Les événements du Métropolis rappellent la tentative d’assassinat de Jean Chrétien au lendemain du référendum de 1995

2012/09/07 | Par Pierre Dubuc

La tentative d’assassinat de la chef du Parti Québécois et les failles de la sécurité, dénoncées par le metteur en scène Yves Desgagnés ne sont pas sans rappeler une tentative semblable à l’endroit de Jean Chrétien au lendemain du référendum de 1995.

Aujourd’hui, l’assassinat de Pauline Marois, qui aurait également pu s’accompagner de la décapitation d’une bonne partie du leadership du Parti Québécois, étant donné la présence au Métropolis de nombreux députés élus, a été évité, semble-t-il, parce que l’arme de l’assassin s’est enrayée.

Si R.H. Bain avait pu mener à terme ses desseins meurtriers, le Parti Québécois et l’ensemble du mouvement souverainiste auraient été plongé dans une crise profonde, dont il est facile d’imaginer les conséquences désastreuses.

En 1995, les conditions étaient différentes, mais si André Dallaire, identifié au mouvement souverainiste, n’avait pas été empêché d’assassiner le premier ministre Jean Chrétien par la présence d’esprit de sa femme Aline, c’est l’ensemble du mouvement souverainiste qui aurait été au banc des accusés.

Dans les deux occasions, les souverainistes auraient écopé. Dans les deux cas, la presse fédéraliste a réduit les tentatives d’assassinat à de simples « faits divers », balayant sous le tapis les motivations, le contexte explosif des deux événements et ses conséquences potentiellement tragiques pour le mouvement souverainiste.

Nous reproduisons ci-dessous un extrait de notre livre « Le Québec et la nouvelle internationale » sur les circonstances de la tentative d’assassinat de Jean Chrétien.

Zaccardelli devait être l’homme de confiance de Chrétien à la tête de la GRC. Ce dernier venait de le nommer en remplacement de Philip Murray, congédié parce que Chrétien l’avait tenu personnellement responsable de la tentative d’assassinat dont il avait été victime, lorsqu’un dénommé André Dallaire s’était introduit au 24 Sussex Drive en pleine nuit avec un couteau.

Seule la présence d’esprit d’Aline Chrétien, l’épouse du Premier Ministre, avait empêché l’assassin de passer à l’action. S’étant réveillée en sursaut et ayant aperçu l’intrus dans le corridor, elle avait prestement fermé et verrouillé les portes de la chambre. Contactés par Aline, les agents de la GRC, qui devaient assurer la surveillance de la résidence du premier ministre, avaient mis sept longues minutes avant d’intervenir.

Les médias canadiens et québécois ont tourné l’incident en dérision – avec des caricatures de Jean Chrétien tenant une statuette inuit – mais le couple Chrétien n’entendait pas à rire.

Dans ses Mémoires (Comment ça marche à Ottawa, Fides, 2007), Eddie Goldenberg, un des principaux conseillers de Jean Chrétien, accorde beaucoup d’importance à l’événement. Il rappelle, que le samedi suivant le référendum, le Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin avait été assassiné.

Le même soir, alors qu’il accompagnait Chrétien en voiture à la résidence du Premier Ministre au 24 Sussex, celui-ci lui confia ses angoisses: «Après toute l’émotion provoquée au Québec par le référendum, je pourrais être le prochain après Rabin. » Raccompagné chez lui dans la voiture du premier ministre, Goldenberg interpelle alors l’agent de la GRC qui sert de chauffeur à Chrétien : « Avez-vous entendu le premier ministre ? Il semble inquiet à propos de sa sécurité. »

Aussi, Goldenberg trouve « absolument incroyable » que les agents de la GRC, non seulement n’aient pas intercepté l’individu, mais qu’ils aient mis sept longues minutes, après avoir été alertés, à accourir pour l’arrêter. On aurait voulu laisser le temps à l’assassin d’accomplir son crime qu’on n’aurait pas agi autrement, pourrions-nous ajouter…

Le lendemain,  la GRC émettait un communiqué dont Goldenberg nous dit qu’il n’avait pour but que de tromper le public et minimiser l’événement. C’est un Chrétien furieux qui a convoqué les journalistes pour leur dire que l’individu était un souverainiste désespéré d’avoir perdu le référendum. Mais les médias adoptèrent plutôt le point de vue de la GRC et les éditorialistes et les caricaturistes en firent leurs choux gras. Goldenberg raconte que le couple Chrétien a été traumatisé pendant longtemps par cet événement.

À notre connaissance, personne n’a cherché à mesurer les conséquences politiques qu’aurait eues l’assassinat de Jean Chrétien. Survenu à peine une semaine après le référendum d’octobre 1995, alors que plusieurs, au Canada anglais, tenaient Chrétien responsable du quasi-échec, l’assassinat du premier ministre par un Québécois s’affichant comme nationaliste, aurait provoqué une crise majeure – de la même ampleur que la Crise d’Octobre – au moment où le Canada anglais croyait dur comme fer que Lucien Bouchard, qui venait de succéder à Jacques Parizeau comme premier ministre du Québec, déclencherait rapidement des élections et un autre référendum, gagnant celui-là.

Extrait de Pierre Dubuc, Le Québec et la nouvelle donne internationale. Pour se procurer le livre, cliquez ici.

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