Crise de la démocratie 

2010/12/01 | Par Roméo Bouchard

Les journalistes nous fournissent jour après jour la preuve que nous avons perdu le contrôle démocratique de notre société. Même si nous savons qu’il y a toujours eu de la corruption, nous sommes forcés de constater que les intérêts privés, profitant des failles d’un système électoral et parlementaire qui confère le pouvoir absolu au parti politique dominant et forts du pouvoir tentaculaire que leur donne l’intégration économique actuelle, ont pratiquement fait mainmise sur notre démocratie et sur nos biens collectifs.

Les journalistes font leur travail et on ne peut que les en remercier. Mais au-delà de la dénonciation, il faut chercher des solutions, sans quoi l’impuissance et le cynisme des citoyens, ensevelis sous cet amoncellement de faits désespérants, ne feront qu’augmenter.

Or ce qui frappe présentement, c’est l’absence de solutions chez ceux qui ont le devoir d’en proposer. Le gouvernement libéral n’a rien d’autre à proposer que des enquêtes judiciaires et quelques resserrements des contrôles ici ou là.

L’opposition parlementaire et civile réclame une commission d’enquête omnibus et la démission de Jean Charest. Toutes ces enquêtes sont évidemment nécessaires pour y voir plus clair, mais cela ne nous avance guère sur les solutions à apporter à cette dérive de la démocratie libérale.

Quant à nos universitaires et autres penseurs sociaux ou politiques, on ne les entend guère parler sur les alternatives politiques à envisager. Il y a toujours un bonze quelque part pour rappeler que tous les systèmes électoraux et parlementaires ont leurs défauts.

Il y a bien des groupes de citoyens qui se défendent ici et là – sans succès la plupart du temps – contre l’invasion de leur territoire par des projets privés, ou la génération Y qui est sorti récemment de son indifférence (Génération d’idées) , mais leurs propositions sont encore loin de constituer un nouveau projet politique.

Quant on aura fini d’enquêter et de dénoncer, il faudra bien se résoudre à s’attaquer au nœud du problème : une refonte complète de nos institutions démocratiques, électorales, parlementaires et territoriales pour redonner aux citoyens le contrôle démocratique sur les décisions qui concernent nos ressources et nos biens collectifs.

Notre système électoral prête à toutes les distorsions et toutes les collusions; notre système parlementaire confère un pouvoir si absolu au parti dominant qu’il annule tout pouvoir réel aux députés qu’on élit; nos instances territoriales sont si dépendantes de Québec qu’elles ne permettent pas aux citoyens d’avoir une prise sur les décisions qui concernent l’organisation et le développement de leur communauté et de leur territoire. Pas étonnant que les citoyens se sentent impuissants.

La mise à jour de la démocratie libérale devra intégrer toute une gamme de mécanismes de démocratie directe qui sont rendus plus possibles aujourd’hui grâce aux médias interactifs.

Il y a quelque chose de frustrant à subir des élections aux quatre ans et des commissions d’enquêtes qui durent des années et coûtent des fortunes alors que, dans tous les autres secteurs d’activité, les gens peuvent se renseigner et intervenir sur tout, tout le temps et n’importe où. Les citoyens doivent pouvoir intervenir de façon contraignante dans les décisions politiques entre les élections.

Plutôt que de nous rejouer la cassette qu’on entend depuis plus d’un an à l’Assemblée nationale, il serait temps que les politiciens et les leaders ouvrent le débat sur la réforme en profondeur de nos institutions démocratiques.

Et si leurs intérêts partisans les rendent inaptes à tenir un tel débat, qu’ils appellent l’élection d’une assemblée constituante qui aura pour tâche d’élaborer avec la population une constitution québécoise qui nous permettrait de refonder et reconstituer le Québec en définissant ce que nous sommes, ce que nous voulons être et comment nous voulons nous gouverner. Un nouveau départ pour le Québec.

Saint-Germain-de-Kamouraska