Les religieux se mobilisent contre le PQ

2012/08/27 | Par Louise Mailloux

Les propos odieux du maire de Saguenay à l’endroit de la candidate péquiste Djemila Benhabib ont été perçus avec raison comme xénophobes et indignes de sa charge publique mais on se trompe royalement en pensant que ses attaques ciblaient principalement les immigrants.

En insultant cette candidate, Jean Tremblay visait surtout les laïques qu’il abhorre et contre lesquels il a perdu, en 2011, suite au jugement du Tribunal des droits de la personne lui ordonnant de mettre fin à la récitation de la prière au conseil municipal et de retirer tout symbole religieux de la salle du conseil.

Refusant de se plier au jugement du Tribunal, le maire Tremblay a porté sa cause devant la Cour d’appel du Québec qui a accepté de l’entendre et il se dit même déterminé à se rendre jusqu’en Cour suprême, s’il le faut.

Alors de traiter la militante laïque, Djemila Benhabib, «d’étrangère qui vient nous dire quoi faire», n’est qu’un argument de plus pour la discréditer aux yeux des électeurs de Trois- Rivières où, rappelons-le, en 2009, la Commission des droits de la personne a également rendu une décision semblable concernant la prière à l’Hôtel de ville. Voilà aussi pourquoi le maire de Trois-Rivières a cautionné en partie les injures de son homologue de Saguenay.


Jean Tremblay, un intégriste catholique

Pour bien comprendre les motivations réelles de Jean Tremblay, il faut lire le mémoire que le maire et ses conseillers ont présenté devant la Commission Bouchard-Taylor. On y considère la Bible comme la Charte universelle du genre humain, plaçant ainsi la loi divine au-dessus de celle des hommes, tout en y affirmant la suprématie de la religion catholique sur toutes les autres religions «qui ont une fausse idée du culte divin».

Insistant sur notre identité française et catholique, on y déplore le fait qu’avec la Révolution tranquille «on a largué plusieurs valeurs religieuses et familiales, dénaturant la notion de mariage, détournant la morale sexuelle de son sens. La révolution tranquille a amorcé en même temps une dérive morale

De toute évidence, le mariage des conjoints de même sexe dérange monsieur le maire pour qui la sexualité n’est qu’une affaire de reproduction comme dans l’élevage des poules et des moutons.

Sa conception de la laïcité en est une de collaboration plutôt que de séparation entre l’Église et l’État, comme à l’époque de Duplessis. L’État, écrit-on, n’ayant pas la compétence pour juger des questions morales et religieuses doit s’en remettre à l’Église. «Dans des questions aussi vitales que celles de l’avortement ou du mariage gai, par exemple, l’État peut légiférer sur les règles politiques, économiques et sociales, mais il ne peut empiéter sur les valeurs morales et religieuses qui relèvent des Églises».

Jean Tremblay est un intégriste qui veut imposer son catholicisme à l’ensemble de la société et son combat acharné contre la laïcité explique ses attaques virulentes à l’endroit de Djemila Benhabib. Vous savez, si j’étais l’Opus Dei, je recruterais sur-le-champ le maire Tremblay, à moins que cela ne soit déjà fait...


Les religieux s’opposent à une Charte de la laïcité

Les intentions du PQ en matière de laïcité ont provoqué de vives réactions chez les religieux.

Ainsi, le porte-parole du Conseil musulman de Montréal, Salam Elmenyawi déconseille à ceux-ci de voter pour le PQ.

Dans un communiqué émis suite à l’annonce du projet d’une Charte de la laïcité, il écrit que « le PQ a opté pour la diffusion d’idées xénophobes dans une tentative désespérée de reconquérir le pouvoir par la propagation de la haine et de l’islamophobie, par les atteintes aux droits fondamentaux, par la fabrication de crises et par la division de notre société. Nous conseillons fortement à tous les Québécois de prendre une décision éclairée et d’envoyer un message fort lors des élections au PQ, c’est-à-dire que la division sectaire et le ciblage des communautés religieuses ne sont pas acceptables

Ajoutons également qu’un citoyen québécois de confession musulmane a mis une pétition en ligne pour s’opposer au projet du PQ.

