« Il faut tuer le petit mouton intérieur … »

2011/11/23 | Par Denis Trudel

Depuis un an ou deux, il a beaucoup été question de langue au Québec. Loi sur les « écoles passerelles », étude sur l’anglicisation de Montréal, langue d’affichage, débat sur le français au cégep, débat sur la pertinence de l’enseignement intensif de l’anglais en sixième année du primaire, langue de travail dans la fonction publique, juge unilingue anglais à la Cour Suprême, vérificateur général unilingue anglais et dernièrement, cadres unilingues anglais à la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Ouf!!!

Depuis 50 ans, le Québec a évolué. Évidemment. Culturellement et financièrement, nous sommes passés d’un État de colonisés à un État de presque-nation sans complexe. Mais pour des raisons obscures, linguistiquement, nous sommes restés profondément colonisés. Linguistiquement, nous sommes restés des porteurs d’eau.

Qui n’a pas vécu cette situation où des Québécois francophones se retrouvent en majorité dans une réunion ou une fête où tout se déroule en français et où soudainement l’apparition d’UN anglais fait changer la langue de la conversation ?

Trente-quatre ans après la loi 101, après des dizaines de campagne de sensibilisation, deux référendums où les plus grands ténors de la cause nous ont abreuvé de leurs discours pour nous rendre fiers de ce que nous sommes , (…) qu’est-ce qui peut bien expliquer une telle soumission ? Un tel mépris de soi ? Un tel aplatventrisme anachronique ?

Rien. Rien sinon qu’après toutes ces luttes, tous ces combats, les anglais imposent encore le respect. Il y a, quand un anglo rencontre un franco, probablement inscrit dans l’ADN de toutes les rencontres passées, une acceptation réciproque et tacite de la soumission de l’un face à l’autre. Linguistiquement, tout se passe encore comme si c’était encore eux les patrons et nous les employés. Eux les possédants et nous les possédés.

Comment se débarrasser de cette soumission ? Comment se débarrasser de ce petit mouton qui bêle à l’apparition de son maître ? Comment faire pour que le petit mouton intérieur que nous avons tous, se débarrasse de la culpabilité qu’il ressent à l’idée de demander à se faire servir en français partout, tout le temps ? Comment faire taire le petit mouton quand il nous crie : moi, je pense qu’on devrait les payer pour qu’ils mettent leurs affiches en français ! Ou encore pire, quand il nous murmure à l’oreille : tu sais, les patrons de la Caisse de Dépôt et les joueurs du Canadiens, faut les comprendre, ils font des affaires avec le monde entier et ce sont les meilleurs de leurs professions, on ne peut pas leur demander EN PLUS de parler notre langue !

Si un jour, je croise le petit mouton dans un racoin de mon subconscient, je vais le regarder dans les yeux et je vais lui rappeler qu’on ne peut pas être ouvert si on n’a pas de fenêtre. Qu’on ne peut pas être mondial à partir de nulle part. Que pour échanger, il faut exister. Que tu ne peux pas partager ce que tu ne possèdes pas. Que perdre notre langue, ça ne s’appelle pas la mondialisation, c’est une catastrophe. Pour nous, mais aussi pour toute l’humanité.

Mais il ne comprendra probablement pas… Je pense sincèrement qu’il est temps de tuer le mouton. Et que pour régler définitivement le problème du français au Québec, il n’y a qu’une solution : c’est de faire l’indépendance.

Denis Trudel

Le titre du Patriote de l’année de la SSJB de Montréal est décerné chaque année, en mémoire du mouvement patriote des années 1830, à une personne qui s’est distinguée dans la défense des intérêts du Québec et des luttes démocratiques des peuples.

Parmi les titulaires du titre du Patriote de l’année de la SSJB de Montréal, on compte notamment Bernard Landry, Loco Locass, Gilles Laporte, Andrée Ferretti, Raymond Lévesque, Jacques Parizeau, Jacques Proulx, Carmen Sabag-Olmedo, Jean-Claude Germain, Paul Piché, Monique Vézina, Gérald Larose, Yves Michaud, Fernand Daoust, Jean-Marc Léger, Marcel Tessier, Renée Blanchet et Georges Aubin, Luck Mervil, Louise Laurin et Robert Laplante.

Bookmark