Y a de quoi dans l’eau !

2012/09/06 | Par Michel Rioux

Au lendemain d’une élection aux allures surréalistes parfois, et le jour même où il annonce la main sur le cœur qu’il nous privera désormais de sa présence, JJ Charest, fidèle à ses habitudes, a encore une fois tenté de nous faire avaler une couleuvre en soutenant avoir fait « une campagne basée sur des idées ». Vraiment ?

Un jour, il y a de cela bien longtemps, alors que je discutais de ce qui demeure encore aujourd’hui le « mystère Québec » avec un intellectuel qui s’était frotté à l’action, qui avait été ministre et qui était toujours théologien, nous avions fait le tour de toutes les explications théoriques pouvant expliquer un tel comportement.

À court d’arguments, je l’avais regardé dans les yeux et j’avais asséné cette phrase, que son esprit forcément cartésien avait mis du temps à saisir : «  Mon cher Louis, il n’y a qu’une explication plausible au mystère Québec. Y a de quoi dans l’eau ! »

Aujourd’hui, 5 septembre, il faut se rendre à l’évidence. Ce n’est pas seulement à Québec qu’il y a de quoi dans l’eau. Le mystère a gagné d’autres régions et il faudra bien qu’un jour, un Louis-Gilles Francoeur nous explique ce qu’il en est de ce type de pollution. Qu’on vote libéral dans Robert-Baldwin, dans Westmount-St-Louis, dans Viau, dans Jeanne-Mance-Viger, cela ne surprend pas. Les anglophones et la majorité des allophones s’en sont déjà ouvert : mieux vaut un corrompu qu’un indépendantiste !

Mais qu’à Trois-Rivières, mais qu’à Rivière-du-Loup, mais que dans des circonscriptions à très forte majorité « francophone de souche », il s’en soit trouvé des milliers pour voter libéral, après tout ce que l’on sait, et avant tout ce qu’on apprendra avec la commission Charbonneau mais qu’on subodore déjà, cela dépasse l’entendement.

Si les sondeurs ont mangé une claque, cela est dû, à coup sûr, à une certaine sournoiserie qui semble le propre de personnes ayant honte d’avouer qu’elles vont voter libéral et qui, de ce fait, amènent une distorsion dans les projections électorales. Jean Charest, qui connait bien son monde et qui s’y connait en mensonges, en fourberie et en duplicité, ne se trompait pas quand il soutenait que l’élection ferait mentir les sondages.

Parlant de John James, eut-il fait l’École de théâtre plutôt que la faculté de droit, il en serait sorti avec la mention Magna cum laude. Battu à plate couture dans son comté, il a néanmoins livré le meilleur discours de sa carrière. Mon père, sensible comme bien des Québécois depuis Laurier à l’éloquence des politiciens, disait souvent : « Lui, il jase ! »

La forme prenant toute la place, le fond n’a désormais aucune importance. Car comment, étant sain d’esprit, accorder foi à ce plaidoyer dans lequel lui-même et le parti libéral, qui n’ont que des intérêts, seraient plutôt mus pas des « convictions » ?

La CAQ se promettait une hécatombe à Hydro-Québec, dans les agences de santé, dans les commissions scolaires. À Québec, une ville de fonctionnaires, on a jeté son dévolu sur la CAQ. Tomber en amour avec son bourreau, cela s’appelle le syndrome de Stockholm. Un médecin de mes connaissances – un médecin généraliste - me dit avoir voté par anticipation pour le parti de Legault, exaspéré par l’idée de payer davantage d’impôt, comme le prévoit le Parti québécois.

Je lui rappelle alors que son prochain patron pourrait bien être Gaétan Barrette, qui considère que des médecins comme lui se la coulent douce et ne travaillent pas assez. « Tu me fais penser à un poulet qui voterait pour le colonel Sanders », lui ai-je répliqué.

Le caporal Lortie l’avait sans doute quelque peu fêlée. Mais son attentat à l’Assemblée nationale était d’une certaine manière le reflet d’une espèce de mépris, pour ne pas dire de haine, qui couve dans l’armée canadienne à l’endroit du Québec. Le dénommé Richard Henry Bain a sûrement une profonde fêlure entre les oreilles lui aussi. Mais on ne peut comprendre le geste qu’il a posé en s’en prenant à Pauline Marois qu’en constatant que dans certains milieux, on professe une espèce de mépris, pour ne pas dire de haine, à l’égard de celles et de ceux qui veulent faire du Québec un pays. « Les Anglais se réveillent ! », criait-il. Ils ne dormaient pas si profondément, ayant voté libéral à plus de 80 %.

Il semble bien que ce soient les policiers qui ont dormi au gaz dans toute cette affaire. Faut croire qu’il n’y avait pas assez de dangereux étudiants dans les environs… Et que penser de ce ministre battu et qu’on ne regrettera pas, Serge Simard, qui a expliqué l’attentat par la violence des étudiants, une violence qui aurait servi d’inspiration au dénommé Bain ?

Et pour finir, un rapide décompte fait voir qu’au moins une vingtaine de comtés sont allés aux libéraux ou aux caquistes en raison de la division des souverainistes et des progressistes. Une bonne journée, il faudra bien se demander jusques à quand on estimera avoir les moyens de jouer du piccolo en s’écartillant de la sorte, laissant libre la place à la droite fédéraliste. Voter, ce n’est pas s’adonner à un plaisir solitaire. C’est prendre en compte la totalité du réel.