Faust, et la jeunesse et le Diable qui l’emportent

2012/05/25 | Par Marie-Paule Grimaldi

Pour conclure sa saison, l’Opéra de Montréal a choisi Faust de Gounod, un œuvre puissante aux airs connus et en français, quelque peu actualisée au goût du jour, et bien attendue après les longs mois qui nous séparaient du superbe Il Trovatore qui nous avait séduit en janvier. Si la mise en scène n’a pas toujours appuyé le propos tiré de la pièce de Goethe au mieux, l’interprétation de la partition musicale et chantée fut exquise à souhait et impeccable.

Plongé dans l’ennui et la vieillesse qui le fait dépérir, le vieux Faust veut en finir avec la vie. C’est alors qu’apparaît, le Diable, Méphistophélès, qui lui offre de combler ses rêves les plus fous, en échange de son âme. Faust désire la jeunesse, la sienne, et tout ce qu’elle procure de plaisir et de jeunes filles en fleur. Il hésite mais Méphistophélès lui présente la vision de la belle Marguerite, humble, simple, pure et vertueuse d’entre toutes, et Faust accepte.

Aidé du Diable qui souhaite pervertir la petite, il lui offre des bijoux (« Ah! je ris de me voir si belle en ce miroir ») et la conquiert. On retrouve ensuite Marguerite avec un poupon, jugée et délaissée de tous et encore éperdue de Faust qui court les jupons à travers la ville.

Lorsque son frère de retour de guerre apprend la situation, il provoque Faust, mais celui-ci le tue, et mourant, il maudit sa sœur. Marguerite sombre dans la folie, assassine son enfant, et est enfermée à l’asile, où Faust la visite, poussé par Méphistophélès, afin « d’abréger ses souffrances ». Mais alors que le Diable pense avoir gagné l’âme de Marguerite, celle-ci est pardonnée et s’élève dans le salut.

Dans l’histoire, ce n’est pas le Diable qui l’emporte, mais comme la basse russe Alexander Vinogradov qui le campe a dominé toute la production! Arrogant, séduisant, drôle, sa voix vibrante valait effectivement bien des pactes.

Le spectacle misait beaucoup sur les ténors Guy Bélanger et Antoine Bélanger, père et fils, qui jouaient Faust jeune et vieux, mais si le fils a offert une très belle prestation, le père a manqué de virtuosité, ce qu’il a compensé en interprétation.

Mary Dunleavy en Marguerite transperce malgré la passivité somme toute de son rôle, mais émeut dans les scènes les plus tragiques, qui lui reviennent toutes. L’orchestre dirigé par Emmanuel Plasson ne s’impose pas, les accompagne en déployant toute la douceur et la beauté intrinsèque à la musique romantique de Gounod.

Le décor, composé de sept colonnes immenses amovibles, est banal épuré et finit un peu par agacé, même s’il met le focus et découpe la présence des interprètes, appuyée par l’éclairage.

Les costumes ne sont pas particulièrement remarquables mais évoquent à la fois l’époque et la nôtre de façon réussi. Mais la mise en scène d’Alain Gauthier est si statique et parfois abstraite qu’elle déroute, pour nous laisser sur une finale à la limite de l’incompréhension.

Mais Faust est aussi un défi en soi, sa popularité datant d’une autre époque, et ses élans de piété religieuse vieillissent mal. Les thèmes de la jeunesse enviée au-delà de tout pouvoir et qu’on cherche à posséder et à corrompre ne nous sont pourtant pas tout à fait étranger, et sa rédemption, même dans l’au-delà, nous laisse une petite note d’espoir.

Cette finale de saison pour l’Opéra de Montréal n’égale pas celle de l’an dernier avec l’émouvante Bohème de Puccini. Mais si l’ensemble du spectacle ne renverse pas, il satisfait les amateurs d’opéra, de tout âge et de toute provenance.

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