Jack, Jack, Jack… aimait le Québec (air connu)

2011/05/10 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida


Car tous ceux qui pensent selon l’opinion publique ont les yeux bandés et les oreilles bouchées : pour eux, un tel contraste ne doit pas exister. Comment cela se peut-il ? Quelle force est si puissante, qu’elle sait imposer ce «ne doit pas » ?

-Friedrich Nietzche, Première considération inactuelle, 1873


J’ai essayé de comprendre comme tout le monde ce qui s’était passé lundi dernier le 2 mai, soirée d’élections survoltée, soirée où «ça sentait bon sul terrain » pour employer une expression consacrée de cette campagne qu’aucun parti ne désirait vraiment (sic).

J’ai demandé à Nietsche de m’aider un peu, le philosophe allemand qui ne croyait plus à rien et passé maître dans l’évaluation de ce qu’on a encore fait de tout croche du Moi et du Nous. Le philosophe du questionnement, de la volonté de puissance. Le penseur du contre… la vérité.

Après tout, le Québec du moins venait de voter contre le régime Harper aussi quoiqu’en pensent ceux qui disent qu’il venait de voter contre le Bloc. Moi, je pense que les Québécois votent comme ils rêvent et vivent, par humeur, par instinct, un peu en troupeau.

Ils réfléchissent politique en période électorale sans trop se poser de questions. Ils n’ont pas voté pour Harper parce qu’ils ne l’ont pas vu à Tout le monde en parle… alors que Jack, Jack, Jack a fait son numéro avec les deux clowns qui animent cette messe dominical d’avant et d’après élections… Ils confondent politique et divertissement depuis que la télé squatte leur salon… mais passons.

J’avais peur que Harper se retrouve à l’émission du Gros Cave à V, une autre preuve que les comiques envahissent tout et, souvent, ils sont élus comme André Arthur, ex-animateur radiophonique poubelle enfin retiré dans son bus.

Au moins si les Québécois se mettaient à voter Rhinocéros au fédéral comme le bon docteur Ferron, écrivain rageur et brillant, l’humour allumé triompherait.

Je ne crois pas que le peuple (Le nôtre et les autres) qui vote ait toujours raison quoiqu’en pensent les élus battus. On y reviendra.

Je devais pourtant être euphorique (malgré le fait que la majorité conservatrice ne va sûrement pas rendre la vie facile aux cinéastes, aux poètes et autres parasites des fonds publics…) comme un athée nietzchéen désormais citoyen d’abord d’un comté socialiste, communiste à la rigueur et résolument syndicaliste.

Jonquière/Alma devenu porteur lui aussi du grand changement, de la puissante débarque des conservateurs, des bloquistes et surtout de ceux qui avaient le pouvoir, l’argent de tout acheter. De tous ceux qui voulaient asphalter le tour des monts Valin, Bélu, Edouard, etc, nous inonder de M$ pour rénover nos bases militaires, nos centre-ville et nos hémisphères gauches. Créer de la richesse pour… on sait qui.


L’insoutenable légèreté du changement

Qu’est-ce que dit le dictionnaire à propos du changement ? Parce qu’après tout les analystes politiques, les politiciens sortant et entrant, les observateurs de tout poil n’ont cessé depuis une semaine de nous casser les oreilles avec ce mot pour tout justifier.

J’ai bien entendu le lendemain le premier ministre Jean Charest s’en servir tout en précisant que le peuple était tanné des chicanes avec le fédéral (C’est pas plutôt lui le tanné ?) et la ministre de l’Éducation le lendemain, prétextant le vent de changement de la population, pour couper des M$ dans le financement des commissions scolaires et des cégeps.

Le dictionnaire dit à changement, «fait de quitter une chose, un état pour un autre ». Ok.

Il y a eu un changement de parti représentant les Québécois à Ottawa, mais c’est tout. On fait autre chose même si ça ressemble à quelque chose qu’on a déjà vu.

Ici on confond changement avec… effet de surprise. On traitait Gilles Duceppe d’ancien marxiste syndicaliste et on s’en va voter pour le NPD. Cherchez l’erreur ?

La définition use du mot «état », j’aime bien. Il manque un É majuscule pour le moment. Ça viendra, ça viendra.

Quand on demande à ceux qui ont voté pour le NPD s’ils connaissent l’histoire de ce parti, que c’est un parti représentant traditionnellement les valeurs sociales, les centrales syndicales, les démunis de la société, les écolos aussi, ils semblent surpris. Je n’ai rien contre le NPD, mais va-t-il modifier sa vision du Québec et son point de vue sur nos revendications et nos valeurs ?

