Fonction publique : le coût de la gestion libérale

2010/12/10 | Par Maude Messier

À la lumière des données compilées par le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), les dépenses en sous-traitance des services professionnels du gouvernement coûtent cher aux contribuables québécois.

En entrevue à l’aut’journal, le président du SPGQ, Gilles Dussault, déclare que, s’il est vrai que le gouvernement a réalisé des économies de 800 millions $ entre 2003 et 2009 avec son Plan de réduction des effectifs, les dépenses liées au travail effectué par le secteur privé s’élèvent à 2 milliards $ pour la même période.

Le dirigeant syndical dénonce les contradictions de la gestion gouvernementale en période d’austérité financière. « Il y a des mythes à déboulonner : ce n’est pas vrai que ça coûte moins cher au privé, les chiffres le démontrent. Les contribuables n’en ont pas pour leur argent », dénonce-t-il.

À titre d’exemple, le SPGQ souligne que la Direction des ressources informationnelles de la Sûreté du Québec a dépensé, pour la période 2008-2009, plus de 101 000 $ par année en moyenne pour du personnel sous-traitant comparativement à une moyenne par personne de 41 000 $ pour les ressources internes.

Dans le secteur informatique, Gilles Dussault déplore que la plupart des projets de développement ou encore l’entretien de systèmes existants soient confiés à l’expertise privée, sans qu’aucune évaluation des coûts à l’interne ne soit effectuée.

Pour illustrer l’omniprésence des entreprises privée dans les rouages de la fonction publique, il fait valoir que « il y a des gens, à l’emploi d’entreprises privées, qui sont là en permanence, dans nos bureaux! On en a dénombré 2 500 comme ça. C’est carrément une fonction publique parallèle. »

Le syndicat déplore le recours abusif à la sous-traitance qui assujettit progressivement l’État aux services externes et qui se retrouve soumis à leur tarification. Il en résulte également une perte d’expertise au sein de la fonction publique, ce qui n’est absolument pas souhaitable.

« Ça fait plusieurs années qu’on leur dit [au gouvernement] qu’il faut faire une évaluation des tâches et établir des étalons de comparaison, qu’on puisse établir s’il en coûterait moins cher de faire faire le travail à l’interne, par des gens déjà en poste ou encore embauchés provisoirement, plutôt que de se fier au privé. »

Pour M. Dussault, l’attrition qui sévit dans la fonction publique depuis 2004 constitue une véritable tare qui force les gestionnaires à faire de mauvais choix financiers en les empêchant d’embaucher du personnel interne.

« Je comprends qu’on ne remplace pas une personne sur deux dans la fonction publique, mais la population, elle, veut recevoir les services pour lesquels elle paie. De fait, même s’il y a moins de monde à l’interne, le travail doit se faire. Comme le Conseil du Trésor ne donne pas l’autorisation d’embaucher du personnel, les mandats sont confiés à l’externe. »

Il insiste également sur le fait que le vérificateur général de la ville de Montréal, dans son rapport sur les compteurs d’eau, spécifie qu’un scénario de réalisation à l’interne devrait toujours être préparé. « De cette façon, on maintien notre expertise publique, on a des comparatifs et on est en mesure de réaliser les travaux au meilleur coût possible. » Il ajoute n’avoir aucun doute quant à la compétitivité de la fonction publique.

Il dénonce que des sommes importantes en provenance des fonds publics soient englouties dans des projets inachevés et jamais livrés. Plus près de l’actualité, le Réseau des services intégrés pour personnes âgées (RSIPA), un système qui devait mettre en réseau les dossiers cliniques des personnes âgées en perte d’autonomie, en est un bon exemple.

« C’est un projet de 63 millions $, pour lequel 30 millions $ a déjà été dépensés. Compte tenu des coûts supplémentaires qui s’ajoutent, le ministère de la Santé du Québec suspend le projet, faute de fonds. On n’en a pas pour notre argent-là. Un moment donné, ça va faire! »

Le SPGQ se dit prêt à travailler de concert avec le gouvernement pour améliorer les services à la population tout en dégageant des économies. « On ne dit pas que tout doit être fait à l’interne, mais aucune étude sérieuse n’a été réalisée pour établir un cadre de référence. Si on faisait ça, on pourrait ensuite s’asseoir et en discuter. »

À cet effet, Gilles Dussault rappelle que le syndicat a obtenu dans la nouvelle convention collective une clause prévoyant la mise sur pied d'un comité mixte de concertation patronale-syndicale pour discuter de la sous-traitance, des moyens propres à privilégier l'utilisation et le développement de l'expertise interne et des questions reliées à la gestion de l'effectif.