Un gouvernement de deux de pique

2012/03/15 | Par Michel Rioux

Il aura beau brasser ses cartes jusqu’à ce que les deux coudes soient frappés d’épicondylite, le John-James Charest, il ne se retrouvera toujours qu’avec une flopée de deux de pique entre les mains.

Ils sont plutôt rares en effet, dans ce cabinet plutôt évanescent, les as de cœur et les rois de trèfle, sans parler des reines de carreau, plutôt absentes elles aussi. Car s’ils ne sont pas tous des deux de pique, il n’est pas interdit de penser que les rares à ressortir du lot seraient au mieux des… valets.

Voilà certes le cabinet le plus insignifiant et le moins compétent à diriger les destinées du Québec depuis 1791, année où nous fûmes parmi les premiers, dans l’Empire, à voir nos élus accéder à un Parlement. Faut le faire, quand même.

Dire qu’on a connu des Honoré Mercier, des Lomer Gouin, des René Lévesque, des Jean Lesage, des Paul Gérin-Lajoie, des Éric Kierans, des Georges-Émile Lapalme, des Claude Castonguay, des Jean-Paul L’Allier, des Jean Cournoyer, des Jacques Parizeau, des Lise Payette, des Bernard Landry, des Camille Laurin, des Robert Burns, des Pauline Marois, des Jacques-Yvan Morin, des Louise Harel, des Pierre Marois, des Louise Beaudoin, et combien d’autres avec lesquels on pouvait être en désaccord, mais qui n’en étaient pas moins des ministres alliant prestance et compétence.

Ils sont plusieurs à se disputer la palme du deux de pique par excellence ; et les événements récents en ont sorti quelques-uns d’un anonymat qui leur seyait on ne peut mieux.

Ainsi de la ministre préposée aux services sociaux, Dominique Vien. On dit de cette ministre, dans sa biographie, qu’elle est « très engagée dans son milieu, elle fut la première femme élue présidente du Club Optimiste de Lac-Etchemin, poste qu'elle occupe pendant deux ans ».

Voilà sans doute ce qui explique sa bonne humeur quand elle a fait état d’une « brigade » de deux inspecteurs qui vont sur place constater ce qui se passe dans 468 établissements abritant des personnes âgées. Il fallait aussi un optimisme à toute épreuve pour se péter les bretelles, quelques jours plus tard, en annonçant que la « brigade » en question passait à six inspecteurs qui, on n’y avait pas pensé jusque-là, apparaîtront sans avertissement.

Marguerite Blais représente un cas différent. Elle a avoué que le contenu du rapport d’inspection des CHSLD, dont elle prenait connaissance un an après son dépôt, l’avait empêchée de dormir. On devrait se réjouir de ce que la chanceuse se soit ainsi épargné un an d’insomnie.

Mais l’indignation prend le dessus ! En voici une qui remplace l’action concrète par des shows de boucane dont elle détient la recette, mais dont elle abuse aussi, comme l’autre jour à Tout le monde en parle. Elles nous prennent pour qui, ces deux de pique absolument conformes à la définition qui apparaît en exergue ?

Tout a été dit du ministre de la Santé, ce bon docteur Bolduc qui, à l’instar de ses prédécesseurs, mais avec encore davantage de candeur, fait l’annonce hebdomadaire de la fin des cauchemars dans les urgences. On lui doit celle-ci, qui représente, on s’en doute, un vaste programme : « Un des secrets de la réussite est d’éliminer les patients en fin de soins aigus. » Rien de moins !

Conseillère municipale à Ascot Corner, Monique Gagnon-Tremblay y a appris à gérer des budgets, un apprentissage qui l’a conduite jusqu’au ministère des Finances. Quelle trajectoire, pourrait-on dire. Sauf que, depuis 25 ans qu’elle l’habite, l’espace public ne s’est pas rendu compte de sa présence. Un fantôme, en quelque sorte.

Sans compter que la plupart de ces illustres incompétents s’adressent au bon peuple que nous sommes dans une langue qui s’apparente davantage au volapük biscornu qu’au français.

Du ministre des Ressources naturelles, Serge Simard, qui commentait la possibilité d’une commission d’enquête dans l’industrie de la construction : « L’objectif en regard de ces critères là il y a des décisions qui vont se prendre », à celui des Affaires municipales, Laurent Lessard, qui a étonné l’Assemblée nationale en annonçant que « le ministère a pris la charrue par les cornes », sans oublier l’ineffable Sam Hamad qui, au lendemain de l’effondrement des paralumes, déclarait que toutes les routes qui sont ouvertes au Québec sont sécuritaires, en passant par Clément Gignac, qui a pris fait et cause pour Rio Tinto Alcan en déclarant qu’on « essaie de démoniser la sous-traitance. La sous-traitance, c’est très important… », on se retrouve véritablement au niveau zéro de l’insignifiance organisée en système.

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