Saguenay : le détour de la Fabuleuse

2011/01/18 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida

Le maire, votre maire, notre maire à tous malgré qu’on voudrait le déporter ailleurs, il est ratoureux, hypocrite, manipulateur à soi et surtout têtu comme une mule. Il peut tout faire pour nous faire croire qu’il a raison et que son idée est la bonne, la meilleure, la seule.

Les chiffres, les statistiques il les tord à sa mesure pour leur faire dire ce qu’il veut bien entendre. Il lui arrive même de les inventer. C’est ce qu’il vient de faire en relançant à grand renfort de Promotion Saguenay sondage (Une pure invention) un show historique passé date qui n’a plus raison de survivre sinon celle de maintenir à flot une certaine conception de «l’industrie culturelle » fondée sur le tourisme du troisième âge.

Je m’explique, je précise et je souligne tout en essayant de ne pas péter mes plombs.

Une question d’abord ? Je n’arrive pas à comprendre qu’un spectacle, les aventures d’un Flo, fondé sur le bénévolat d’une centaine de non-comédiens disponibles arrive à couler 1,4M$ en quatre ans d’activité. Un autre million et demi qui s’ajoute aux autres M$ dispersés en frais juridiques, en poursuites, en contrats de pub aux petits amis, en projets plus ou moins rentables d’envergure imposés par la seule volonté d’un maire aspiré par la folie du pouvoir absolu.

Mais combien ça va nous coûter au bout de la ligne tout ça ? Il y-a-t-il une calculatrice dans la salle pour soupeser les 10 M$ et plus de frais inutiles engloutis par son règne jusqu’ici?

Par ses décisions unilatérales, ses «avancées en arrière»pour utiliser la belle expression d’un journaliste culturel du Quotidien jeudi dernier suite à sa conférence de presse au Palais municipal ?

Au sujet du trou sans fin du Théâtre/aréna du Palais municipal, de ses shows boucane, il est allé où cet argent fourni en grande partie par les entrées plus ou moins payantes, les fonds publics de la ville, le bénévolat obligé, les subventions de partout et surtout la caisse de Promotion Saguenay ?

Je devine que les éclairagistes, les pyrotechniciens d’ailleurs, le metteur en scène dont la réputation s’étend jusqu’au show motard Harley, les dompteurs de fauves, les portiers, les vendeurs de croustilles et les employés des bureaux touristiques de la ville sont sans doute comptabilisés dans «les 175 emplois qui dépendent du spectacle » comme le souligne le maire (Le Quotidien, 13 janvier) pour défendre la renaissance de la Fabuleuse.

Mais je crois, moi, qu’il y a plus profond, quelque chose comme une idée fixe du maire, un choix ultra politique de considérer la culture grand public comme une marchandise indispensable dans ce coin du Saguenay qu’on appelle la Baie.

La nécessité de subventionner à même nos taxes l’achalandage de cet arrondissement qui se demande encore quoi faire avec l’autre bateau du maire, ses fameuses croisières internationales qui ne génèrent jusqu’ici que du vent et des sourires de chauffeurs de taxis.

En fait, le maire (Et la corporation bidon du Théâtre/aréna du Palais municipal) n’avait pas le choix de continuer à creuser ce puits sans fond de déficits qu’est ce show historique de la Fabuleuse passé date depuis et qu’il est le seul à défendre sur la place publique.

Vous l’avez entendu à la conférence de presse se convertir encore en historien amateur des grandeurs locales… «C’est un spectacle historique. On s’est aperçus que c’est ça que les gens voulaient. Le CA nous l’a fait comprendre. Qu’ils ne veulent pas avoir un conte de fées, ni une histoire comme Les aventures d’un Flo.

C’était bien pensé peut-être, mais c’est une histoire. Ce n’est pas ça que les gens veulent. Ils veulent l’histoire de la région. On a une histoire qui est très riche. On a une très belle histoire et on va la mettre en évidence encore plus. » (SRC - Chicoutimi, 13 janvier).

Lui, il est le seul à savoir ce que les gens veulent. Il pense aussi que La Fabuleuse d’hier et celle de demain contribuent à mieux faire connaître l’histoire régionale. Mais c’est jamais un cours exact d’histoire un show boucane touristique servant à appâter les touristes d’ailleurs.

C’est d’abord un condensé de clichés, d’idées reçues sur la région fondées en grande partie sur des «personnages » historiques trop souvent puisés à même la religion, le monde politique et les affaires.

Ces shows-là pour se vendre à l’industrie touristique doivent nécessairement tourner les coins carrés, miser sur les gros faits divers collectifs comme le déluge et évacuer les «personnages » sensibles à la critique.

