De l’honneur et des convictions : certains en ont, d’autres pas

2012/01/17 | Par Michel Rioux

Francesco Schettino, ça vous dit quelque chose ?

Non ? Pourtant, le naufrage du bateau de croisière Costa Concordia, survenu à la mi-janvier, n’a échappé à personne. Francesco Schettino en était le valeureux capitaine. Mais force est de constater que, même dans la marine, les traditions se perdent.

Alors qu’on a tous à l’esprit l’image de ce capitaine, stoïque sur le pont pendant que coule son navire, étant le dernier à quitter si la chose est possible, il s’avère que celui-là s’était déjà réfugié sur la plage de Toscane à 23 h 30, le sauvetage des passagers se poursuivant jusqu’à 6 heures le lendemain matin.

Avec les traditions se perd aussi, dans certains milieux, le sens de l’honneur.

Or donc, pendant qu’en Afghanistan des GI étatsuniens pissaient sur les cadavres de talibans, que Standard & Poors s’apprêtait à décoter la France, que Michael Cammelleri, bien à l’abri grâce aux 7 millions $ payés par les fefans autochtones versait son fiel, que l’Alcan vendait à Hydro-Québec l’électricité produite à même nos ressources et inutilisée pour cause de lock out, un homme sans conviction, succombant aux sirènes de la douce musique d’une limousine ministérielle escomptée, faisait pour une millième fois la preuve que le moraliste La Rochefoucauld avait raison d’écrire dans ses Maximes, en 1665, que « les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans la mer ».

Dans le cas de Rebello, si on en croit les témoignages entendus dans plusieurs milieux, il semble bien que le coq a chanté pas mal plus souvent que trois fois. Moins de trois semaines avant de se jeter dans les bras de Legault, il jurait aux militants de Verchères demeurer fidèle au PQ.

De l’honneur et des convictions, certains en ont, d’autres pas.

Ainsi, il faut voir la férocité des assauts patronaux ces jours-ci contre des travailleurs qui ont le courage de se tenir debout et de dire non. À Alma, à Québec, à London, à Thetford Mines, dans plusieurs municipalités, les attaques sont frontales et la résistance héroïque.

Ce sont surtout les caisses de retraite et le recours à la sous-traitance qui sont dans la mire patronale. À Alma, la multinationale Rio Tinto Alcan a mis en lock out ses 750 travailleurs avec l’objectif de réduire le nombre de syndiqués pour les remplacer par des travailleurs sous-traitants, taillables et corvéables à merci, comme on le disait au Moyen âge.

Francis Ouellet, un lockouté, a livré un témoignage à l’aut’journal : « Personnellement, je sors à la retraite dans 6 ans, j'ai juste à accepter les offres et attendre, mon travail est assuré, mon fonds de pension l’est presque aussi, alors pourquoi me plaindre. Si je me regarde le nombril, j'accepte les offres sans hésiter. Je ne me bats pas pour moi, mais pour les générations à venir. » Accepter le risque d’un très long conflit pour que ceux qui suivront aient encore des emplois de qualité, c’est une question d’honneur pour ces travailleurs.

À London, la multinationale Caterpillar a mis en lock out ses 465 employés syndiqués. Elle exige des coupes de 55 pour cent dans les prestations de retraite et la disparition d’une clause d’ajustement des salaires au coût de la vie.

À Québec, les travailleurs de la papetière Stadacona White Birch, dont l’usine fabrique du papier dans la basse ville depuis 90 ans, ont rejeté massivement les dernières « offres » patronales.

La caisse de retraite faisant voir un déficit actuariel de plus de 300 millions $, l’entreprise étatsunienne exigeait une réduction de 45 à 65 pour cent des prestations et une coupure de 10 pour cent des salaires. Devant le refus des syndiqués, l’usine a fermé. Mais Birch n’a pas réussi à les mettre à genoux. Des hommes d’honneur et de conviction.

À Thetford, Lab Chrysotile est en faillite. Et qui va casquer ? Les travailleurs encore, qui ont déjà vu leurs prestations de retraite ratatiner et leurs salaires réduits de 25 pour cent. Et comme ils ne sont pas considérés comme des créanciers garantis, le déficit de leur caisse de retraite, évalué à quelque 7,5 millions $, met en péril leurs revenus actuels et futurs.

Dans les municipalités, une offensive se prépare contre les régimes de retraite. L’ineffable Labeaume, suivi de Tremblay le ridicule, ont affiché leurs couleurs, appuyés en cela par tout ce que le Québec contient d’idéologues qui puisent leur savoir dans les radios-poubelles. Il ne serait plus question de faire payer les déficits des caisses par les contribuables. Mais comme l’a souligné quelqu’un, ces maires ont-ils baissé les comptes de taxes quand les caisses connaissaient des surplus ? Pas du tout. Ils s’en sont gavés.

Lors de la grève de l’amiante de 1975, les femmes des grévistes avaient un slogan : « Mieux vaut du baloney debout que du steak à genoux! »


*Titre d’une chanson à succès des années 1980.

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