Des journaux américains publient un palmarès des profs

2012/03/02 | Par Réjean Parent

Le 24 février dernier, l’évaluation de 18 000 enseignantes et enseignants a été publiée dans les médias new-yorkais en dépit des protestations de leur organisation syndicale[i] et malgré les faussetés, les inexactitudes et le caractère non concluant des données.

On retrouvait ainsi dans un tableau : l’école, le nom des enseignantes et enseignants ainsi que leur classement sur une échelle de 0 à 99. Ces rapports qui n’étaient pas destinés à être utilisés isolément ou encore rendus publics l’ont finalement été à la suite des demandes des médias en vertu du droit du public à l’information.

Après le palmarès des écoles, voici le non moins désolant palmarès des enseignantes et enseignants tout près de chez nous au sud de la frontière.


Des évaluations qui induisent les parents en erreur

Les tests à l’origine de ces évaluations se basent sur le succès des élèves en mathématique et en anglais pour coter la performance des enseignantes et enseignants des niveaux quatre à huit (primaire et secondaire). Les tests ont été déclarés peu fiables par des directions d’école, des statisticiens et des chercheurs.

Qu’à cela ne tienne, les médias ne s’embarrassent pas de menus détails de ce genre. En effet, la plupart d’entre eux, dont le New York Post et The New York Times, ont publié les évaluations, à l’exception d’un qui considérait que le classement n’était pas rigoureux et pouvait induire les parents en erreur.

Et, devinez quoi ? C’est exactement ce qui est arrivé. Des parents ayant reconnu une enseignante au bas du palmarès ont demandé que leur enfant soit retiré de la classe ou que cette prof soit congédiée. Tout ça, sur la base d’évaluations dont la marge d’erreur se situe, selon le New York Times, entre 35 % et 53 %. Incroyable !


Les États-Unis, le seul pays au monde à humilier son personnel enseignant

Ces palmarès bidon se propagent rapidement dans de nombreux États et districts jetant ainsi le discrédit sur le réseau public d’éducation américain.

Diane Ravitch, professeure émérite au Département d’éducation de l’Université de New York et auteure de nombreux ouvrages, affirme que le chiffre précis à côté du nom des enseignantes et enseignants n’est rien d’autre que de la science de dépotoir (Junk Science).

Elle s’indigne que les États-Unis soit le seul pays au monde à humilier ainsi le personnel enseignant des écoles publiques. Tiens, je me demande ce qu’elle penserait des propositions de François Legault d’évaluer le personnel enseignant en échange d’une augmentation de 20 % de leur salaire.


Une grosse question pour la CAQ

Bien sûr, la CAQ ne propose pas de rendre publiques les évaluations futures du personnel enseignant. Mais, que ferait-elle devant une demande d’un média pour obtenir ces évaluations en vertu de la Loi d’accès à l’information, si jamais, elle prenait le pouvoir ? Le gouvernement serait obligé de livrer ses chiffres, bien entendu. Je vois d’ici les grands titres. Pas vous ?


Miner la confiance envers l’école publique

Diane Ravitch se demande dans son billet si toute cette opération ne serait pas simplement une autre tentative pour miner la confiance de la population envers l’école publique. Bonne question
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[i] Il s’agit de la United Federation of Teachers http://www.uft.org/.

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