et un agir rebelles qui aiment bien confondre leurs traditions et histoires avec celles de la société dans son ensemble. À lire certains textes, à entendre certains discoureurs, on a l'impression que toute une collectivité était, en octobre 1970, au bord de l'insurrection, que son destin allait se jouer pour de bon et que, selon le résultat de l'opération (terroriste d'un côté, de terreur de l'autre), rien ne serait plus comme auparavant.

Dans chaque bémol du passé québécois, il faudrait cesser de voir une note historique décisive. »

Hum hum ! Pardon ? La crise d’octobre, un bémol du passé québécois ? Et pourquoi pas un dièse monsieur l’historien. Pourquoi pas un cluster sur un point d’orgue ?

Jocelyn Létourneau écrit : « Non, la mort de Pierre Laporte, déplorable à tous points de vue, n'a pas marqué la mort de l'indépendance ni celle du mouvement nationaliste. »

Sur quelle autorité supérieure vous appuyez vous pour dire que la mort de Laporte est déplorable à tout point de vue ? Il est plus que probable que cette mort n’était pas du tout déplorable du point de vue des idéologues réactionnaires d’Ottawa.

Jocelyn Létourneau écrit : « Non, la Loi sur les mesures de guerre, condamnable par ses excès et abaissante pour une collectivité comme l'a dit René Lévesque, n'a pas muselé la société. »

Condamnable uniquement « par ses excès », la loi des mesures de guerre appliquées au contexte de1970 ? Alors que l’éminent bouffon vient juste de nous dire qu’il n’y avait pas l’ombre d’une insurrection appréhendée ?

Alors que même l’ultra-fédéraliste et réactionnaire juge Ouimet a désavoué cette loi, renversant une décision du pouvoir exécutif et reconnaissant que l’habeas corpus britannique datant du moyen-âge avait préséance sur cette infâme manœuvre fédérale ? La loi des mesures de guerre n'est pas une loi « condamnable pour ces excès », mais le point de passage de la ligne de démarcation entre l'état de droit et le terrorisme d'état.

Jocelyn Létourneau écrit : « Non, le Québec, malgré la déroute felquiste, n'a pas stoppée sa marche vers l'avant ni abandonné ses idéaux progressistes. »

Hum hum ???La marche vers l’avant ? Cela me rappelle Pierre Bourgault dans Moi je m’en souviens. Parlant de René Lévesque en 82 qui mettait encore sa tête sur le billot pour éloigner les « extrémistes » de son parti qui refusaient son beau risque alors qu’il venait de faire subir aux québécois la plus grave défaite politique depuis la conquête : : « Je vous ai amené sur le bord du gouffre nous dit Trudeau, faisons encore un pas nous dit Lévesque. »

Quant aux idéaux progressistes, j’aimerais bien que le brillant analyste nous explique ou il voit cet idéal s’incarner dans la société québécoise d’aujourd’hui, alors que non content d’avoir vu la majorité de la gauche du PQ se réfugier chez le parti marginal de Québec Solidaire et d’avoir désavoué le restant de courant syndical encore représenté par la SPQ libre tout dernièrement, nos lucides nationalistes menacent maintenant de recréer le crédit social pour déborder le parti libéral sur sa droite !!!

Jocelyn Létourneau écrit : « Ce que certains acteurs de l'époque et quelques sympathisants d'hier et d'aujourd'hui aiment bien présenter comme un événement déterminant de l'histoire du Québec ne fut en réalité qu'un bruit du passé dont l'écho entretenu correspond mal à l'histoire vécue. »

Bien sûr la strappe et le bâillon de « la chaire de recherche du Canada en histoire et économie politique du Québec contemporain » correspond en tout point à l’ « histoire vécue » de la majeure partie de la population. Et l’écho entretenu, lui, il est mieux de surveiller ces paroles s’il ne veut pas finir comme ce citoyen de Lachine qui vient d’être arrêté de manière préventive pour menace de mort alors qu’il exprimait sa colère sur Facebook.

