Auto-sauvetage assumé

2012/01/13 | Par Marie-Paule Grimaldi

Beaucoup plus près de la performance que du théâtre, le spectacle solo de Gaétan Nadeau, Personal Jesus, s’avère une belle audace pour le théâtre Prospero. Reprise de la création à La Chapelle en 2010, l’interdisciplinarité prend sa place dans ce lieu de théâtre, avec un monologue divagant de réflexions plus que de narration adressé au public dans une forme assez anglo-saxonne : Personal Jesus est surtout soutenu par la présence complice, malicieuse et infiniment assumée de Gaétan Nadeau en short dorée.

Car histoire, il n’y a pas, et dire que la trame narrative est éclatée est faux puisqu’elle n’existe pas vraiment. En résidence de création à Rome, Gaétan Nadeau n’écrit pas, contemple lascif le temps qui passe, lit Pasolini et Yourcenar, revient sur ses souvenirs d’enfance et ses origines à Neuville, et explore des relents de catholicisme.

Se faisant, il scrute son histoire, sa genèse, non pas uniquement celle de l’homme, mais comment il a pu naître en tant qu’artiste, par opposition, par inspiration, à travers les quêtes qui l’animent, les moments de grâce qui l’ont formé, les fantasmes qui l’animent toujours. Et pourtant, les différentes facettes qu’il nous présente sont aussi l’album photo de toute une vie. Avec des glissements et changements de sujets rapides et efficaces, les mots d’esprit sont nombreux, drôles et plein d’autodérision, passant facilement de Sainte-Cécile au scrotum universel dans ce « coming out » spirituel, artistique et biographique.

La mise en scène de Jacques Brochu et Marie-Stéphanie Ledoux dirige notre regard avec souplesse et douceur, se servant de la lumière comme moteur de mouvement. L’impression est cinématographique, renchérit par les projections qui servent de décor ou qui ponctuent d’un titre les différents chapitres du spectacle.

Entre les vidéos, les mouvements et déplacements d’accessoires, et quelques mots bien placés, les images fortes sont nombreuses. Leur travail a certainement permis une plus grande ouverture de Nadeau face au public, alors qu’il plonge dans un matériel aussi intime.

Mais bien sûr, c’est Nadeau qui fait le spectacle, des plus à l’aise alors qu’il nage dans son imaginaire, qu’il provoque ou qu’il se confie, son corps imparfait en culotte ou en toge tellement là, devant nous, sans gêne, réel et magnifique.

Reste que Personal Jesus est un type de performance très narcissiques (ce que l’auteur et acteur est loin de cacher), et on y va pour voir et entendre un des acteurs les plus particuliers du Québec, plus que pour y recevoir une histoire ou même une idée.

Il y a une belle liberté avec laquelle Gaétan Nadeau s’expose, sans nous faire la morale, sans avoir un but nécessairement, dans un exercice où, finalement, le spectacle est mis au service d’une plus grande sincérité, du moins celle de dire un monde intérieur et de le libérer aussi peut-être. Mais si entre texte, corps et scène, les codes sont très bien maîtrisés, l’objet final est des plus intéressants, sans être des plus marquants.

Personal Jesus, du 5 au 15 janvier, Théâtre Prospero, 1371 rue Ontario Est

Crédit photos : Angelo Barsetti

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