Droits de scolarité : la vraie question

2012/04/05 | Par Jean-Pierre Fortin

L’auteur est directeur du syndicat des TCA-Québec



La gratuité scolaire pourquoi?

Un affrontement sans précédent se déroule actuellement dans les rues du Québec confrontant d’un côté le gouvernement libéral de Jean Charest qui demeure caché dans ses tranchées et refuse tout dialogue avec les leaders étudiants sur la question de la hausse des frais de scolarité.

De l’autre côté, des milliers de jeunes issus de familles à faible et moyen revenu se mobilisent contre cette hausse drastique de 75 % mettant en péril leur capacité de poursuivre leur programme scolaire sans un important endettement.



Qu’en est-il vraiment?

La véritable question est : quel genre de société voulons-nous laisser aux générations présente et future? Le gouvernement Charest veut se désengager de son rôle de répartiteur équitable de la richesse, en prônant des solutions axées sur l’individualisme plutôt que sur la collectivité.

Cette rhétorique l’amène donc à utiliser l’argument qu’il est tout à fait normal que l’étudiant, comme individu, défraie une partie plus importante de ses études supérieures.

Je suis d’avis que dans le présent débat, nous devons tous faire notre part équitable, aussi bien le gouvernement par le biais des impôts des entreprises et des particuliers que les étudiants eux-mêmes.



Un choix de société

Avant de faire un choix comme société, nous devons répondre à la question suivante : à quoi servent nos programmes d’éducation supérieure et qui en profite?

Tous nos programmes d’éducation supérieure n’ont qu’un seul objectif fondamental, à savoir celui de former une main-d’œuvre qualifiée pour répondre aux besoins de notre société. Rien d’autre.

Qui profite de cette main-d’œuvre qualifiée? Ce sont les entreprises du Québec qui sont les grandes bénéficiaires de cette main-d’œuvre soigneusement formée pour répondre à leurs besoins.

Par conséquent, une grande partie de ces étudiants seront au service soit d’entreprises du secteur public et l’autre partie servira les entreprises privées.



Que chacun fasse sa part!

Je préconise ici l’abolition complète des droits de scolarité et je m’explique. La vaste majorité des étudiants seront au service de la société québécoise.

Même avec la totale gratuité scolaire, c’est l’étudiant, comme individu, qui continuera de faire le plus grand des sacrifices. En effet, au terme de sa formation universitaire, incluant le CÉGEP, un étudiant aura sacrifié entre 6 à 10 ans de sa vie afin d’obtenir une spécialisation.

Quelle est la réelle valeur financière de ce sacrifice pour notre société? Puisqu’une très grande partie de ces universitaires seront à notre service sans frais dans nos écoles, nos cliniques médicales, nos CLSC et nos hôpitaux, il serait tout à fait normal que notre société défraie les coûts de leur formation.

Là où il y a un véritable manque à gagner pour notre société se situe au niveau des entreprises privées. En effet, par exemple, nous sommes en droit de nous demander pourquoi nous devrions payer pour la formation d’un ingénieur ou d’un avocat qui viendra enrichir une entreprise privée.

Ce manque à gagner ne devrait-il pas être compensé par un simple « impôt éducation » défrayé par les entreprises bénéficiant de cette main-d’œuvre spécialisée formée aux frais de notre société?

Finalement, pour ceux qui affirment que ces universitaires, lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail, auront des revenus supérieurs à la moyenne et pourront ainsi facilement rembourser leurs dettes, je leur réponds plutôt que ce jeune travailleur spécialisé paiera des impôts sur le revenu supérieur à la moyenne et que ces impôts non seulement compenseront largement pour les coûts de sa formation, mais pourront aussi servir à l’éducation des générations futures.


En toute solidarité avec le mouvement étudiant.

Photo : Jacques Nadeau

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