Catalogne : Un million et demi de personnes dans la rue pour l’indépendance

2012/09/13 | Par L’aut’journal 

Dans son édition du 13 septembre, le quotidien Le Monde décrit de la façon suivante la manifestation d’un million de personnes dans les rues de Barcelone en faveur de l’indépendance.

« Dans les rues de Barcelone coupées à la circulation, impossible de se frayer un chemin. Familles avec enfants, étudiants et retraités, chefs d'entreprise et chômeurs forment une foule compacte, venue des quatre coins de la Catalogne dans des bus affrétés pour l'occasion, agiter des drapeaux rouge et jaune et clamer son souhait de construire un Etat indépendant pour le peuple catalan . Près d'un million et demi de personnes selon la police locale, 600 000 selon le gouvernement central, ont défilé entre le Passeig de Gracia et le Parlement, mardi 11 septembre, à l'appel d'un collectif d'associations indépendantistes, l'Assemblée nationale catalane (ANC), sous le mot d'ordre La Catalogne, nouvel Etat d'Europe .

« Chaque année, le 11 septembre, jour de la Catalogne, la Diada , qui commémore la prise de Barcelone par l'armée franco-castillane, en 1714, est l'occasion pour des mouvements indépendantistes traditionnellement divisés d'organiser des manifestations. Jamais elles n'avaient rassemblé autant de monde que cette année, où les organisations indépendantistes, bénéficiant de la bienveillance du gouvernement régional, avaient décidé de s'unir pour faire une démonstration de force face à l'Espagne, l'Europe et le monde .

« Ce succès témoigne d'un sentiment indépendantiste grandissant dans la société catalane, qui s'étend aussi bien dans les milieux aisés que populaires, touche autant la droite que la gauche et s'est nourri de la crise économique pour recruter de nouveaux adeptes. Pour la première fois, en juin, le baromètre du centre d'études d'opinion de la région a indiqué qu'une majorité absolue de Catalans, 51,1 % exactement, voterait oui à un référendum sur l'indépendance. Soit huit points de plus qu'en 2011.

« L'idée que la Catalogne s'en sortirait mieux sans l'Espagne a fait son chemin. Politiquement, les Catalans n'ont pas digéré la censure par le Tribunal constitutionnel espagnol, en 2010, de plusieurs articles du nouveau statut d'autonomie censé redéfinir les relations entre la région et Madrid. Ils ne tolèrent plus le fait qu'une partie importante des revenus de la Catalogne serve à financer le rattrapage des régions moins favorisées. Ce déficit fiscal que le gouvernement de la coalition nationaliste CiU, revenue au pouvoir en 2010, évalue à 16 milliards d'euros annuels, soit 8 % du PIB régional, passe d'autant plus mal que la Catalogne n'échappe pas à la crise.

«  Aujourd'hui beaucoup de gens se rendent compte que l'indépendance est la seule solution, assure Carme Forcadell, présidente de l'ANC. Nous apportons beaucoup à l'Espagne et nous recevons peu, alors que des milliers de Catalans ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois.

« Avec un taux de chômage à 22 % de la population active, des politiques d'austérité très dures et des difficultés de financement sur les marchés qui l'ont contrainte à demander l'aide de Madrid, la Catalogne a de plus en plus de mal à accepter le principe de solidarité entre régions.

«  L'Espagne nous traite mal, surtout économiquement, estime Jesus, policier d'une quarantaine d'années qui manifeste au côté de sa femme. Si une région comme la Catalogne est un moteur économique, elle ne peut pas recevoir moins que les régions moins productives.

«  On nous parle des risques de l'indépendance mais pas de ceux de la dépendance, s'insurge Joan, trentenaire, chargé de communication dans l'administration publique. L'Espagne coule, nous ne voulons pas nous noyer avec elle. Notre économie a un futur, celle de l'Espagne, non.

« Le président nationaliste de la région, Artur Mas, ne manquera pas d'utiliser le succès de la manifestation de mardi, qu'il a encouragée en appelant à une participation massive, pour négocier le 20 septembre avec le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, l'octroi d'un pacte fiscal visant à donner à la région l'autonomie financière et fiscale, c'est-à-dire le droit d'utiliser tout l'argent collecté dans la région. Il a déjà prévenu que si cette négociation échoue, le chemin de la liberté sera ouvert , menaçant de convoquer des élections anticipées. Or M. Rajoy a déjà rejeté cette idée. La Catalogne a de graves problèmes de déficit et de chômage, a-t-il rappelé lundi soir. Ce n'est pas un temps pour l'embrouille, la dispute et la polémique. C'est le moment de l'union et de la collaboration.

« En brandissant la menace d'une sécession, le président catalan joue un jeu dangereux, lui qui a besoin du soutien des députés du Parti populaire (PP, au gouvernement à Madrid) pour gouverner la région, et de l'aide de l'Etat central pour payer ses factures. Surtout, la Catalogne, région la plus endettée d'Espagne, incapable de réduire son déficit public en 2011, fermée aux marchés financiers, a dû demander au début du mois de septembre une aide de 5 milliards d'euros pour refinancer ses crédits arrivés à échéance. Une posture délicate pour exiger du gouvernement davantage d'autonomie. »

L’article est signé Sandrine Morel

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