Les gens d’affaires ne sont pas tous inquiets

2012/10/03 | Par Renaud Lapierre ing LL. L.

L’auteur est président d’Environnement VIRIDIS inc.

Depuis une semaine, les dirigeants du Conseil du patronat, de la chambre de commerce de Montréal et de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), ainsi que plusieurs fiscalistes ont pris d’assaut les tribunes disponibles pour alerter les Québécois du fait que l’économie serait en danger, indiquant que leur inquiétude était à son paroxysme. Le porte-parole d’Arcelor-Mittal, osant même, quant à lui, affirmer que, d’une part, il y avait maintenant un moratoire général sur l’économie et, d’autre part, le gouvernement de la première première ministre était le plus à gauche de l’histoire du Québec. Quelle agitation! Il va de soi que je ne partage pas cette analyse et que je suis en parfait désaccord avec les propos de ces dirigeants. Et je ne suis pas le seul, mais trop de gens d’affaires se taisent.

Mes équipes et moi avons créé, dans les trois dernières années, plus de 100 nouveaux emplois au Québec, dans un secteur où nous avons démontré que le développement durable, l’environnement et l’économie pouvaient faire bon ménage. Cela nous permet à notre tour d’affirmer que nous n’avons aucune intention ni de quitter le Québec ni de nous agiter relativement aux mesures proposées par ce nouveau gouvernement. J’aimerais souligner à mes collègues d’affaires que, en dépit du fait que les mesures ont été annoncées d’une manière qui semblent les avoir perturbés, s’ils font une analyse froide, sans filtre politique, ils constateront d’eux-mêmes qu’il n’y pas matière à s’alarmer et que les raisons sont nombreuses pour défendre cette attitude.


Des raisons démocratiques

Ces dirigeants doivent accepter le verdict démocratique des Québécois ayant choisi le Parti québécois pour les gouverner, même s’il est minoritaire, et faire le constat que les mesures, dont ils veulent débattre, faisaient partie intégrante de la plateforme électorale du parti.


Des raisons financières

Des comparaisons de salaires indiquent sans équivoque que, entre un haut salarié qui faisait 123 000 $ en 2000 et celui qui faisait un salaire identique après inflation, soit 150 000 $ en 2010, ce dernier a bénéficié d’une baisse d’impôt annuelle de 2 904 $ au cours de cette période. Alors, si on lui en fait payer 700 ou 800 $ de plus, cette année ou l’an prochain, y a-t-il péril en la demeure? Et, sincèrement, à l’unisson avec le nouveau ministre des Finances, qui croira que l’économie sera affectée et que de hauts dirigeants déménageront leur famille pour un tel montant? Sauf ceux qui n’ont en tête que de défendre leurs intérêts propres. Et, pour eux, existe-t-il de meilleurs arguments — puisque cela vient de l’un de leurs membres — que l’étude KPMG, sortie cette semaine, qui démontre, à partir de 26 éléments de coûts de fonctionnement pour les entreprises, que Montréal est au sommet d’un classement des grandes villes présentant la fiscalité la plus avantageuse pour les entreprises sur la scène internationale?


Des raisons historiques

Il est plus qu’approprié de rappeler à ces dirigeants, lesquels représentent une partie seulement des gens d’affaires, qu’ils devraient avoir dans leur regard sur la situation actuelle un peu de mémoire historique. Ils constateraient rapidement, en effet, que c’est sous des gouvernements péquistes que, dans les 30 dernières années, les mesures les plus efficaces pour développer l’économie ont été mises en place. Pour ne citer que deux exemples, mentionnons le Régime d’épargne actions (REA) et les Fonds de capital de risque des travailleurs (FTQ et CSN). Et j’encourage tous ceux qui en ont bénéficié et, dans plusieurs cas, leurs enfants eux-mêmes à leur tour dirigeants d’entreprises non seulement à s’en souvenir, mais encore à oser le dire publiquement. Les gouvernements péquistes ont toujours été des accompagnateurs proactifs de la croissance économique du Québec.


Des pistes d’échanges positives

Pour toutes ces raisons, j’invite les dirigeants de ces organismes à calmer le jeu au lieu du contraire; il en va de leur crédibilité dans ces débats. Je leur suggère même de mettre leurs idées à contribution afin d’accompagner le nouveau gouvernement au moins dans trois mesures substantielles annoncées, qui auront un impact majeur sur l’économie du Québec dans les prochaines années :

  1. la création de la Banque de développement économique du Québec, de façon que non seulement elle ajoute un plus aux autres institutions financières, mais aussi elle facilite le contact des gens d’affaires de toutes les régions avec l’État;

  2. la définition et la mise en place d’une politique énergétique ambitieuse et moderne alignée pour obtenir des retombées maximales pour le Québec;

  3. enfin, l’élaboration et la concrétisation d’une politique d’électrification des transports dynamique et porteuse d’une industrialisation au Québec en commençant par un appui non équivoque au projet de Monorail TrensQuébec pour en déterminer la faisabilité financière et technologique.

Gens d’affaires et, particulièrement, leurs dirigeants, constatez que nous n’agissons plus sous l’influence de la peur, mais que nous devons maintenant influer sur le contenu, en acceptant la valeur de base que poursuit ce gouvernement, à savoir le partage de la richesse au bénéfice de tous.

C’est dans cette optique que je propose au gouvernement péquiste de créer rapidement un Conseil national de planification économique pour le conseiller, composé d’hommes et de femmes de tous les milieux d’affaires qui souscrivent à cette valeur phare.


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