Un prétexte cette Fabuleuse pour meubler le vide touristique. J’ose imaginer dans 50 ans une nouvelle Fabuleuse qui ferait une large place au règne du maire Tremblay… à la barre de ses bateaux de croisières, marchant sur les eaux comme Jésus… converti en amuseur public, en vedette du petit écran, en «preacher » à l’accent saguenéen, nous laissant croire qu’il communique directement avec Alexis Le Trotteur, les William Price, Peter Mc Leod, Bob La Cuillère, Réjean Tremblay, le Frère Untel, Richard Martel et Mario Pelchat.

Bref, On relance La Fabuleuse à la Baie pour sauver le forfait touristique du maire dans ce coin de la région qui se cherche depuis la fermeture de son usine. On s’est même permis d’asphalter récemment le rang du fromage en crottes Boivin comme si c’était une voie d’accès à l’avenir, une autre autoroute de la prospérité, de «la richesse future » comme dirait le ministre libéral Simard empêtré dans son uranium et son gaz de shit.

Le maire n’a pas le choix de brûler des millions $ pour sauver son industrie touristique bidon de la Baie et sa vision toute personnelle de l’industrie culturelle fondée sur l’achalandage autour de l’histoire locale.

Il pense à la place du monde, décide de leur goût pour les vraies histoires qu’il ne cesse de conter et de fabriquer lui-même dans ses causeries télévisées et décrète que «les gens de la région souhaitaient le retour de la Fabuleuse » (Communiqué de presse laconique du cabinet du maire, 14 janvier).

Ça finit là, passons à un autre déficit appréhendé dans un an ou deux avec cette nouvelle/vieille Fabuleuse encore établie sur le dos des non-comédiens bénévoles toujours prêts à se faire exploiter par une entreprise folklorique locale.

On n’a pas le temps de se demander si ce genre de show boucane historique a des chances de survivre encore malgré le fait que toutes les autres régions du Québec l’abandonnent parce que le public visé (Touristes du troisième âge) en a assez de ces histoires surannées à l’eau de rose.

Il veut autre chose, on cherche quoi présentement. Je crois qu’il préfère plus d’activités touristico-culturelles extérieures comme, par exemple, l’hommage au peintre Arthur Villeneuve présenté cet été par l’orchestre symphonique à la petite maison blanche.

Mais ça le maire n’en saisit pas l’importance et la valeur parce pour lui la culture cultivée reste toujours un mystère. Quand il dépense 200 000$ par année pour subventionner des troupes de théâtre, des festivals de films, des concerts de musiciens, des salaires d’artistes, et bien il tombe malade. Il a l’impression de jeter de l’argent dans la rivières-aux-sables.

Le détour de La Fabuleuse par le maire sert encore et toujours ses intérêts personnels et ceux de son entourage, ceux du régime qu’il dirige avec une étroitesse culturelle sans borne. Personne ne peut l’avertir qu’il fait fausse route sur l’autoroute du fromage en crottes et des croisières sans retombées.

Du développement régional fondé sur ses intuitions du moment et ses retours de voyages en sens unique auprès de développeurs de troisième zone. Y-a-t-il une calculatrice dans la salle pour bien évaluer ce que ce politicien passé date est en train de nous causer comme dégâts à long terme ?

Je suggère que dans la prochaine Fabuleuse, on lui fasse une place de choix. Ce n’est pas un conte de fée son passage à la direction de la ville, c’est notre vraie histoire qui tourne lentement, mais sûrement en cauchemar.

On pourrait mettre en scène des vampires qui voleraient au plafond du Palais municipal, des petits anges transformés en chauve-souris, des conseillers métamorphosés en plantes vertes grimpantes, des électeurs qui tournent en rond sur leur triporteur fou. Vivement une création collective sur notre maire et son régime. Il le mérite bien.

De toute façon, ce sera encore à nos frais. On pourra mesurer à l’aise sur une grande scène toute sa démesure et l’ampleur de sa mégalomanie chronique avancée.


Citations de la semaine :

«Les avocats se parlent, on va voir ce que ça va donner»

  • Jean Tremblay, entente conclue avec Bertrand Girard, Saguenay retient 50% pour impôts, Le Quotidien, 11 janvier

Que ferait ce maire sans les conseils bien rémunérés de son armada d’avocats qui lui servent de tampons en cas de débordements dont il est passé maître ?

«Je vais continuer à voyager. Je suis comme l’ambassadeur de la ville, son commis voyageur »

  • Jean Tremblay, Progrès-Dimanche, 16 janvier

Cobalt Aircraft s’installe à Saguenay. Le hic, c’est que la ville semble construire à ses frais l’usine d’assemblage de la compagnie. Méchant deal. C’est normal qu’on paye pour faire venir des entrepreneurs dans la région ? Cobalt Aircraft doit être mort de rire…