Faut-il nationaliser une firme de génie-conseil ?

2011/09/22 | Par Pierre Dubuc

Le Rapport Duchesneau, c’est une bombe. En décrivant minutieusement les stratagèmes qui sont utilisés par les firmes de génie-conseil et par les entrepreneurs pour gonfler les factures des travaux, et le financement occulte des partis politiques, il démontre, aux yeux de tous, la faillite du concept libéral de la modernisation de l’État. De la soi-disant réingénierie.

Depuis 30 ans, les firmes de consultants, genre Secor, nous ont rabattu les oreilles avec le même message : il faut privatiser. Duchesneau arrive au constat inverse : il faut plus d’État. La différence entre les deux. Les consultants partaient d’une idéologie. Duchesneau part des faits. C’est toute une claque qu’il inflige à l’ADQ, à l’Institut économique de Montréal, au Réseau Liberté Québec.

Le problème, c’est que cette idéologie-là, de la privatisation, elle a pénétré au cours des 30 dernières années dans toutes les sphères de la société. À Poly technique, aux HEC, au gouvernement. Si bien qu’on trouve normal que les sous-ministres et les hauts fonctionnaires, après avoir acquis une expertise au frais du public, s’empressent d’aller offrir leurs services au secteur privé.

C’est vrai au ministère des Transports. Mais c’est aussi vrai dans les autres ministères. Qu’on pense à l’industrie du gaz de schiste, où l’on retrouve plein d’anciens serviteurs de l’État au service de l’entreprise privée. C’est vrai dans l’exploitation des hydrocarbures à Anticosti, où les anciens de SOQUIP, la société d’État démantelée, sont passés au privé.

Et ça ne touche pas que les hauts fonctionnaires. Qu’on pense à Lucien Bouchard, et maintenant à André Boisclair, deux anciens ministres de l’Environnement, qui vont travailler pour l’industrie du gaz de schiste. Faut le faire! Dans le cas de Boisclair, on voit qu’il a toujours un aussi bon sens politique! Annoncer sa décision en même temps que la divulgation du Rapport Duchesneau. Quel timing!

Quelle est la solution? Il ne faut pas croire qu’on pourra rétablir une véritable concurrence. Le capitalisme de monopole, ce n’est pas nouveau. Ça existe depuis la fin du XIXe siècle. Dans tous les principaux secteurs d’activités, qu’on pense à l’industrie pétrolière, à l’industrie pharmaceutique, il y a toujours 4-5 compagnies qui se partagent l’assiette au beurre.

La seule façon de les contrer, c’est par un État fort. Et, souvent, avec une société d’État qui leur fait concurrence. Mais le ministère du Transport est tellement dégarni qu’on se demande comment on pourrait, à court terme, le renipper. Peut-être qu’une partie de la solution serait de nationaliser une grande firme de génie-conseil.

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