Le changement a les épaules larges dans cette dernière élection fédérale. Pourquoi my God les Québécois qui sont allés voter ont-ils décidé de flusher Gilles Duceppe pour Jack Layton, le Bloc pour le NPD ?

Les sondages doivent avoir joué un certain rôle. Les médias également, surtout les médias de droite comme les radios poubelles qui se sont mis dès le début de la campagne à descendre le Bloc et Duceppe, ménageant Harper, le créateur de la richesse et de la stabilité.

Malgré le fait qu’il brûle les fonds publics pour qu’on devienne tous des petits soldats, des chasseurs bien armés, des manifestants à remords, des gardiens de prisons, des dénonciateurs, des pompistes, des pro-vie, et des bons parents qui font jouer leurs enfants au hockey pour toucher le chèque d’activité physique. Surtout par des artistes ou des séparatistes.


Le rôle des média

Quand les médias de droite (Ici les radios radoteuses, Quebecor et les blogs pro ADQ) ont vu par les sondages que Jack Jack Jack était «populaire », ils se sont mis à prier pour lui. Car les médias de masse surfent sur l’opinion publique toujours, se dissimulant sur cette vague.

(La preuve : dès le lendemain des élections, ils ont commencé à descendre le NPD vainqueur au Québec, ironisant sur les candidats douteux comme l’invisible anglophone Ruth dans Berthier et le jeune étudiant de 19 ans dans Sherbrooke… pour continuer le bal anti gauche toujours).

Jamais d’analyses sérieuses chez-eux, que des élans de manchettes, du fait divers. Du potin pour se faire du capital. Et surtout des idées reçues, des préjugés à la pelle. Ils ne réfléchissent pas tout simplement parce qu’ils verbo motorisent sur les sujets du jour pigés dans les quotidiens du matin. Ils ne s’arrêtent pas une minute pour examiner ce qui se passe.

Par exemple, pourquoi il n’y a pas eu dans tous les comtés des conventions des membres au NPD pour sélectionner les candidats ? Et les candidats de ce parti avec des compétences certaines au Québec, pourquoi ne pas les souligner le lendemain de leur élection ?

Les conservateurs ont investi une fortune en pub au Québec et ici (Le budget de Jean-Pierre Blackburn, de Carol Néron, l’homme d’un milliard$, de Lebel la caisse électorale du Lac) pour marteler leur message unique : le pouvoir - lire les $$$- peut tout. Voter de notre bord.

Un débordement, une overdose de leur message au Québec a fait que les électeurs ont voulu leur dire «assez c’est assez, on ne vous croit plus ».Ça passe pu votre discours comme sans doute celui des Bloquistes auprès du «peuple », de nous-autres.

Toutefois, c’est bon de voir qu’à un moment donné en politique le fric n’achète pas tout. Je pense que le plus gros changement, c’est que les caisses électorales bien garnies ne suffisent pas toujours à faire étamper les ministres et les députés sur leur siège. Du moins au Québec. Ailleurs au Canada et surtout en Ontario les électeurs croient encore Harper. Ils votent avec leur porte-feuille d’actions et leur sens du devoir canadian.


Le Saguenay à gauche, le Lac à droite
Pas le cell de Dany

Le lendemain des élections, le Quotidien demande au maire de Saguenay sa réaction aux résultats. Qu’est-ce qu’il a répondu ? Du grand Ti-Jean comme toujours. Il a répondu vouloir travailler évidemment avec les élus. Il a surenchéri qu’il avait encore des bons contacts avec les conservateurs et qu’il connaissait bien le ministre Denis Lebel au Lac…

Ensuite, il a avoué avoir félicité tous les candidats le soir même sauf celui de son comté, Dany Morin du NPD, parce qu’il… n’avait pas son numéro de téléphone (sic). Ses six attachés de presse ne sont pas tellement débrouillards pour ne pas l’aider à trouver le cell de Dany.

La défaite de Carol Néron dans Chicoutimi/Le Fjord et de Jean-Pierre Blackburn dans Jonquière/Alma avec lesquels il s’est affiché durant toute la campagne (Sans compter sa séance de photos devant la petite maison blanche avec Harper) c’est nul doute un sérieux avertissement qu’il doit prendre personnel. Son appel au parti conservateur est resté un cri dans le désert de son royaume. Le pouvoir use tous les élus bien établis et on ne sait jamais quand la glaise du «changement » décide de bouger.

