RIDM : Red Shirley, la militante

2010/11/17 | Par Ginette Leroux

Ne vous laissez pas intimider par le caractère rugueux du chanteur américain Lou Reed dont le groupe rock Velvet Underground a fait recette dans les années 1960. L’homme irrévérencieux, hué lors d’un concert montréalais l’été dernier, s’est converti en cinéaste. Coréalisateur du film Red Shirley avec, à ses côtés, Ralph Gibson comme directeur photo, il met en scène sa cousine, rencontrée dans son appartement de West Chelsea à New York à l’aube de ses cent ans.


L’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai

Née en avril 1909, Shulamit Rabinowitz a traversé le 20e siècle d’une façon remarquable. Originaire d’un petit village reculé de Pologne, issue d’une famille juive de classe moyenne, après avoir traversé la Première Guerre mondiale alors que, comme elle dit « les Allemands étaient civilisés à l’époque », elle s’embarque pour l’Amérique suite aux craintes de son père face à l’approche de la Deuxième Grande guerre.

Ses deux petites valises au bout des bras, ne parlant ni anglais ni français, elle jette l’ancre au Canada. Mais le Canada est trop petit pour elle, trop « provincial » dira-t-elle. Sans compter que son maigre salaire de couturière à 5$ par semaine ne la satisfait pas.

L’entreprenante jeune fille de 19 ans voit plus grand. Cachée au fond d’une auto, sous un tas de vêtements, elle passe la frontière américaine. Sa mandoline sous le bras, elle prend le train et rejoint son oncle à New York.


Un destin singulier

Là se dessine son destin. Couturière et militante durant 47 ans, elle prendra la parole aux assemblées syndicales (IWO) pour défendre les droits spoliés des travailleuses en manufacture, ne serait-ce que pendant les seules cinq minutes que les dirigeants lui accordaient.

Mouton noir de la famille? « Non, mouton rouge », répondait-elle avec aplomb. Red Shirley marchera aussi sur Washington, en lutte pour les droits civiques des Noirs.


Pas froid aux yeux, Shirley

Même à cent ans, sans lunettes, d’une vivacité d’esprit peu commune et d’un naturel désarmant, la femme ne se laisse jamais démontée par les questions parfois insistantes de Lou Reed. « Voyons Shirley, tu ne t’en souviens pas? » lui lance-t-il un brin plus fort, s’amusant à lui tirer la pipe. Et elle de s’esclaffer.

La belle complicité entre le cinéaste et sa cousine crève l’écran.

Dommage que ce film ne propose pas de sous-titres français.


Red Shirley, à la Grande Bibliothèque, le 21 novembre à 14h00, 28 minutes.

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