Débat sur les impôts

2012/09/28 | Par Simon Tremblay-Pepin et Francis Fortier

Tiré du site IRIS

Un débat fait rage en ce moment au Québec à propos de l’imposition des contribuables les plus fortunés. Le problème est que, souvent, le système d’imposition et les données de base à son propos ne sont pas compris. Si l’IRIS est clairement en faveur de cette hausse, ce billet ne porte pas tant sur notre position qu’il tente de faire œuvre utile en faisant mieux comprendre la situation. Abattons quatre mythes tenaces, qui, comme tout mythe qui se respecte, sont à la fois présents dans la culture populaire et dans les médias.

Mythe 1 : Les riches paient 24% de leur revenu en impôt pour le Québec

Ce mythe provient et se perpétue fort probablement de par l’incompréhension du système d’impôt progressif. Dans la réalité, une personne gagnant 100 000$ par année, ne peut pas payer plus de 17,5% d’impôt au Québec. C’est la distinction entre ce que l’on appelle le taux marginal et le taux effectif.

Rappelons comment fonctionne notre système. En ce moment il a trois paliers. Comme l’indique Revenu Québec, en 2012, les paliers seront répartis de la façon suivante :

  • De 0$ à 40 100$ : 16%

  • De 40 100$ à 80 200 : 20%

  • 80 200$ et + : 24%

Les taux de chaque palier sont les taux marginaux d’imposition. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie que ce taux ne concerne que les montants de revenus compris dans le palier visé. Il faut lire les paliers d’imposition non pas comme des catégories de revenu, mais comme des tranches de revenu.

C’est-à-dire que le premier 40 100$ sera imposé à 16%, le 40 100$ suivant à 20% et tout revenu excédent 80 200$ le sera à 24%. Un petit détail à ne pas omettre est l’exemption de base de 10 600$, qui est non imposable pour tous.

En somme, l’impôt ne commence à s’appliquer qu’après qu’un individu ait gagné plus que ce montant de base.

Voici donc pour l’aspect théorique de la chose, maintenant, attaquons nous au calcul qui nous a permis de définir que le maximum d’impôt qu’un particulier gagnant 100 000$ peut théoriquement payer est de 17,5% et non 24% comme le stipule bien allègrement le mythe. Et entrons un peu plus dans la réalité du taux effectif.

Si vous gagnez 100 000$ par année, voici comment se calcule ce que vous devrez payer :

Les premiers 10 600$ ne sont pas imposables. Vous serez imposé à 16% sur les 29 460 $ suivants, c’est-à-dire que vous paierez 4713$ d’impôt pour la première tranche de revenu.

Pour les 40 100 $ suivants (ceux entre 40 101$ et 80 200$) vous serez imposé à 20%, vous paierez donc 8020$ d’impôt sur cette tranche de revenu.

Ce sont seulement les 19 800$ restants (ceux entre 80 200$ et 100 000$) qui seront imposés à 24% pour un montant de 4 752$. Vous paierez donc un total de 17 485$ d’impôt au gouvernement du Québec, soit 17,5% de votre revenu, et non 24%.

Cependant, ce 17,5% est très théorique ; dans la réalité, lorsque nous regardons les statistiques fiscales de 2009, les contribuables faisant entre 100 000$ et 150 000$ ont consacré en moyenne 13,7% de leur revenu total à payer de l’impôt au gouvernement du Québec.

On est bien loin du taux marginal de 24% et du taux effectif que nous avons calculé de 17,5%. Cette différence s’explique  en majeure partie par les exemptions fiscales.

Donc quand on dit que les riches sont taxés à 24%, nous ne parlons que du taux marginal, taux qui est nécessaire pour les comptables, mais pour représenter la réalité, il serait mieux de parler du taux effectif (pourcentage du revenu payé une fois que la déclaration d’impôt est remplie) qui lui a l’avantage de mieux exposer la réalité fiscale d’un contribuable.


Mythe 2 :  Le gouvernement souhaite hausser les impôts des plus riches à 31% de leurs revenus

La hausse présentée par le Parti Québecois (PQ) vise à créer deux nouveaux paliers. Le quatrième palier ajouté à ceux que nous venons de présenter inclurait les revenus entre 130 000$ et 250 000$ à un taux marginal de  28%, tandis que l’ajout du cinquième palier hausserait le taux marginal d’imposition à  31% pour tout gain dépassant les 250 000$.

