Vivre en ce pays c'est comme vivre aux États-Unis

2011/06/15 | Par André Bouthillier

Au moment d'écrire ces lignes le Canada a déjà largué 264 bombes sur la Libye ; cette opération belliqueuse nous coûte à ce jour 26 millions de dollars. Mon indignation de vieux québécois-canadien me fait dire, mais ce n’est pas nous ça ! On ne fait pas ça les canadiens! Ben voyons, qu'est-ce qu'on fait là ?   

J'ai toujours de la difficulté à replacer mon cerveau dans l’amidon de la nouvelle politique conservatrice du Canada. Petit réconfort de constater que je ne suis pas le seul, aux élections de mai 2011 quatre vingt pourcent des Québécois ont voté contre les candidats du Parti Conservateur canadien. Peine perdue…

Souvent, j'oublie que, depuis plus de huit ans, Stephen Harper et ses réformistes réforment le Canada. J'oublie que nous sommes passés d'un pays pacifique, spécialiste des missions du maintien de la paix à un pays guerrier.

Triste destin pour le Canada que de se désigner comme réserve de ressources naturelles au Nord des États-Unis-d’Amérique! L'intégration a commencé sous les libéraux de Jean Chrétien avec l'entente sur le partage des ressources naturelles et des règles de sécurité nationale continentale, suite au séisme politique créé par l’attaque sur le World Trade Center le 11 septembre 2001.

Aujourd'hui, l’œuvre de Stephen Harper fait que notre politique environnementale, celle des relations extérieures, de notre économie, de la finance et de la monnaie sont intimement  imbriquées à celles des États-Unis. Nous voilà non seulement le petit bourdon de l’armée états-unienne, mais aussi supporteur des délires de l’État israélien. 

Sinistre constat dont nous avisait Pierre Calvé au début des années 1970 lorsqu’il chantait Vivre en ce pays ... marquant derechef notre intégration culturelle aux influences de nos impériaux voisins du Sud.   ( 02 )



Le Canada en Libye

Si le Canada brille par l’absence de politique extérieur authentiquement canadienne, sa présence en Libye nous invite à chercher des réponses chez celle de notre voisin États-Unien.

Simple rappel: il y a plusieurs années l'or servait de base à la valeur de la monnaie (devise). Aujourd’hui, le rôle de monnaie refuge ou de base est imparti au dollar états-unien. Avec le temps, la propension des États-Unis à guerroyer et dépenser sans compter, favorisant un capitalisme à outrance, a altéré leur économie, par conséquent la valeur du dollar et par ricochet l'économie mondiale.

L'état actuel des emprunts des États-Unis fait dire à plusieurs pays que l’Empire risque la faillite technique dès 2011, à moins que l’administration Obama ne prenne un grand virage, ce que l’industrie de l’armement ne digèrerait pas.

L'impact promet d'être éprouvant sur la monnaie canadienne, sur nos fonds de retraite et notre niveau de vie au quotidien. Déjà, les prix des aliments et du pétrole titillent nos humeurs. Nos économies enchevêtrées nous rendent partenaires de leurs déboires.


Devise mondiale

Pour sauver le dollar états-unien sans déclarer faillite, il importe que les autres monnaies concurrentes perdent de la valeur. D'où le mandat donné à des maisons de notation ( 01 ) de baisser la note ou la cote de certains pays membres de l’Union Européenne, dont la Grèce et l’Espagne qui frisent actuellement la faillite face à des taux d’intérêts usuraires.

Toute baisse de valeur d'une monnaie d’un pays détenteur d’une partie de la dette états-unienne fait diminuer le risque de faillite des États-Unis-d’Amérique.

Autre situation malaisée pour la devise états-unienne: la politique monétaire chinoise. La Chine, un important créancier de la dette états-unienne, est incommodée de voir sa propre monnaie à la remorque des États-Unis.  Elle a donc convaincu le G20 de mandater le Fonds monétaire international FMI de créer une nouvelle monnaie pour remplacer le dollar en tant qu’étalon mondial de la valeur des monnaies.

Les États-Uniens opposés à cette proposition, mais tenus politiquement de respecter les Chinois non seulement à cause de leur nombre, mais aussi par leur situation de débiteur, ont accepté.

Curieusement, au même moment, le directeur du Fonds monétaire international qui était en négociation avec l’Allemagne et la Libye à ce sujet, et sur le point de réussir, se voit séquestré à New York sous des accusations de viol et doit démissionner du Fonds.

