Tournée des États généraux sur la souveraineté

2012/05/23 | Par Militants du Suroît

Séance tenue à Salaberry-de-Valleyfield le12 mai 2012

Le 30 octobre 1995, la circonscription de Salaberry-Soulanges votait à tout près de 60 % en faveur de la souveraineté du Québec. Quelque 52 000 votes plus ou moins légitimes allaient néanmoins priver, pour un certain temps du moins, les habitants du Suroît de leur rêve de liberté. Notre région n’en demeure pas moins un terreau fertile pour l’idée de souveraineté.

On nous a demandé de régionaliser l’argumentaire présenté dans le document de consultation. À bien des égards, la région du Suroît subit le régime fédéral de la même façon que les habitants du reste du Québec.

Ici comme ailleurs, les gens s’opposent à ce que la moitié de leurs impôts serve à payer des avions de guerre, des portraits de la reine d’Angleterre ou de nouvelles prisons pour enfermer les mineurs que le gouvernement canadien veut envoyer derrière les barreaux.

Bref, le cocktail armée-fusils-prisons-monarchie que nous sert le gouvernement conservateur porté au pouvoir par le peuple canadien ne nous plaît pas davantage qu’il ne plaît à nos compatriotes du reste du Québec.

Ici comme ailleurs, les assauts du gouvernement canadien contre la culture, la science et le développement international nous effraient.

Ici comme ailleurs, la tendance à l’économie canadienne à se tourner vers l’exploitation des sources d’énergie les plus polluantes nous permet de constater que les forces de notre Québec vert sont complètement annihilées par ce Canada brun.



La gestion de l’offre en agriculture

Néanmoins, plusieurs aspects nous touchent plus particulièrement. Le premier d’entre eux concerne le système de gestion de l’offre en agriculture. Le principe de la gestion de l’offre est une pratique qui, en imposant des quotas à certaines productions agricoles, assure un prix stable et surtout raisonnable pour les producteurs.

Au gré des négociations que mène le Canada pour libéraliser son économie et ouvrir ses frontières, les pressions se font de plus en plus fortes pour qu’il abandonne cette pratique, souvent assimilée à une forme de protectionnisme.

Le Québec est la province qui bénéficie le plus, et de très loin, de la gestion de l’offre (œufs, lait, volailles, etc.).

En revanche, les producteurs de l’Ouest en bénéficient peu et poussent très fort, avec en tête l’opportunité d’augmenter leurs exportations, en faveur de son abolition. La décision du gouvernement fédéral dépendra donc du rapport de force existant entre l’Ouest et le Québec, ce qui n’est guère rassurant.

Si les producteurs de l’Ouest parviennent à convaincre le gouvernement fédéral de renoncer à la gestion de l’offre, une telle décision serait tout simplement catastrophique pour notre région, laquelle dispose d’un secteur agricole d’une grande importance et qui profite grandement de ce système.

Tant que le Québec ne disposera pas de tous les pouvoirs en matière d’agriculture et qu’il lui sera impossible de négocier ses propres traités internationaux, une véritable épée de Damoclès sera suspendue au-dessus de notre région et de tous ses producteurs agricoles.



La voie maritime

La voie maritime du Saint-Laurent passe directement au cœur de la région du Suroît. Ce cours d’eau est d’une importance primordiale pour la région. Il s’agit, et de loin, de notre principale source d’eau potable tout en constituant une voie de transport indispensable nous donnant accès aux marchés américain et européen.

Malheureusement, aussi indispensable soit ce cours d’eau pour notre survie et notre développement, ce dernier relève de la stricte compétence du gouvernement canadien.

Cette situation comporte pour nous des risques majeurs puisque les dirigeants canadiens ne semblent pas tous saisir les véritables risques qui pourraient être associés à une catastrophe environnementale dans cette section du Saint-Laurent.

En fait, par deux fois, ces derniers nous ont laissé cette impression. Une première fois au début des années 2000 alors que le gouvernement de Paul Martin, influencé par les compagnies de transport maritime, a développé un projet visant à draguer le fond de la voie maritime afin de permettre à de plus gros porte-conteneurs de pouvoir accéder aux Grands Lacs.