On prétend que cette hausse touchera lourdement les plus fortunés. Les détracteurs de cette hausse nous parlent d’une augmentation de 4% pour les particuliers gagnant entre 130 000$ et 250 000% et une hausse de 7% pour ceux gagnant plus de 250 000$.

Comme nous l’avons vu dans le premier mythe, il faut bien comprendre que ce sont uniquement les sommes d’argents comprises dans ces paliers qui seront touchées. Pour la plupart des contribuables visés, cette hausse aura assez peu d’impact sur leur taux d’imposition effectif.

Donc, quelqu’un faisant 130 000$ ne paiera pas un sou de plus d’impôt et quelqu’un en faisant 135 000$ paiera, avant ses déductions, 200$ de plus d’impôt qu’avant.

Quand on regarde l’effet plus en détails sur divers cas-types par l’entremise du taux effectif (sans tenir compte des déductions, mais en tenant compte de l’élimination de la contribution santé) on se rend compte qu’il n’en est rien pour la grande majorité des contribuables touchant ces revenus.

Nous avons fait le même exercice que dans la démonstration du premier mythe pour des revenus individuels de 150 000$, 190 000$ et 300 000$ afin de voir la hausse réelle pour chacun d’eux suite à la création des nouveaux paliers.

Au regard du tableau, nous voyons que l’augmentation du taux effectif est bien loin du mythe déclarant une hausse de 4 et 7%. Pour la grande majorité de cette minorité de contribuables, le taux d’imposition augmentera de 0,5 à 2,77 points de pourcentage. Ce n’est donc que pour les revenus de 400 000$ et plus (une très mince portion de la population) que cette augmentation ira chercher plus de 5% de leur salaire.

Mythe 3 : Le taux d’imposition a augmenté dans les dernières années

Le quotidien La Presse a publié un joli tableau qui, s’il a d’importants défauts, fait la démonstration que de 2000 à 2010 les impôts de tous les contribuables ont diminué, tant au provincial qu’au fédéral.

Pour aller plus loin sans pour autant faire une étude détaillée, jetons un coup d’œil sur l’évolution du système d’imposition de 2000 à 2009 pour se donner une idée de l’évolution de la fiscalité québécoise. Cet examen se fait avec des salaires équivalents en regard de l’indexation.

Seule la tranche de 20 000$ à 50 000$, que l’on met souvent dans la «basse classe moyenne»,  a connu une légère augmentation de son impôt. Sinon, l’ensemble des contribuables ont connu des baisses d’impôt. Ces baisses ont été particulièrement élevées pour les contribuables faisant 50 000$ et plus.

Et si nous regardons les 100 000$ et plus – catégorie où se situent les contribuables touchés par la hausse d’impôt – la diminution en dix ans a été de 2,2% en moyenne.

Comme la hausse annoncée touche seulement une partie de ces gens, on ne peut même pas parler de rattrapage face au taux d’imposition de 2000.


Mythe 4 : Les contribuables touchés ne sont pas si riches que ça

Il semble y avoir une certaine confusion entre revenu des individus et revenu familial. Cette confusion provient fort probablement de la prédominance dans les portraits statistiques de l’utilisation du revenu familial tandis que dans le cas qui nous intéresse ici, il est question du revenu individuel.

Nous parlons donc des contribuables qui font des salaires individuels de 130 000$ et plus, et non familiaux. En fait, plusieurs de ces contribuables font partie de ménages touchant des revenus totaux plus importants que 130 000$.

Comme le concept de riche est un concept relatif, les riches sont riches comparativement aux autres. C’est pourquoi, lorsque certains discours veulent perpétuer le mythe que nous n’avons pas de riches au Québec, il y a l’utilisation d’une comparaison avec les riches de d’autres endroits (par exemple les États-Unis).

Mais qu’en est-il si nous nous essayons de définir un riche en lien avec  la société dans laquelle il vit? Comme exposé dans un billet précédent, le contribuable faisant plus de 150 000$ représentent le 1,5% le plus riche de la population et fait 12% de l’ensemble des revenus gagnés au Québec à lui seul. Si faire partie des 92 000 personnes qui se partagent entre elles 29 milliards de dollars n’est pas être riche, on se demande un peu ce qu’est être riche.

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