Un système d’éducation pour qui?

2011/11/16 | Par Pierre Dubuc

C’est la question fondamentale que posait la manifestation de près de 30 000 étudiants dans les rues de Montréal contre la hausse des frais de scolarité. C’est celle que la société tout entière devrait se poser au moment où nos écoles commencent à subir les contrecoups des coupures de 100 millions $ annuellement dans le budget des commissions scolaires.

Dans les deux cas, c’est la même logique élitiste qui s’impose. Avec des frais de scolarité plus élevés, moins d’étudiants accèderont à l’université. Avec des services réduits dans nos écoles, plus de parents – du moins les plus fortunés – enverront leurs enfants à l’école privée, subventionnée à plus de 60% à même des fonds publics.

Et de quoi discute-t-on sur la place publique? De la fin du principe de l’égalité des chances, indépendamment du revenu des parents? De la sélection par l’argent, d’abord par l’école privée, puis maintenant par les frais de scolarité à l’université?

Que non! On discute de la pertinence du maintien ou non des commissions scolaires, une structure dont un des objectifs est une meilleure répartition des ressources entre les écoles de milieux socio-économiques différents! Quelle belle manœuvre de diversion !


Des quartiers défavorisés à la scène internationale : une même logique

La logique élitiste n’a pas de limite. On discute, dans certains milieux, de la possibilité de créer des écoles pour les meilleurs élèves des quartiers défavorisés, sur le modèle des écoles à charte américaines. Sauvons les meilleurs, quant aux autres…

À l’autre extrême, les universités s’orientent vers la recherche d’étudiants étrangers fortunés pour compenser le déclin des inscriptions des étudiants québécois, par suite de l’augmentation des frais de scolarité.

Le gouvernement prévoit allouer entre 10 et 20% des sommes consacrées à l’éducation en campagnes de publicité sur la scène internationale et au recrutement de professeurs vedettes à prix fort. Ce faisant, il s’inspire de l’exemple de l’Ontario et de plusieurs autres pays.

Ainsi, dans son dernier budget, le gouvernement ontarien faisait reposer la reprise de l’économie de la province sur l’attraction d’étudiants étrangers. Le premier ministre Dalton McGuinty annonçait l’intention de la province de créer les conditions pour attirer 20 000 étudiants de plus dès l’an prochain dans les collèges et les universités de la province.

L’Ontario se donnait comme objectif d’augmenter de 50 % le nombre d’élèves étrangers au cours des cinq prochaines années. La province prenait pour modèle l’Australie où l’éducation internationale est aujourd’hui la troisième industrie du pays. Manifestement, le gouvernement Charest marche dans les traces du gouvernement ontarien.

À l’origine, la mission des universités était centrée sur la transmission du patrimoine culturel, intellectuel et scientifique de l’humanité et la formation du jugement critique, comme le rappelle les chercheurs de l’Iris. Aujourd’hui, elle est en train de devenir une industrie et un appendice du milieu des affaires.

Pendant des années, on s’est questionné sur l’effet de la mondialisation sur notre système d’éducation, nous en voyons aujourd’hui concrètement les conséquences.


S’enrichir pour s’instruire

La réforme de l’éducation des années 1960 avec le Rapport Parent et la création du ministère de l’Éducation a été la plus grande réalisation de la Révolution tranquille. On mettait fin au système élitiste des collèges classiques privés et on ouvrait toutes grandes les portes des maisons d’enseignement aux enfants des classes ouvrière et populaire. Le Québec moderne est né de cette véritable révolution dans le monde de l’éducation.

Un slogan résumait cette grande conquête sociale : « Qui s’instruit, s’enrichit! ». Aujourd’hui, le slogan qui résume le mieux les changements en cours serait : « S’enrichir pour s’instruire! »

Bookmark