Jocelyn Létourneau écrit : « Octobre 70 est mémorable en ce qu'il rappelle surtout à quel point la société québécoise, depuis fort longtemps, fustige le radicalisme et reste de marbre devant l'extrémisme, l'utopisme ou le dogmatisme. L'événement est marquant en ce qu'il remémore éloquemment à quel point la primauté du politique demeure, chez les Québécois, une valeur et une vertu cardinale qu'ils ne sont pas prêts à sacrifier au brillant des terres promises. L'épisode est essentiel en ce qu'il expose explicitement, une fois de plus, à quel point la violence est un horizon dans lequel bien peu de Québécois ont envie d'investir, de glisser ou de se laisser entraîner. »

Encore une fois, le radicalisme, l’extrémisme, l’utopisme ou le dogmatisme sont l’apanage exclusif du mouvement felquiste honni. Le bilinguisme coast to coast ne relève pas de l’utopisme et l’imposition radicale du multiculturalisme à la sauce empire britannique ne relève pas non plus du dogmatisme.

Le rapatriement de la constitution de 82 de Pierre Trudeau sans le consentement du Québec est un acte emprunt d’une grande modération qui, quand bien même laisserait de marbre les québécois, illustre à quel point la « primauté du politique » si chère à Monsieur Létourneau a servi de mieux en mieux leurs intérêts, il va sans dire.

Jocelyn Létourneau écrit : « Plus que tout, Octobre 70 fut une confirmation de ce qu'est fondamentalement le Québec par rapport aux représentations rapides et emportées qu'on peut en faire: une société pacifique où la temporisation et la circonspection l'emportent sur l'excitation et la précipitation.

« Il importe de le redire au risque de déplaire: le Québec est une société paisible et tranquille qui se reproduit à l'intérieur d'un cadre général où le démesuré est désavoué et où le réservé est apprécié. Telle est la culture politique nationale. On sera ou non consterné par cet humanisme, il impose sa présence forte à toute tentative de saisir et de comprendre la condition québécoise dans le temps — y compris à l'époque d'Octobre 70. »

Rien d’étonnant à ce que le chercheur « invité » de l’Institute for the Study of the Americas de l'Université de Londres ne veuille faire passer des vessies pour des lanternes et donner la papate à ces maîtres.

La maladie mentale affecte la majeure partie de nos élites. N’avons pas eu droit dernièrement à un atroce film hollywoodien dirigé par Jean-Marc Vallée qui dépeignait la reine Victoria comme une activiste de gauche ? Pas étonnant que ce soit un Québécois qui s’y soit collés. Probablement que même un britannique n’aurait pas osé endosser un tel travestissement des faits historiques.

Par contre, je me demande dans quel but Le Devoir publie de telles provocations qui ne font qu'aggraver le sentiment de colère des citoyens envers leurs élites méprisantes.

Le mouvement souverainiste est au tapis et Monsieur Létourneau ne trouve rien de mieux à faire que de banaliser les manifestations les plus saillantes de son histoire.

La «  culture politique nationale » n’est pas un long fleuve tranquille. La société paisible et tranquille s’est fait laminé de bout en bout de son histoire et ne doit sa survivance qu’à une extrême détermination et d’immenses sacrifices.

Aujourd’hui grâce au bon soin des chaires de propagandes financées par le fédéral, cette société paisible et tranquille se retrouve coincée à droite par le discours des cheerleader pantentés du Patriot Act et de la guerre en Afghanistan tels les Richard Martineau et Mario Roy et, à gauche, par celui de cette pseudo- gauche efficace, ces Obamistes qui cautionnent des « réformes » qui accentuent chaque jour d’avantage encore la fracture sociale ?

Au coin de ma rue, un arabe vient de se faire liquider par une gagne de rue.

Même l’expression « monstrueusement en paix » si chère à Wajdi Mouawad ne tient plus la route. Nous canardons à qui mieux mieux aux côtés de l’empire américain, des populations entières avec des missiles remplis d’uranium appauvri.

Paisible et tranquille, mon cul !!!



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