Si on ne veut plus entendre « Compte tenu du statut minoritaire du PQ… »

2012/10/12 | Par Sylvain Martin

L’auteur est directeur québécois des TCA

Mercredi dernier, le ministre des Finances Nicolas Marceau a présenté à la population la proposition de son gouvernement concernant l’élimination de la taxe santé, une taxe régressive imposée par les libéraux. Dans le communiqué émis par le PQ, on pouvait y lire, entre autres, que :

  • Plus de 3 millions de Québécois paieront moins d’impôts grâce au gouvernement de Pauline Marois.

  • Le gouvernement abolit la taxe santé libérale régressive par l’introduction d’une contribution progressive.

  • Avec notre proposition, plus de la moitié des contribuables y sont gagnants.

  • À titre d’exemple, la famille moyenne québécoise dont le revenu est de 70,000 $ reçoit un allégement fiscal de 200 $.

  • Un nouveau palier d’imposition sera introduit pour les contribuables dont le revenu excède 100,000 $ par un taux de 25.75% soit une augmentation de 1.75%.

  • Compte tenu du statut minoritaire du gouvernement c’est une proposition qui saura sans doute faire consensus.

Immédiatement après l’annonce du ministre des Finances, nous avons eu droit aux réactions des partis d’opposition. Se présentant comme grand défenseur de la classe moyenne, François Legault a joué les vierges offensées en qualifiant d’inacceptables les hausses d’impôts proposés.

Quant à Raymond Bachand, il s’est attribué le crédit du recul péquiste avec ses prédictions de désordre économique épouvantable si la proposition initiale avait été adoptée.

Nous avons également eu droit au spectacle époustouflant de nos pseudo-analystes politiques, virevoltant à 180 degrés sur un dix cents.

Il y a à peine quelque jours, ils tiraient à boulets rouges sur le PQ, l’accusant de « détester les riches », de provoquer leur « exode vers l’étranger » parce qu’il demandait aux mieux nantis de mettre quelque dollars de plus dans la cagnotte collective.

Aujourd’hui, ils accusent le PQ de mentir à la population parce qu’il ne respecte pas son programme électoral!



Quoi penser de tout cela!

Il faut d’abord relire le communiqué du Parti Québécois. La phrase la plus importante est à la toute fin. Elle se lit comme suit : « Compte tenu du statut minoritaire du gouvernement, c’est une proposition qui saura sans doute faire consensus ».

Ce « compte tenu du statut minoritaire du gouvernement… », nous n’avons pas fini de l’entendre. En fait, il nous ramène à l’essentiel : le résultat du 4 septembre dernier, l’élection d’un gouvernement minoritaire.

On pourrait même ajouter : « très minoritaire ». Avec seulement 4 sièges de plus que les libéraux, le PQ ne peut même pas se permettre une dissension à l’intérieur de ses rangs.

Madame Marois et ses ministres devront continuellement trouver des propositions qui sauront faire consensus. En d’autres mots, s’éloigner de leur programme électoral pour avoir l’assentiment de l’opposition.

Cette obligation de consensus va en mécontenter plusieurs. Mais, il faut aller au-delà des sautes d’humeur passagères et réfléchir à la cause première de cette « obligation de consensus » : la division du vote progressiste de gauche et ses conséquences.

Cette division nous affaiblit d’autant plus que nous sommes devant une droite déterminée à protéger les intérêts et les acquis des biens nantis et des entreprises, dans le cadre du système actuel qui les avantage.

Depuis quelques semaines, nous devons admettre que nous avons eu droit à une grande leçon d’efficacité. Sur toutes les tribunes, la droite a martelé le même message pour démolir les propositions du gouvernement Marois.

« Le gouvernement Marois improvise », « le PQ est faible du point de vue économique », « les bureaux de comptables et de fiscalistes n’ont jamais été aussi occupés », « les riches s’apprêtent à déménager avec leurs fortunes », « le Québec en sortira appauvrit », « les maisons de courtage sont en train de réviser la note de cotation du Québec », etc., etc….



Où était la gauche?

À son passage à l’émission « Tout le monde en parle », le ministre des Finances Nicolas Marceau a déclaré qu’il était surpris de constater que, tout au long de la campagne électorale, les citoyens disaient vouloir du changement et que maintenant, on lui reprochait de remplir ses promesses, de proposer des changements.

À mon avis, monsieur Marceau nous interpellait avec cette déclaration. « Où sont les citoyens qui voulaient le changement? Où êtes-vous, on ne vous entend plus

Ce message est d’autant plus important que nous assistons actuellement à une lutte des classes version moderne.

Le pouvoir économique des entreprises, l’argent des mieux nantis et le contrôle des médias sont mis au service de la classe dirigeante au détriment de la classe des travailleurs.

Le gouvernement de Madame Marois a besoin d’entendre les travailleuses et les travailleurs, de même que toutes les organisations qui les représentent, lui dire de continuer à mettre en place des mesures qui vont ramener une justice sociale, de continuer à faire preuve d’audace.

Ne rien dire, ne rien faire, c’est nous condamner à entendre de façon répétée « Compte tenu du statut minoritaire du PQ… ».

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