Brèves syndicales

2011/03/11 | Par Maude Messier

Au Wisconsin, l’affrontement entre les syndiqués du secteur public et le gouverneur républicain Scott Walker a pris un tournant inattendu mercredi soir.

Le Sénat est finalement parvenu à faire adopter son controversé projet de loi par un stratagème permettant de contourner l’absence des sénateurs démocrates, privant du coup les syndiqués de leur droit de négocier collectivement leurs conditions de travail.

Depuis plus de trois semaines, les 14 sénateurs démocrates se sont réfugiés en Illinois, frustrant le Sénat du quorum nécessaire pour passer au vote toute dépense budgétaire. Les républicains ont surpris tout le monde mercredi en retirant simplement les articles législatifs impliquant des dépenses.

C’est donc sous les huées des manifestants, dont la présence s’intensifiait d’heure en heure, que les sénateurs ont adopté la version révisée du projet de loi, selon La Presse Canadienne.

Le leader de la minorité démocrate, Mark Miller, a déclaré en entrevue à l’Associated Press que « 18 sénateurs de l'État ont effacé 50 ans de droits civiques au Wisconsin, et affiché un manque de respect envers le peuple et ses droits qui ne sera jamais oublié. »

Un projet qui, rappelons-le, fait l’objet d’imposantes manifestations à Madison depuis des semaines et dont les secousses se font sentir un peu partout ailleurs aux États-Unis. Les yeux rivés sur l’évolution de la situation, d’autres États s’apprêteraient à adopter des projets de lois similaires, dont le Michigan, l’Ohio et l’Indiana.

Le gouverneur Scott Walker défend son projet de loi en disant qu’il contribuera à combler un déficit budgétaire de plusieurs milliards de dollars, notamment par le gel partiel des salaires des fonctionnaires, des coupures dans les régimes de retraite, les pensions et les avantages sociaux.

Ce projet de loi survient pourtant après que le gouverneur ait accordé des réductions fiscales à hauteur de 140 millions $ aux entreprises.

Rappelons que le gouverneur Walker a été élu en janvier dernier grâce au soutien financier des frères Koch, des milliardaires ultraconservateurs faisant fortune dans l’industrie pétrochimique qui sont également de grands financiers du Tea Party.

Or, sous le couvert d’impératifs économiques, la stratégie républicaine vise surtout à restreindre l’influence et le pouvoir des syndicats du secteur public, à empêcher les organisations syndicales de percevoir directement et automatiquement les cotisations syndicales et à démanteler les plus importants bailleurs de fonds du Parti démocrate.

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Accréditation syndicale révoquée chez Walmart

La Commission des relations du travail (CRT) a révoqué l’accréditation syndicale visant les 205 travailleurs et travailleuses du Walmart de St-Hyacinthe.

Dans une décision rendue mardi dernier, la CRT se rend à une demande de révocation déposée par une employée le 7 février dernier. Fait étonnant : une deuxième demande de révocation a aussi été déposée le même jour par la compagnie, alléguant que le syndicat ne représentait plus la majorité des travailleurs. Ce qui fait sourciller le syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC-FTQ).

« Pour nous, il n'y a pas de hasard. Tous reconnaissent la façon de faire de Wal-Mart, a déclaré par voie de communiqué Louis Bolduc, directeur québécois du syndicat. Nous savons fort bien que bon nombre de cartes de révocation ont été signées sous pression. »

Bien qu’officiellement syndiqué en 2005. Les travailleurs du Walmart de St-Hyacinthe ont dû attendre jusqu’en 2009 pour qu’un premier contrat de travail soit finalement imposé par un arbitre.

Si le syndicat n’entend pas contester la décision de la CRT, il déplore l’attente et les délais qui, en bout de ligne, auront eu raison de la détermination des travailleurs. Louis Bolduc soutient que neuf mois après le dépôt d’accréditation, 65% des employés avaient quitté leur emploi, notamment en raison du fort taux de roulement.

« Il faudrait être bien naïfs de croire qu'après cela, la direction a embauché des militants syndicaux pour combler les postes vacants. »

Pour sa part, le président de la FTQ, Michel Arsenault, a déclaré que « cela démontre en même temps que le Code du travail est loin de faciliter l'accès à la syndicalisation en raison de délais trop longs, ce qui favorise l'ingérence d'employeurs peu scrupuleux. »

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CSN : 2, Couche-Tard : 0

La CSN annonçait lundi le dépôt d’une requête en accréditation visant les employés du Couche-Tard situé au 1400 boul. Édouard à Longueuil. Il s’agit du deuxième établissement syndiqué par la CSN, qui promet que ce n’est qu’un début.

« Depuis que la CSN a ouvert grande sa porte aux salarié-es de Couche-Tard, nos téléphones ne dérougissent pas. C'est un mouvement de fond », de déclarer le président de la Fédération du commerce de la CSN, Jean Lortie.

La centrale poursuit sa campagne de syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard partout au Québec. Par voie de communiqué, plus tôt cette semaine, M. Lortie invitait l’entreprise à ne pas contrer la syndicalisation, droit fondamental des salariés.