Le hic est qu’une telle opération aurait fait en sorte de soulever à la surface près de 6 décennies de produits toxiques s’étant accumulés au fond du cours d’eau…avec les conséquences que vous pouvez imaginer sur notre eau potable.

Il a fallu une mobilisation citoyenne d’envergure et un travail d'arrache-pied du Bloc québécois pour convaincre le gouvernement libéral de l’époque de ranger son projet dans ses coffres.

À présent, connaissant la forte tendance aux troupes de Stephen Harper à faire passer les considérations économiques devant les considérations écologiques, nous n’avons plus désormais qu’à prier pour que ces derniers ne tombent jamais sur le bon tiroir…

Puis, plus récemment, la mobilisation de tous les acteurs du milieu a été nécessaire afin de convaincre le gouvernement fédéral d’interdire le transport sur une barge d’un réacteur nucléaire fortement radioactif devant être démantelé en Europe.

Cet épisode a illustré à merveille la situation humiliante dans laquelle est plongé le Québec. En effet, malgré une unanimité sans faille de la part de tous les maires et députés québécois du territoire concerné, ces derniers ont dû aller supplier un ministre unilingue anglophone de retrouver la raison et de ne pas nous faire courir un tel risque.

Une première bataille a été gagnée, mais le risque court toujours que le fédéral revienne à la charge avec cette idée. Une autre épée de Damoclès, une de plus…

Nous pourrions également citer le cas du Kathryn Spirit, ce cargo devant être démantelé sur les berges du lac Saint-Louis à Beauharnois. La population de la municipalité s’est mobilisée puisque le démantèlement d’une épave directement dans l’eau présente des risques énormes de contamination pour la vie aquatique et les prises d’eau potable.

Mais à qui s’adresser ont dû se demander ces citoyens? Car voyez-vous, l’épave, lorsque dans la voie maritime, relève du fédéral. Par contre, toutes les activités se produisant sur les berges, elles, relèvent du provincial!

Le projet aurait supposément avorté, mais en ce moment même, l’épave n’a toujours pas bougé d’un centimètre.

Deux séries de normes différentes, deux ordres de gouvernement ne sachant pas trop où commencent et où finissent leurs responsabilités dans ce dossier font en sorte que cette épave se trouve dans une sorte de limbe administrative. Chacun se lance la balle et rien n’avance. Vive le fédéralisme canadien!



Entraves au développement économique

Notre région a été le théâtre d’au moins trois exemples concrets où l’obstruction du gouvernement canadien a nui et continue de nuire à notre développement économique.

1) Tout d’abord, chaque citoyen du Suroît a au moins une chose en commun : depuis des décennies, il entend parler encore et encore du prolongement de l’autoroute 30. Peut-être même certains d’entre vous avez fièrement affiché sur votre automobile le désormais célèbre auto-collant réclamant la 30 en 92!

Ce n’est pas parce que l’on rit que c’est drôle puisque que le dossier de l’autoroute 30 est le reflet même du dysfonctionnement du fédéralisme canadien dans tout ce qu’il comporte de plus kafkaïen.

Commençons notre histoire en 1984, année où notre ex-député libéral provincial se fait élire avec un slogan sans équivoque : « La 30 c’est réglé! ».

Malheureusement pour lui, la participation du fédéral est indispensable, d’autant plus que l’autoroute doit franchir la voie maritime qui relève, nous le savons bien maintenant, de la compétence du gouvernement canadien. L’importance du prolongement de cette autoroute a eu beau faire consensus au Québec, aucune entente ne sera signée entre les deux gouvernements.

Il faudra attendre l’an 2000 pour que notre même ex-député, cette fois candidat au fédéral, se fasse élire avec un nouveau slogan pour lequel on le soupçonne de s’être plagié lui-même : du « La 30 c’est réglé! », il passe au « Les ponts c’est officiel! ». Quoi de mieux que de recycler une promesse électorale vieille de 16 ans?

Néanmoins, malgré cette nouvelle vieille promesse annoncée à grand renfort de limousines de ministres, le fédéral a encore décidé qu’il avait des priorités plus urgentes que de faire sortir la région de Salaberry-de-Valleyfield du cul-de-sac où elle se trouve.