La présentation de celle-ci mentionne que : «Dans le cas d’une victoire électorale, le parti québécois compte adopter une charte qui interdit, entre autres,  l’accès à un poste de travail dans la fonction publique  à toute personne portant un signe religieux jugé ostentatoire à l’exemple du foulard islamique. Ce chapitre du projet électoral du parti québécois est synonyme d'institutionnalisation d'une ségrégation qui ne dit pas son nom et d’occultation de toute une partie de notre société pour motif de convictions religieuses.

« Le parti québécois doit comprendre  qu’il n’est pas dépositaire exclusif de l’identité québécoise et que celle-ci reste multi-culturelle, multi-confessionnelle et multi-raciale, ouverte et solidaire pour un seul objectif  celui d’un Québec prospère et riche par et dans sa diversité. Or, ce n'est pas avec  le discours du parti québécois manifestement populiste, démagogique et de bas étage électoraliste, que cet objectif va être atteint.»

De son côté, l'organisme de défense des droits de la communauté juive B'nai Brith a publié un communiqué dans lequel il s'élève contre l'idée d'instaurer une charte de la laïcité qui restreindrait des droits fondamentaux tels la liberté d’expression religieuse garantie par les Chartes canadienne et québécoise et réduirait la diversité de la société québécoise.

Une telle mobilisation des cultes contre le PQ n’a rien d’étonnant surtout que ceux-ci ne sont pas sans ignorer que cette Charte québécoise de la laïcité pourrait notamment inclure un élément important figurant dans le programme du Parti Québécois au chapitre de l’éducation, stipulant qu’un gouvernement souverainiste « cessera de subventionner les écoles privées axées essentiellement sur l’enseignement de la religion qui ne respectent pas le régime pédagogique ainsi que les écoles dont les admissions sont fondées sur l’appartenance confessionnelle.»

Là, on parle des vraies affaires ! Et vous avez ici de quoi effrayer tous ces religieux qui souhaitent continuer à recevoir des subventions de l’État pour financer leurs écoles religieuses. « Money talk !», voilà un enjeu de taille.


Une histoire à finir...

Avec l’élection du Parti Québécois, le 4 septembre prochain, jamais de toute son histoire, le Québec n’aura été si proche d’une affirmation constitutionnelle de sa laïcité et d’une protection juridique de celle-ci.

Une Charte de la laïcité ne ferait pas disparaître les religions comme le maire Tremblay aime à le faire croire mais elle limiterait leurs prétentions politiques à vouloir nous imposer leurs valeurs rétrogrades et sexistes qui contredisent l’égalité des sexes et propagent l’homophobie dont trop de jeunes sont victimes à l’école.

Une telle Charte aurait également le mérite de proposer des balises claires et objectives en matière d’accommodements religieux et mettrait fin à l’arbitraire du cas par cas.

À part le Parti Québécois, aucun autre parti n’a de propositions concrètes pour défendre notre laïcité. Bien sûr, Québec solidaire vous dira qu’ils sont en faveur de la laïcité, que les institutions publiques doivent être neutres mais en prenant bien soin de taire qu’ils sont aussi en faveur d’une affirmation multiculturelle de l’identité religieuse des individus.

Autrement dit, pas de crucifix à l’Assemblée nationale mais pour les employés de l’État, les infirmières, les médecins, les enseignants, les éducatrices dans les Centres de la petite enfance, QS défend le port de signes religieux. Et même pour une femme musulmane qui porterait le niqab dans nos institutions publiques, quelle est la position de QS si ces femmes ne sont pas «en contact avec le public» ?

Les Patriotes de 1837 ont été les premiers à exiger une séparation de l’Église et de l’État. Un siècle plus tard, la Révolution tranquille nous a propulsés dans un Québec moderne en laïcisant nos institutions publiques. Nos écoles publiques viennent à peine d’être déconfessionnalisées. Ces acquis importants doivent être préservés mais nous devons aussi aller de l’avant et terminer ce que nous avons commencé. Nous devons avoir ce courage. Le 4 septembre prochain, nous avons une histoire à finir...

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