Blues postélectoral

2011/05/09 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est président des Artistes pour la Paix

Les élections ont porté au pouvoir Harper majoritaire, élu avec l’argent des pétrolières, des compagnies militaires et des grandes banques pour subventionner la guerre et ignorer la dégradation environnementale et c’est pourquoi tous les amoureux de la paix sont aujourd’hui en deuil. Plus de freins aux F-35, aux hélicoptères Chinook, aux frégates offensives : des dizaines de milliards de $ à l’eau.

Le reste du Canada (sauf Terre-Neuve) a choisi Harper. Quant à nous, Artistes pour la Paix, soyons fiers d’avoir contribué par notre campagne au Québec, société distincte plus que jamais, à battre conservateurs (relisez notre lettre de novembre à Lawrence Cannon) et indépendant (André Arthur) et à sauvegarder les postes des députés libéraux antimilitaristes Justin Trudeau et Denis Coderre et des bloquistes Louis Plamondon (frère de Luc) et Maria Mourani : nous sommes allés la féliciter, fin novembre, dans son local pour son combat en sauvegarde du registre des armes à feu. Le futur immédiat de cette cause apparaît bien sombre, alors que c’est un maillon essentiel du désarmement, l’objectif premier des pacifistes.

Plusieurs députés idéalistes bloquistes, par exemple les Gilles Duceppe, Pierre Paquette et Bernard Bigras, ont été jetés dehors, eux qui encourageaient toutes sortes d’organes d’information politique libres, magazines, périodiques et autres fleurons de la défense de la culture et de la langue françaises : on ne mesure pas les conséquences catastrophiques collatérales de leur retrait brutal de la vie politique.

Les Artistes pour la Paix, par essence un mouvement social optimiste (sinon ses membres feraient promotion de leur art individuellement dans leur coin), s’efforcent de voir résolument le côté positif de ces élections.

La grande cause à laquelle nous avons collectivement accordé nos forces en priorité depuis trois ans a été le combat contre le nucléaire, mené essentiellement avec l’aide de Caroline Harvey et Daniel-Jean Primeau. Lundi prochain le 9 mai à 19h, salle Jacques-Hétu de l’UQAM, une conférence illustrée par un exposé power-point tracera un bilan de nos luttes menées depuis trois ans et demi à ce sujet. Nous vous y convions avec insistance!

Notre lettre pré-électorale signalait à nos membres que ce combat était hélas trahi par l’alliance du Bloc avec la FTQ compromise par ses relations d’argent avec les entrepreneur$ de béton favorable$ à la réfection de Gentilly 2.

Nous y signalions aussi deux alliés indéfectibles dans le combat contre le nucléaire, Elizabeth May qui vient de répondre positivement à nos félicitations sincères de voir enfin le Parti Vert s’implanter à la Chambre des Communes et Thomas Mulcair, présent au Forum Mondial 2009 anti-nucléaire, avec qui j’avais alors partagé un repas en tête à tête.

Sauf par le site internet Rue Frontenac, notre spectacle Changeons d’ère, sortons du nucléaire du 26 avril à la Place des Arts fut totalement boudé par les médias mais vit le Studio-Théâtre totalement rempli pour un grand moment poétique de commémoration de Tchernobyl (plus de trois heures!).

Les artistes Caroline Harvey, Nancy Lange, Jici Lauzon et Raoûl Duguay, notamment, firent la jonction avec quatre cinéastes, dont l’un du wapikoni mobile, et avec nos amis amérindiens et métis pour la défense de notre Terre mère contre le nucléaire et le gaz de schiste. Saluons donc avec immense espoir l’élection de Jonathan Genest-Jourdain dans Manicouagan et celle en Abitibi de Roméo Saganash, rencontré après son admirable discours de fierté métis aux funérailles de Gilles Carle.

L’entrée historique de ces deux Amérindiens à la Chambre des Communes est en outre un signe encourageant d’amitié interculturelle, puisqu’ils y furent élus par des comtés à majorités blanches.

En dépit des médias monopolisés par la troublante affaire de Ruth Ellen Brosseau, saluons les nouveaux députés NPD engagés tels les animateurs culturels Marie-Claude Morin et Pierre Nantel, le musicien Robert Aubin, le directeur artistique du Montreal’s Black Theatre Workshop, Tyrone Benskin, celui qui a mis sur pied la Commission des communautés culturelles au NPD-Québec Hoang Mai, celle qui a formé le syndicat des employés du Musée Pointe-à-Callière Marjolaine Boutin-Sweet, la russophile Alexandrine Latendresse (qui nous a débarrassés de l’inénarrable Josée Verner) et beaucoup d’autres jeunes : quelle honte de voir tant de commentateurs chevronnés déplorer leur jeunesse, comme si c’était un défaut et non un atout de représentativité démocratique!

Bref, le nuage noir de l’élection majoritaire de Harper pourrait bien se dissiper grâce à quelques timides rayons de soleil!

Mercredi le 4 mai 2011