Fin de la saison de chasse

2012/08/28 | Par Ginette Leroux

Bruno est allemand. L’étudiant en entomologie est venu en Israël à la demande de sa mère, aujourd’hui décédée, retrouver son père biologique. Il est mal reçu, mais la ténacité du jeune homme parvient à briser la résistance de celui qui a fui l’Allemagne à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. « On va en finir avec cette histoire », lui dit l’homme excédé, avant d’entamer le récit de son douloureux passé.

En 1942, pour échapper aux Nazis, Albert, un juif, tente de traverser le Rhin vers la Suisse. Sans succès. Il est recueilli par Fritz et sa femme Emma, qui vivent sur une ferme isolée et le cachent dans la grange. Rapidement Fritz, impuissant, voit chez Albert un géniteur potentiel, capable d’engrosser sa femme et de donner au couple l’héritier dont il rêve. D’abord réfractaire, Albert accepte sans se douter que ce geste révèle à Emma sa sexualité et entraîne chez elle un besoin qui dépasse les limites de l’entente.

Fritz est jaloux des changements qui s’opèrent chez sa femme. Emma est enceinte et rayonne de bonheur. Il se sent diminué et incapable de contrôler sa colère et sa haine. Ses beuveries se multiplient. Piégé de part et d’autre, le juif sent sa sécurité menacée. Il doit quitter la ferme. Mais il est trop tard, les Nazis l’ont repéré et il est arrêté et envoyé à Auschwitz.

À l’automne 1945, Albert revient à la ferme dans l’espoir de voir son enfant, mais il apprend qu’Emma a perdu le bébé qu’elle portait. Toujours amoureuse, Emma tente de reconquérir son amant, au grand désespoir de son mari. Frustré, le survivant de l’Holocauste lui fait l’amour brutalement avant de reprendre, pour toujours, sa liberté.

« Vous avez connu ma mère », lui dit Bruno, avant de remettre à l’israélite une lettre écrite par sa mère à son intention. Elle contient une révélation choc qui changera à tout jamais le destin des deux hommes.


ALLEMAGNE, 100 min.


Présenté en compétition officielle, « Closed Season » est le premier long métrage de la réalisatrice allemande. Le film met en lumière la culpabilité du peuple allemand face aux atrocités commises contre les juifs dans l’enfer nazi d’Adolf Hitler.

Dans le rôle de Fritz, le mari d’Emma, Hans-Jochen Wagner convainc par la retenue qu’affiche son personnage. Fritz accueille Albert, sans aucun préjugé, malgré l’avertissement de sa femme. Son agressivité, il la retourne plutôt contre lui-même. Au contraire d’Emma qui, au départ, s’oppose à l’idée de son mari.

Ce n’est qu’au moment où elle se fond dans les bras d’Albert qu’elle voit apparaître l’être humain chez son amant et que ses idées reçues battent en retraite. Pas pour longtemps. On le constatera dans l’issue inattendue de l’histoire. Brigitte Hobmeier est excellente dans le rôle d’Emma. De sa robe grise de femme rangée et obéissante, elle affiche sa nouvelle indépendance au grand soleil. Sur son vélo, vêtue d’une robe pastel, Emma fleurit sous nos yeux.

La volte-face d’Emma montre clairement l’ambiguïté dans laquelle se trouvaient les Allemands au moment de la purge entreprise par la Gestapo contre les juifs. Entre l’empathie qui sauve et la dénonciation brutale qui condamne, le choix peut être viscéral. « Même si le couple dans l’histoire résiste au régime nazi, il consent, si besoin en est, à l’utiliser à ses propres fins. Ce qui conduit inexorablement à l’issue fatale », explique Franziska Schlotterer, scénariste et réalisatrice

Le pardon est-il possible pour un rescapé de l’Holocauste? Le dénouement du film permet l’espoir d’une réconciliation.


Bookmark