Tic tac, tic tac… à trois on se réveille !

2011/01/06 | Par Réjean Porlier

Même si je le voulais, je n’y arriverais pas car en matière d’hypnotisme, il n’y a que celui qui vous endort qui a le pouvoir de vous réveiller. Mais comme l’écriture est une excellente thérapie et que les voisins n’ont que faire de mon insomnie passagère, pourquoi ne pas me faire un peu de bien en vous livrant le fond de ma pensée?

Ai-je besoin de vous en convaincre? Le milieu de la finance a investi la plupart de nos gouvernements, voir même la plupart des partis de l’opposition. L’équation est pourtant toute simple à comprendre :

D’abord, une des citations les plus reprises par nos politiciens :

« Il faut réduire le fardeau fiscal des entreprises »

D’ailleurs, en ce début d’année 2011, nous apprenions dans la Presse canadienne que, malgré l’important déficit des deux dernières années, causé principalement par la dernière crise économique, le gouvernement Conservateur de Stephen Harper irait de l’avant avec son plan pour alléger le fardeau fiscal des entreprises, se privant ainsi de quelques 10 milliards $. Tout un contraste avec le discours d’austérité auquel il se livre depuis décembre 2008.

Le gouvernement provincial de Jean Charest n’est pas en reste : en 2008, il a subventionné en notre nom, l’entreprise privée à hauteur de 6 milliards $, alors qu’il lui réclamait en impôt quelques 3 milliards $, soit 1,4 milliards $ de moins que ce que lui a rapporté Hydro-Québec à elle seule pour la même année (réf. Léo-Paul Lauzon).

Entre 2002 et 2008, alors que cette entreprise privée extrayait en sol québécois pour quelques 17,1 milliards $ de produits miniers de toutes sortes et que le taux d’imposition est fixé à 12%, c’est plutôt un maigre 1,5% qui est revenu dans les coffres du gouvernement pour un montant avoisinant les 259 millions $.

Il est important d’ajouter à l’équation le fait que nous assumerons collectivement des frais de restauration des sites miniers pour un montant de 264 millions $ et ce pour la même période. (Rapport du vérificateur général du Québec). Pas besoin d’avoir les oreilles à Papineau pour comprendre que les entreprises jouissent déjà d’un traitement on ne peut plus favorable et qu’il faudra repasser pour le retour sur l’investissement.

Un autre élément qui peut nous donner un indice de la proximité outrageuse qui existe entre nos élus et les magnats de la finance, c’est que pendant qu’on impose à la grande majorité de la population des budgets austères, supposément justifiés par le manque à gagner dû aux crises économiques, les dirigeants des grandes sociétés eux, traversent ces crises économiques les doigts dans le nez et trouve même le moyen de s’enrichir.

Selon deux articles parues dans la Presse et le Devoir du 4 janvier, les 100 PGD canadiens les mieux payés ont reçu en 2009 une rémunération équivalent à 155 fois le salaire d’un simple travailleur. En 1995, le ratio était de 85 pour 1, alors qu’il était de 40 pour 1 à la fin des années 80.

Rien pour nous aider à avaler les coupures de 5,2 milliards $ annoncés récemment par la ministre Courchesne dans le secteur public.

Ajoutez à cela le lot de scandales qui font la manchette depuis un moment et mettent en évidence ce manque d’indépendance entre la classe politique et les amis du parti, particulièrement ceux qui contribuent à la caisse électorale. En avons-nous besoin d’avantage pour admettre cet état de fait :

« C’est le merveilleux monde de la finance qui a les deux mains sur le volant et non Jean Charest comme il le prétend. »

Stephen Harper est à l’industrie du pétrole, ce que Jean Charest est la grande industrie privée ; un homme de main.

Tout cela met la table pour cette deuxième citation :

« L’état est trop gros » ou encore « ce n’est pas le rôle de l’état »

Une citation qu’on ne manque pas de reprendre dans les différents médias, mais qui, si elle est reprise par nos politiciens pour justifier les coupures parfois draconienne dans les services publics, provient d’avantage des tenants de la pensée magique qui demandent toujours plus de dérèglementation et d’ouverture des marchés, parce que paraît-il, la loi du marché est la réponse à tous nos maux.

