La télé tue !

2012/04/18 | Par Patrice Roy

L’auteur est membre du Comité de l’environnement des TCA 510               

«  Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...) Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...). »


Patrick Le Lay, PDG de TF1 de 1988 à 2008


Le Comité de l’environnement du syndicat a assisté à une conférence de Serge Mongeau, porte parole du mouvement sur la Simplicité volontaire. Le premier conseil suggéré par celui-ci était de se débarrasser de son téléviseur. La réaction outragée du public, pourtant averti, m’a surpris moi qui n’ait plus de téléviseur depuis 3 ans.

J’ai donc décidé d’élaborer sur ce point précis de la Simplicité volontaire. Monsieur Le Lay cité plus haut, est l’équivalent au Québec de Paul Desmarais ou Pierre Karl Péladeau. La phrase suivante : « le spectateur est une marchandise que les chaînes revendent aux annonceurs»2, résume en d’autres mots leurs pensées.

Les publicités créent des besoins, nous rendent malheureux et, en même temps, nous donnent la solution à ce malheur par l’achat de babioles, cela répété à l’infini.

Un prêt-à-penser prémâché, du concentré de bonheur en « canne », qui nous conduit à l’esclavage de la dette. Avec les 13 millions de tonnes de déchets qu'ils produisent, les Québécois remplissent deux fois et demie le Stade Olympique de Montréal chaque année.3

Au-delà de l’environnement, j’ai découvert que la boîte à grimace avait des effets beaucoup plus directs sur notre intellect et notre corps.

En effet la télévision, comme les psychotropes (café, cigarette, alcool et drogues), crée la dépendance4. Le Québécois moyen passe environ 30 heures par semaine devant la télévision5. Pour les adultes c’est l’équivalent d’une 2e semaine de travail et pour les enfants, c’est au moins égal au temps passé sur les bancs d’école.

Quatre familles sur dix ont un téléviseur constamment allumé.6

Ces chiffres ne prennent pas en compte le temps passé à jouer à des jeux vidéos, à surfer sur le net ou à « texter » sur son cellulaire (une véritable laisse électronique qui suit l’utilisateur jusque dans la toilette).

Comme un paquet d’insectes autour de la lumière du soir sur le balcon, les téléspectateurs sont obnubilés face à la lueur de l’écran, un effet hypnotique schizophrénique.7

« L’activité télévisuelle  est d’abord une forme socialisée de paresse la plus crasse».8 C’est aussi la première gardienne d’enfant, eux qui en ont un désintérêt naturel ne finissent par y prendre goût que sous une lourde pression parentale.9

Les parents responsables ne choisiront que des programmes éducatifs comme Passe-Partout ou Sesame Street assistant l’enfant dans son apprentissage, croient-ils?


Depuis 1999, l’association américaine de pédiatrie recommande que tout petit de moins de deux ans ne soit aucunement exposé à la télévision.

Il a été démontré que l’écoute de la télévision entamait l’apprentissage du langage, qu’une heure de visionnement par jour augmentait de 43% les chances décrochage scolaire et qu’il y a 3 fois plus de chance de ne pas savoir lire à la fin du primaire.10

L’exposition augmente les déficits d’attention et occasionne des troubles du sommeil.

La télévision ayant pour but de garder le spectateur captif à la chaîne pour qu’il reçoive des publicités, les images et les sons défilent à toute vitesse et le contenu a toujours une certaine dose de violence (cela augmente la réceptivité).

Cependant, ce ne sont que les sensations primaires qui sont excitées, l’information complexe défilant trop vite, le cerveau n’a pas le temps de les analyser et de les assimiler. Il est en surcharge, cela même pour les programmes dit éducatifs.

La télé de qualité est un mythe. Elle fabrique de la médiocrité, parce que c’est sa nature.  « Espérer qu’un programme exceptionnel fera une différence, c’est comme espérer que vous pouvez manger des frites et des plats en sauce toute la semaine  et ensuite diminuer votre taux de cholestérol avec une simple fleur de brocoli le dimanche soir. » 11

La télé n’apprend rien, elle vend, c’est sa fonction12. La télédrogue a remplacé l’église et vend un mode de vie. Elle crée une mythologie, une distorsion de la réalité qui rend le quotidien ennuyeux.

Pour être heureux il faut manger, manger toujours, manger plus. Il faut aussi boire de la bière, fumer la cigarette et avoir beaucoup de sexe.

Regarder la télé 2 heures par jours double vos chances d’être obèse et elle fait devancer de 2 à 3 ans l’âge de la première relation sexuelle chez les ados. Oui, tout cela et bien plus encore!

Au salon, comme dans la chanson, le spectateur vie par procuration devant son poste de télévision, inconscient des dommages qu’il cause. Plus on regarde la petite lucarne et plus on a de chances d’être conservateur.

Les émissions de téléréalité banalisent le vote. On est las de Duceppe Pepsi, votons pour Layton Coca-cola. Que pensent-ils ou quel est leur programme électoral? Quel importance on s’en fout! « On ne veut pas le  sawère  on veut le  wère », comme dirait Yvon Deschamps.

La surcharge d’information que crache la télé encourage la passivité, non l’implication,13 un véritable viol psychique.14  La télétoxique devrait arborer comme un paquet de clope, des avertissements sur les dommages qui nous guettent ; des photos et des phrases comme : « Deux heures de télé par jours vous rend stupide! » ou « Regarder la télé tue! ».


Alors, pour votre santé et celle de votre famille, tuez donc votre télé d’abord. «  La télévision n’exige du téléspectateur qu’un acte de courage – mais il est surhumain –, c’est de l’éteindre. »

Pascal Bruckner, Philosophe
 

1.-           Baillargeon, Normand, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, LUX 2003.
2,9,11.-   Desmurget, Michel, TV Lobotomie, Max Milo 2011.
3.-           http://www.mediaterre.org/canada-quebec/actu,20101019154931.html
4.-           http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_03/d_03_s/d_03_s_par/d_03_s_par.html
5-8,10.-   Lemieux Michel, La télé cannibale, Écosociété 2004.
12.-         Postman, Neil, Amusing ourselves to death, Pengouin 1985.
13.-         Mander, Jerry, Four arguments for the elimination of television, Perennial 2002.
14.-         Tchakhotine, Serge, Le Viol des foules par la propagande politique, Tel Gallimard 1939

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