Dès avril 2001, le ministre péquiste Guy Chevrette, exaspéré par l’attitude d’Ottawa qui ne cesse de se traîner les pieds dans le dossier, fait parvenir un protocole d’entente au gouvernement fédéral ne manquant plus qu’à être signé.

Ottawa mettra encore deux années supplémentaires pour daigner laisser sa griffe sur ce document si important pour notre région. Donc, nous nous résumons : depuis au moins 1984, la classe politique québécoise est unanime sur la nécessité de prolonger l’autoroute 30 dans notre région. Ce n’est toutefois que 20 ans plus tard que le fédéral embarquera officiellement dans le dossier. 20 années de gaspillées, 20 années où notre région aurait pu prospérer au lieu de quémander notre dû au gouvernement d’un peuple qui n’est pas le nôtre.

2) Le dossier de la réouverture du canal Soulanges en est un autre qui date de pratiquement aussi longtemps que celui de l’autoroute 30. La population de Soulanges attend impatiemment le jour où, avec la réouverture de leur magnifique canal, les plaisanciers et autres touristes pourront venir en grand nombre découvrir leur région et faire fleurir leur économie.

Malheureusement, une fois de plus, le fait de ne pas contrôler 100 % de nos impôts nous oblige à quémander au fédéral une partie du financement.

Le gouvernement du Québec y a déjà investi plus de neuf millions de dollars et tous les partis politiques québécois appuient le projet. Cependant, malgré ce consensus au Québec, le projet n’est pas sur le point de voir le jour. Pourquoi?

Parce que le gouvernement fédéral refuse d’y investir. C’est du moins ce qu’affirme Lucie Charlebois, députée libérale de Soulanges et ardente fédéraliste, dans un article du journal le Soleil daté du 18 avril 2009 et intitulé de façon on ne peut claire : « Le fédéral tourne le dos au canal Soulanges ». Un autre projet où le ping-pong fédéral/provincial ralentit le développement économique de notre région.

3) Finalement, le comté d’Huntingdon est lui aussi fortement attaqué par les décisions du gouvernement canadien. En effet, nos amis conservateurs, bien qu’ils aiment projeter l’image d’un gouvernement ferme en ce qui concerne le respect de la loi, de l’ordre et de la sécurité, ont décidé de fermer les postes frontaliers d’Elgin et de Franklin.

Cette décision, outre son caractère étrange en ce qui a trait à la sécurité de nos frontières, sera particulièrement désastreuse au point de vue économique.

En effet, nombreuses sont les entreprises de la région qui exportent et importent des marchandises avec nos voisins américains. La fermeture des deux postes frontaliers les forcera donc à emprunter d’interminables détours qui se chiffreront par des pertes de centaines de milliers de dollars par année.

D’autres seront peut-être même acculées à la faillite. Mais après tout, qui connaît Elgin et Franklin en Alberta, là où se prennent désormais les décisions qui orienteront notre avenir?

Par ce tour d’horizon, que nous avons voulu le plus court possible, nous avons tenté de démontrer que le fait de ne pas disposer des véritables pouvoirs pour assurer notre épanouissement provoque des répercussions dans l’ensemble des secteurs qui touchent notre vie quotidienne.

Il faudra bien un jour prendre position : se résigner à quémander et se contenter de ce qu’on voudra bien nous laisser, ou bien enfin se faire confiance et voler de nos propres ailes, ce qui nous permettra de définir, sans l’obstruction de personne d’autre, nos propres priorités.

RÉGION DU SUROÎT

- Territoire correspondant aux circonscriptions électorales de Vaudreuil, Soulanges, Beauharnois, Huntingdon et Châteauguay.
- Population : un peu plus de 300 000 personnes
- 80,4 % de cette population est francophone, ce qui correspond grosso modo à la même proportion qu’au Québec (80, 1 %).
- Le revenu moyen des habitants du Suroît est de 32 714 $, ce qui est légèrement supérieur au revenu moyen de 32 074 $ pour l’ensemble du Québec.

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