« Nous complétons actuellement une ronde de négociations coordonnées dans des dizaines de marchés d'alimentation du Québec. Il n'y a pas de raison pour qu'on ne puisse pas en arriver à une entente satisfaisante et améliorer les conditions de travail des employés Couche-Tard qui font, somme toute, un travail comparable aux salariés d'épiceries. »

Jeudi matin, lesaffaires.com révélait pourtant que l’entreprise laissait entendre à ses employés que la syndicalisation pourrait entraîner la fermeture de dépanneurs.

Dans une vidéo produite et diffusée après le dépôt de la requête en accréditation des employés du Couche-Tard sur Jean-Talon, le président et chef de la direction de l'entreprise, Alain Bouchard, déclare que « tous ceux qui connaissent Couche-Tard vous diront qu'un grand nombre de nos succursales ne pourrait pas soutenir l'augmentation importante des coûts causée par un syndicat. »

Selon les experts interrogés, ces affirmations sont à la limite de ce que tolère le Code du travail, lequel interdit toute forme de menaces pour convaincre un employé d’adhérer ou non à un syndicat.

De son côté, la CSN soutient que de telles pratiques sont évidemment inacceptables. La centrale évalue toutes les options et envisage sérieusement d’entreprendre des recours juridiques, mais aucune décision n’est confirmée pour le moment.

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Grande manifestation samedi, 12 mars


Les organisations communautaires, syndicales, populaires, écologiques, les groupes de femmes et les fédérations étudiantes réunis au sein de l’Alliance sociale et de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics manifesteront dans les rues de Montréal samedi prochain pour dénoncer les orientations du prochain budget provincial, dont le dépôt est prévu le 17 mars prochain.

Ils appellent la population à la mobilisation citoyenne et invitent à se joindre à eux tous ceux qui souhaitent que le prochain budget du Québec soit constitué des mesures économiques justes et équitables.

L’Alliance sociale et la Coalition s’opposent notamment à la taxe santé de 200 $, à la hausse des frais de scolarité, aux compressions budgétaires et à la stratégie fiscale régressive du gouvernement, laquelle pénalise en premier lieu les femmes et la classe moyenne et les plus démunis de la société.

« Le prochain budget du ministre Bachand doit absolument prévoir une contribution plus importante de la part des particuliers plus fortunés et des entreprises profitables du Québec, notamment celles qui exploitent nos ressources naturelles », déclarait plus tôt cette semaine Michel Ducharme, président du Conseil régional de FTQ et porte-parole de l'Alliance sociale montréalaise.

Rappel :

Manifestation nationale
Samedi 12 mars 2011
Montréal
13 h, boulevard René-Lévesque-Peel,
arrivée avenue McGill College-Maisonneuve.
Pour plus de détails : http://www.nonauxhausses.org/

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Amiante : la CSN change de cap    

Réunis en conseil confédéral cette semaine à Montréal, les quelque 250 délégués de la CSN ont entériné la recommandation du comité confédéral de la santé et de la sécurité au travail visant notamment à ne pas appuyer de nouveaux projets d’expansion des mines d’amiante québécoises.

Au moment où le gouvernement envisage d’appuyer financièrement un projet de relance de la mine Jeffrey à Asbestos, la CSN change plutôt son fusil d’épaule.

Si, de concert avec différentes organisations syndicales, la centrale s’est prononcée en faveur d’un usage sécuritaire de l’amiante chrysotile en 1997, Claudette Carbonneau insiste pour dire que « beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ».

Alors que le gouvernement Charest préconise l’utilisation sécuritaire du chrysotile et fait porter le fardeau de la responsabilité aux pays importateurs, Mme Carbonneau déclarait mercredi que « (…) l’amiante qui n’est à peu près plus utilisée ici, est destinées à l’exportation vers les pays en développement comme l’Inde. Si les conditions de santé-sécurité ne viennent pas à bout de ces maladies mortelles au Québec, il est difficile de prétendre à une utilisation sécuritaire de l’amiante dans les pays en développement. »

En conférence de presse, elle soulignait que l’amiante a fait 90 morts au Québec en 2010, surtout dans le secteur de la construction. Nombre d’organisations, dont l’Organisation internationale du travail, la Confédération syndicale internationale et l’Organisation mondiale de la santé se positionnent déjà pour le bannissement de cette «ressource qui sème la mort ».

C’est donc en phase avec la tendance internationale que la CSN souhaite actualiser sa position. « On ne demande pas le bannissement demain matin. Il est clair pour nous qu’il faut des mesures de transition et un plan de travail. » La CSN souhaite d’ailleurs engager des discussions avec les différents partenaires syndicaux à ce sujet.

Claudette Carbonneau s’est dit consciente que ce changement de cap constitue une question délicate, l’extraction de l’amiante constituant une partie importante de l’évolution du mouvement ouvrier au Québec comme de l’histoire de la CSN et que la question de l’emploi, particulièrement dans les régions minières du Québec, est une corde syndicale sensible.