Jean-Pierre Blackburn questionné le lendemain de sa défaite a admis avoir réfléchi un instant s’il devait se représenter une autre fois. S’il avait réfléchi un peu plus longuement, il aurait peut-être quitté la scène politique sans se faire effacer par un candidat sans bureau électoral, sans équipe qui ne croit pas encore qu’il a été élu…

Carol Néron lui a avoué ne pas savoir nager contre une grosse vague comme celle de lundi… lui qui pourtant s’est toujours vanté d’être un grand navigateur en eaux douces.


Le Lac pas calé

Au Lac, Denis Lebel a été sauvé par ceux qu’il avait subventionnés à fond de train avec l’aide des dossiers de Jean-Pierre Blackburn. Les forestiers en chômage n’ont même pas pensé lui signaler qu’il n’avait pas fait grand-chose pour les aider dans la crise.

Les agriculteurs, les milieux d’affaires et tous les maires du Lac ont encore crû à ses M$ qu’il voulait déverser dans leur petite localité. Sont-ils à droite pour autant ? Sans doute, surtout dans le nord du Lac où les vendeurs de chars, les forestiers qui restent, le bon peuple ébloui par les politiciens à cravates s’accrochent à n’importe quoi. Denis a du pain sur la planche.

Les téléphones du maire de Saguenay vont désormais lui casser les oreilles pour quatre ans. Il serait mieux d’avoir une ligne confidentielle. Lui qui aime porter les dossiers, et bien il va lui devoir se procurer un plus gros sac pour pédaler… et un chiro pour ses maux de dos.

Le Saguenay à gauche, le Lac à droite. Mais au moins mes chums d’Alma sont de notre bord. Et le lac qui n’est pas encore calé, gelé pour quatre ans dans les promesses conservatrices et leur ministre unique à la table des décisions… Une semaine plus tard, la vague orange se rendait à Roberval. Les élections devraient durer six semaines.


Citations de la semaine

«Je commence à avoir peur que le maire déshabille Chicoutimi pour habiller la Baie. »

-Marina Larouche, Le Quotidien, 3 mai


…la conseillère Marina Larouche questionne la pertinence du village portuaire que le maire veut construire à la Baie lors de la séance du conseil municipal du 2 mai. Le maire la réprimande et trouve ses propos déplacés… Quoi ? De l’opposition dans mes rangs ? Elle s’est excusée par la suite, sans doute à cause l’heure tardive, elle s’était quelque peu égarée.

À la même séance, le conseil enregistre une dette de 215 millions$ lors de la publication des états financiers de la ville. Le maire est enchanté du montant…

Enfin, le conseil engage un avocat qui a rempli de nombreux contrats à la ville, Louis Coulombe, du bureau Cains Lamarre Casgrain Wells comme directeur exécutif à l’éthique. Va-t-on devoir trouver par la suite un autre avocat pour surveiller celui-ci dans l’examen des contrats de Saguenay ? L’hôtel de ville de Chicoutimi vire en Palais de justice ?


«Les Québécois tournent tout à coup comme des oiseaux parfois dans le ciel, comme s’ils avaient une sorte de télépathie entre eux. C’est un réflexe de fatigue, de ras-le-bol, et cela peut arriver encore. »

-Gilles Vigneault, Le Devoir, 6 mai


….propos prononcés lors de la conférence de presse de la Fête nationale des Québécois. Des fois, les artistes ont des antennes.


«C’est sûr qu’on donne un coup de pied sur la canisse »

-Gérard Deltell, chef de l’ADQ, Le Devoir, 7 mai


…cette semaine, l’ADQ a présenté une motion (En examen à l’Assemblée nationale) pour «souligner l’importante victoire pour la lutte contre le terrorisme international que constitue la mort d’Oussama ben Laden… »

On n’est pas loin du service militaire obligatoire. La «canisse » de vers de l’ADQ commence à sentir pas mal fort. Les élections provinciales s’en viennent, on se rapproche des idées d’Harper.


«Mon cher dear Stephen, un mot pour vous féliciter… Tout fonctionne à merveille jusqu’à maintenant. Une majorité des conservateurs SANS le Québec et Duceppe qui quitte Ottawa pour rentrer au «pays ».

-Josée Blanchette, Le Devoir, 6 mai

…sur le grand ménage du printemps, un autre texte lumineux de la chroniqueuse coach de vie pour mieux comprendre le saut d’humeurs de lundi dernier.