Rwanda : l’offensive sinistre d’un régime en déclin

2011/05/20 | Par Emmanuel Hakizimana, Ph.D.

L’auteur est président du Congrès rwandais du Canada

Le 13 mai 2011, la radio britannique BBC a diffusé l’information selon laquelle deux ressortissants rwandais résidant à Londres venaient d’être avertis par la police britannique que leur vie est en danger.

Dans une note d’alerte envoyée à chacun d’eux, la police indique: « des informations crédibles attestent que le gouvernement rwandais pose une menace imminente à votre vie. Le danger peut prendre n’importe quelle forme ».

Deux semaines avant cette information, le journal londonien The Independent avait publié un article selon lequel le service de renseignement britannique M15 avait donné une mise en garde à l’ambassadeur du Rwanda au Royaume Uni, M. Ernest Rwamucyo, et l’avertissait que l’aide britannique au Rwanda allait être coupée s’il n’arrêtait pas de menacer et d’intimider des ressortissants rwandais vivant en Grande Bretagne. Cette aide s’élève à plus de 130 millions de dollars canadiens.

Ces informations ont semé beaucoup d’émoi parmi les membres de la communauté rwandaise vivant en occident et plus particulièrement ceux qui résident dans les pays membres du Commonwealth dont le Canada.

En effet, ils ne s’étaient jamais imaginé que le régime de Kigali oserait exporter l’insécurité sur le territoire des pays qui sont ses plus grands soutiens.

Rappelons que ces pays, faisant fi des recommandations du rapport de l’Initiative des Droits de l’Homme du Commonwealth, ont accepté d’intégrer le Rwanda au sein de leur organisation, il y a à peine un peu plus d’un an.

La campagne de terreur illustrée entre autres par les événements de Londres semble faire partie d’une stratégie qui a été initiée par le général Paul Kagame quelques mois avant les élections présidentielles d’août 2010 et qui s’est renforcée après la sortie, en Octobre 2010, du rapport Mapping des Nations-Unies sur les crimes commis au Congo entre 1993 et 2003.

Selon ce rapport, l’armée du président général Paul Kagame a commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et possiblement des crimes de génocide sur les refugiés hutu au Congo et les citoyens congolais.

Cette stratégie comprend essentiellement deux volets concomitants : le premier volet consiste en une vaste campagne diplomatique dans les pays occidentaux destinée notamment à diaboliser les opposants au régime actuel rwandais et à dénoncer le rapport Mapping des Nations Unis.

Le deuxième volet vise l’assassinat des opposants, réels ou supposés, ainsi que des journalistes indépendants qui révèlent les activités criminelles du régime de Kigali.

Dans le cadre de l’offensive diplomatique, une grande délégation rwandaise dirigée par la sénatrice Aloysie Inyumba (récemment nommée ministre  du genre et de la famille), a sillonné l’Europe en novembre 2010.

Une autre est attendue au Canada et compte parmi ses membres, outre la même Mme Inyumba, le sénateur Wellars Gasamagera ainsi que le sénateur Valens Munyabagisha, ancien ambassadeur du Rwanda au Canada de 1994 à 1999.

Cette délégation envisage tenir des conférences publiques les 22 et 28 mai 2011 respectivement à Gatineau et à Montréal. Dans le même cadre, une visite de Paul Kagame lui-même est prévue à Chicago aux États-Unis du 10 au 12 juin 2011.

Concernant l’approche d’assassinats politiques dans laquelle s’intègre les récents événements en Grande Bretagne, elle a été particulièrement ravivée quelques mois avant les élections présidentielles d’août 2010 et se poursuit jusqu’à présent.

Elle a notamment commencé avec la décapitation du vice-président du Parti Vert, André Kagwa Rwisereka, l’assassinat du journaliste indépendant Léonard Rugamabage ainsi que la tentative d’assassinat en Afrique du Sud du général Kayumba Nyamwasa. Maintenant, elle vient de s’étendre aux pays occidentaux.

Les ressortissants rwandais qui ont fui le régime du général Paul Kagame et se sont installés au Canada prennent très au sérieux les récents événements de Londres. Ils savent désormais que le régime rwandais peut également mener une campagne de terreur au Canada et des éléments qui justifient leur crainte ne manquent pas.

D’abord, il y a des précédents en sol canadien : en 1998, un ancien employé de la Croix-Rouge a fait l’objet d’une tentative de meurtre parce qu’il avait été témoin de massacres perpétrés sur les réfugiés Hutu rwandais par l’armée de Paul Kagame.

L’incident a été rendu public dans un article publié dans le journal La Presse en date du 29 janvier 1998.

Ensuite, le fait que le Canada soit le seul pays occidental à ne pas avoir intenté des poursuites judiciaires contre les assassins de ses citoyens qui vivaient au Rwanda (dont les pères Claude Simard et Guy Pinard), n’est pas de nature à dissuader Paul Kagame de semer la terreur en sol canadien.

Enfin, l’initiative des autorités rwandaises de mener une campagne de terreur en Grande Bretagne alors que ce pays occupe le premier rang parmi les pourvoyeurs d’aide au Rwanda montre qu’aucun pays, y compris le Canada, ne peut se faire d’illusion que le régime de Kigali n’osera mener des attentats terroristes sur son territoire.

Beaucoup de membres de la communauté rwandaise du Canada ont fui le régime de Paul Kagame pour diverses raisons. Certains sont des rescapés de ses crimes contre l’humanité dont ceux révélés par le rapport Mapping des Nations Unies ci-haut mentionné.

D’autres, (journalistes, juristes, défenseurs des droits de la personne, etc.) ont été pourchassés parce qu’ils dénonçaient les violations des droits de la personne et d’autres abus. Tous sont arrivés le cœur brisé et ne voulant rien d’autre que vivre en paix et s’épanouir dans leur pays d’accueil.

La campagne de terreur menée présentement par le régime de Kigali vient les replonger dans l’univers de frayeur qu’ils avaient fui. Le Canada devrait rapidement prendre la pleine mesure de cette situation et mettre en garde les autorités rwandaises contre l’organisation d’activités terroristes sur son territoire. Il en va de la sécurité de tout le peuple canadien.