Un autre paradoxe d’ailleurs, car lorsque le marché s’écroule, c’est à même les fonds de l’État (nos impôts) qu’il faut financer le sauvetage. Donc, trop d’État, mais toujours plus de subventions financé à même les deniers publics, allez donc comprendre!

À ne pas s’y tromper, ces prophètes sont exactement les mêmes qui, maintenant qu’ils ont les tentacules bien fixées aux sièges des politicien.nes, multiplient les acrobaties pour s’approprier la gestion de nos services publics, avec un certain succès avouons-le.

La santé est sans doute l’exemple le plus flagrant de cette manœuvre qui vise à démutualiser le filet social chèrement acquis au fil des ans. L’introduction de la filière privée en santé a-t-elle conduit au désengorgement dans les hôpitaux et donné un meilleur accès aux soins de première importance? Évidemment pas, cela a surtout conduit à la priorisation des patients plus fortunés. La médecine à deux vitesses n’est plus un mythe, mais une réalité au Québec.

La santé et l’éducation, comme l’exprimait Réjean Parent, président de la CSQ (centrale syndicale du Québec) dans Le Devoir du 4 janvier dernier, sont devenues des marchandises. On accorde aucune valeur sociale à une marchandise, c’est l’offre et la demande qui règne en roi et maître et surtout elle est accessible à celui ou celle qui en a les moyens.

Si on fait partie du club des chanceux, on ne s’en plaint pas, jusqu’au jour où…Vous saviez que les difficultés d’accès au service de santé ont souvent été cité comme première cause de faillite aux États-Unis? Au plus forts la poche ou au plus riches les services, est-ce là l’héritage que nous souhaitons léguer?

Il y a vraisemblablement urgence dans la demeure, pourquoi? Parce que cette tendance lourde que représente la prise de contrôle de nos gouvernements par les Maîtres de la finance, conduit inévitablement à l’appauvrissement de la population au profit de quelques individus, sinon, comment expliquer que même lors de périodes à fortes croissance économique notre endettement n’a cessé de croître?

Vous remarquerez que même lors de ces périodes plus fastes de notre histoire, les discours d’austérité trouvent toujours preneurs et la propagande est tellement efficace même si le pouvoir d’achat des chefs de grandes entreprises augmente substantiellement. Lhistorien Jacques Rouillard, spécialiste de la syndicalisation et de l’évolution du salaire des travailleurs nous rappelle dans Le Devoir du 4 janvier, que le salaire des travailleurs lui a plutôt stagné.

Les syndicats, s’ils veulent faire contrepoids à la propagande néolibérale qui, lentement mais sûrement, manipule l’opinion publique et endort la population, devront se doter d’outils de communication beaucoup mieux structurés et cesser d’espérer qu’on leur donne une meilleure couverture médiatique qu’ils n’obtiendront pas de toute façon.

Il nous faut sortir de notre engourdissement collectif et amener la population à mieux saisir l’agenda caché de nos politiciens sans quoi le réveil risque d’être brutal. Soyons réalistes, ils n’ont aucun intérêt à rendre les services publics plus efficaces, car ce serait faire obstacle à leur privatisation. Pourquoi pas une campagne publicitaire sous le thème « le loup est dans la bergerie ».

Il faut surtout, et tous ensemble, réaffirmer le rôle de l’état comme étant sans contredit, la pierre angulaire de l’évolution d’une société. Cesser de croire au Père Noël, travailler à l’élaboration d’une réelle alternative politique qui ne viendra pas d’elle-même.

Enfin, réunir les progressistes autour d’un projet de société digne de ce nom pour redonner le goût à la population de reprendre confiance en ses institutions et qui aura comme prémisse de réinstaurer un écart hygiénique indispensable entre l’état et le milieu de la finance.

.Aller… à trois, on se met au travail!



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