Fortuitement, les États-Unis bénéficient d’un délai et sauteront certainement sur l’occasion de participer à la nomination d’une personne moins socialisante et moins zélée à réaliser le désirata chinois.   


La Libye

Cette négociation sur l’implantation d’une nouvelle monnaie passait par la Libye, dernier pays dont la monnaie ou devise repose sur la valeur de l’or détenu dans ses coffres. De plus, son président Kadhafi était en voie de réaliser une nouvelle entité pan africaine, les États-Unis d’Afrique, afin de se doter de moyens continentaux pour assurer le développement de ces pays.

Cette création aspirait à son propre fonds monétaire et à sa propre devise, ce qui agaçait bien sûr les États-Unis, mais surtout la France de Sarkozy qui prête en devise Euro à toute l’Afrique pour l’achat d’armements fabriqués chez elle.

Pour sauvegarder son commerce d'armes vers l'Afrique du Nord, et par ricochet s'assurer un approvisionnement en pétrole à bon marché, le Président français n'a pas hésité à lancer ses avions de combat contre la Libye, quitte à tuer des innocents.

Un autre mobile pour organiser sa chute, c’est qu'elle est le seul pays à refuser d'adhérer à l'Alliance méditerranéenne, un regroupement des pays frontaliers à la Méditerranée, sous le contrôle de la France, que Sarkozy tente de créer pour mieux diviser l'Afrique arabe de l'Afrique noire, répondant de ce fait aux objectifs des États-Unis.

Ah! La belle excuse que le printemps arabe et ses manifestants assaillis par des dictateurs pour détruire la Libye! Les États-Unis-d’Amérique appuyés par leurs confrères du G-8 ont trouvé une double raison de la guerroyer.

Sous le couvert de la libération des peuples, car si c’était vrai ils auraient aussi attaqué le Bahreïn, le Yémen, la Syrie, etc. Non, ils attaquent la Libye afin d'installer leur homme de paille à la tête de l'État et pour contrer les plans très sensés de Kadhafi pour l’Afrique.  

Les  États-Unis achètent du temps à bon compte, mais leur faillite financière à moyen terme les obligera à fermer des bases militaires à travers le monde. Qu’à cela ne tienne, tel qu’annoncé par le Premier ministre conservateur réformiste, le Canada en bon chien de service reprendra la garde de ces bases délaissées, une première dans l’histoire canadienne.

Les opposants canadiens à une exploitation militaire, bien que majoritaire, devront se serrer la ceinture pour payer la maintenance de ses bases. L’étau d’un gouvernement réformiste qui, sous le prétexte de la liberté, est plus soucieux de s’accorder des prérogatives économiques que de préserver le bien commun de tous les Canadiens, se resserre.

Le film l'annonçait, mais ceux qui le vivront, dont nous les Canadiens, subiront dans leur chair le vrai déclin de l'Empire américain. Évidemment, chacun est libre de nier les évidences et d’en payer le prix à terme.

( 01 ) Compagnies privées qui analysent les risques de non remboursement des emprunts contractés par des compagnies ou des États afin que les prêteurs fixent un taux d’intérêt approprié au risque


( 02 ) Vivre en ce pays (parole et musique de Pierre Calvé)
C'est comme vivre aux États-Unis
La pollution, les mêmes autos
Les mêmes patrons, les mêmes impôts
Les petits, les gros
Dans un même bateau

Ceux qui sont partis
Pour chercher un ailleurs meilleur
Ont bien compris qu'en d'autres pays
En d'autres Amériques, Espagne ou Marseille
A part le soleil
Que c'est partout pareil

Vivre en ce pays
C'est comme vivre aux États-Unis
Les mêmes danses, les mêmes chansons
Le même confort et quand tu es mort
Y a des tas de gens
Qui te jouent à l'argent

Ceux qui sont partis
Pour chercher un ailleurs plus loin
Ont inventé un monde en fumée
D'amour et de paix, un monde nouveau
Partis à zéro
Comme à San Francisco

Vivre en ce pays
C'est comme vivre aux États-Unis
C'est la violence, la répression
La loi du plus fort qui l'emporte encore
Sur ceux qui voudraient
Briser les conventions

Ceux qui sont partis
Pour chercher une solution
Qui ont promis un nouveau soleil
Un nouveau pays à qui les suivront
Jurent qu'ils seront des milliers et des millions
Quand ils reviendront
Quand ils reviendront