Jean Charest a-t-il un « agenda caché »?

2012/05/22 | Par Pierre Dubuc

Que vise exactement Jean Charest? Que cherche-t-il à provoquer sur ce fond de crise sociale? Une crise politique majeure?

Pour déchiffrer son agenda caché, il faut considérer l’ensemble de la situation politique canadienne. Une lecture attentive de la presse anglophone démontre qu’un spectre hante toujours le Canada anglais : l’indépendance du Québec.

Pour aucune considération, le Canada ne veut revivre la « Grande frousse » de 1995. Et le Parti Québécois au pouvoir, même avec une Mme Marois que plusieurs indépendantistes trouvent trop hésitante, représente un risque majeur qu’on ne veut pas courir.

Aussi, tout doit être mis en œuvre pour empêcher l’élection d’un gouvernement du Parti Québécois, qui ouvrirait la possibilité de la tenue d’un nouveau référendum.

La création de la CAQ de Sirois-Legault, téléguidée des milieux financiers de Toronto et d’Ottawa, était une première tentative en ce sens.
Charles Sirois est président du conseil d’administration de la CIBC, deuxième plus grosse banque au Canada et il faut également se rappeler que la CAQ a été propulsée à l’avant-scène par une série de sondages douteux et de pages frontispices promotionnelles de François Legault par les journaux de Quebecor.

Pierre-Karl Péladeau a forgé une solide alliance avec Stephen Harper. Sun média, sa chaîne de médias au Canada anglais, a mené campagne tambour battant pour le Parti conservateur lors de la dernière campagne électorale.

Mais, de toute évidence, la CAQ ne constitue plus une alternative crédible au Parti Libéral. Que faire alors? Reporter le Parti Libéral au pouvoir? Avec un nouveau chef? À la faveur d’une crise politique orchestrée de toutes pièces? L’histoire récente du Québec est riche de tels scénarios. Au cours des prochains jours, nous en rappellerons les principaux.


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Rappel des principaux coups fourrés contre le Québec.

(1) Daniel Johnson et la muraille de Chine


En 1966, Daniel Johnson fait campagne sur le thème « Égalité ou indépendance », titre d’un livre qu’il venait de publier et dans lequel il réclamait pour le Québec 100% des impôts sur les profits des sociétés, 100% des impôts des particuliers et 100% des impôts sur les successions. De telles revendications équivalent, à toutes fins pratiques, à une déclaration d’indépendance.

Johnson est élu grâce à la division du vote libéral par le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) qui récolte 6% des suffrages. Johnson avait conclu une entente secrète avec Pierre Bourgault en vertu de laquelle les deux concentreraient leurs critiques sur le Parti libéral de Jean Lesage et éviteraient de s’en prendre l’un à l’autre.

L’année suivante, le « Vive le Québec libre » du Général de Gaulle dramatise la situation et jette la panique dans les rangs fédéralistes. Daniel Johnson est invité à aller encore plus loin par de Gaulle qui, dans une lettre manuscrite que ce dernier lui a fait porter, écrit : « On ne peut plus guère douter que l’évolution va conduire à un Québec disposant de lui-même à tous égards. C’est donc – ne le pensez-vous pas? – le moment d’accentuer ce qui est déjà entrepris. Il faut des solutions », dit encore le général, offrant le soutien de la France à cette « grande opération nationale de l’avènement du Québec ».

Tout cela en était trop pour Ottawa et les fédéralistes. Dans sa biographie de Daniel Johnson, le journaliste Pierre Godin raconte comment la contre-attaque s’est orchestrée. Pendant que Daniel Johnson prenait à la fin du mois de septembre 1967 des vacances à Hawaï, les journaux de Power Corporation commencent à faire état d’une désastreuse fuite de capitaux.

Charles Neapole, le président de la Bourse de Montréal, confirme l’information mais sans donner de chiffres. Des dirigeants de la Banque de Montréal, de la Banque Royale et du Trust de Montréal harcèlent chaque jour le ministre des Finances Paul Dozois de leurs appels alarmistes. « Money is leaving the province », clament-ils.

C’était évidemment faux, comme l’a révélé plus tard Jacques Parizeau en vérifiant les transactions financières au cours de cette période.
Au même moment, Paul Desmarais et Marcel Faribault du Trust Général et membre du conseil d’administration de Power Corporation, accompagnés d’un journaliste de La Presse, prennent l’avion pour Hawaï afin de « mettre Johnson au courant de la fuite de capitaux ».

Profitant du climat de panique qu’ils viennent artificiellement de créer, ils convainquent Daniel Johnson d’effectuer un « recul stratégique » pour rassurer les milieux financiers. Ils lui font signer une déclaration qui sera reproduite le lendemain en première page de La Presse sous le titre : « Pas de muraille de Chine autour du Québec ».

Immédiatement, le premier ministre canadien Lester B. Pearson se réjouit de la déclaration et Pierre Elliott Trudeau, alors ministre de la Justice, déclare que « le document d’Hawaï rejoint la politique d’Ottawa ».

À Hawaï, Paul Desmarais obtient la nomination de Marcel Faribault au poste de « conseiller spécial » du premier ministre Johnson en matière constitutionnelle et économique et celle de Charles Neapole à la Caisse de dépôt.

À la conférence constitutionnelle qui suit, Daniel Johnson ne fait mention ni d’indépendance, ni d’égalité, ni de rapatrier 100% des impôts. Il parle plutôt de fédéralisme renouvelé et de nouvelle constitution au grand étonnement des autres premiers ministres et de la presse.

À la grande déception du Général de Gaulle, Daniel Johnson ne reparla plus jamais d’indépendance et on raconte que Paul Desmarais a conservé jalousement comme trophée de chasse l’original de la déclaration de Hawaï.

Le sort de Daniel Johnson étant réglé, les gens de Power Corporation pouvaient maintenant s’occuper de celui de René Lévesque qui voulait pousser le Parti libéral, dont il était ministre, à endosser ses thèses sur la souveraineté-association. L’attaque fut menée au congrès du Parti libéral par le ministre Éric Kierans et le premier ministre Jean Lesage.

René Lévesque se retira du congrès avant d’être exclus du Parti libéral et il mettra sur pied quelque mois plus tard le Mouvement souveraineté-association (MSA). Après son retrait de la vie politique, Jean Lesage fut invité à siéger sur le conseil d’administration de Power Corporation.

Au même moment, Desmarais organise la course de Trudeau à la chefferie du Parti libéral et son élection à la tête du pays le 25 juin 1968, le lendemain de l’émeute de la Saint-Jean-Baptiste.

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