Les «remarquables oubliés» du débat actuel sur l’«éducation»

2012/08/07 | Par Yves Claudé

L’auteur est sociologue et citoyen engagé pour l’intérêt collectif

La gratuité scolaire est admirable comme principe, mais il faut prendre la peine de se questionner sur sa réalité dans une société de classes sociales, structurée d’une manière très inégalitaire.

En effet, le système scolaire, officiellement ouvert à tous, produit dans la réalité une sélection sociale qui privilégie les enfants de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie. Ceux-ci arrivent dans le monde de l’école avec un capital culturel qui les place dans une situation privilégiée, sans compter les autres ressources de leurs parents qui sont à leur disposition.

Dans le processus de sélection sociale et culturelle que l’école effectue, objectivement et concrètement, les enfants des milieux ouvriers et populaires arrivent « déclassés » à la fin du secondaire, et ils se retrouvent trop souvent dans des trajectoires de vie de petits salariés ou d’exclus. Ils sont les «remarquables oubliés» du débat actuel sur l’«éducation» !

La gratuité scolaire profiterait principalement aux enfants de la petite-bourgeoisie, qui ont majoritairement accès aux études postsecondaires. Ceux-ci pourraient acquérir plus facilement un capital scolaire, échangeable contre du capital économique, du capital social, esthétique, de mobilité, … sans compter du capital santé à propos duquel il faut rappeler que les membres de la classe ouvrière ont une espérance de vie inférieure d’environ dix ans à celle qui prévaut dans la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie.

La gratuité scolaire ne serait équitable qu’à condition de mettre en place des mesures massives de soutien social, pédagogique et culturel, pour les enfants de la classe ouvrière. C’est ce que tentent de faire les enseignants et professionnels du primaire et du secondaire avec des moyens trop limités. C’est ce que font le Dr Julien et ses collaborateurs, avec des ressources très localisées et essentiellement privées.

C’est pourquoi, dans le contexte actuel, les propositions du PQ sur les droits de scolarité (gel et indexation), certes incomplètes en regard des précédentes considérations, me semblent cependant les plus équitables.

De ce fait, malgré les apparences, la position de gratuité scolaire mise de l’avant par QS est inéquitable et démagogique, dans la mesure où elle représente les intérêts de classe de la petite-bourgeoisie radicale qui fait la promotion de ses intérêts à travers ce parti.

En tant que petit-bourgeois, je devrais peut-être, logiquement, adhérer aux positions de QS, mais ne serait-ce pas trahir mes origines ouvrières, ma mémoire familiale ?

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