Potentiel et limites de l’industrie minière au Québec

2012/12/05 | Par Gabriel Ste-Marie

Le professeur de physique à l’Université de Montréal et spécialiste en ressources naturelles Normand Mousseau vient de lancer un ouvrage qui démonte les rouages techniques et économiques de l’industrie minière.

Le cœur du livre présente les enjeux économiques actuels de cet important secteur. Pour bien les saisir, les aspects techniques sont détaillés. Le physicien remonte l’histoire pour expliquer les avancées techniques d’exploitation, en plus de tracer l’évolution de ce type de ressource.

Les meilleurs gisements ayant déjà été exploités, l’industrie utilise aujourd’hui un minerai dont la concentration en métal ne cesse de diminuer. La première conséquence de cette plus faible concentration est une explosion de la demande en énergie de l’industrie. Une plus faible quantité de métal dans le minerai accroît les besoins énergétiques de façon exponentielle. Les importants gains technologiques du secteur de l’extraction n’arrivent pas à compenser cette tendance. Le secteur minier accapare entre 4% et 7% de l’énergie mondiale.

L’ampleur du potentiel énergétique du Québec représente donc un avantage certain pour l’industrie. Normand Mousseau fait un parallèle avec l’importance de l’industrie de l’aluminium au Québec, qui fournit 7% de la production mondiale.

Depuis plus d’une décennie, les prix mondiaux des ressources minières connaissent une véritable envolée, d’où l’engouement renouvelé pour développer l’industrie. Actuellement, le Canada arrive premier en termes d’investissements pour l’exploration. Toutefois, l’auteur explique que si on retranche de ces investissements ceux effectués en Saskatchewan pour la potasse, ceux pour l’uranium et enfin les sables bitumineux, la position du Canada dégringole, même s’il se maintient dans les dix premiers.

Mousseau montre également que les ressources du Québec sont ni plus ni moins importantes que celles du reste du Canada. Nous accaparons 18% des dépenses du secteur, soit à peu près l’équivalent de la superficie relative de notre territoire.

Le développement de l’industrie minière québécoise semble suivre la tendance mondiale. Puisque les cours mondiaux augmentent, l’activité extractive s’accroît. Ce qui semble représenter une nouvelle positive pour notre économie est toutefois tempéré par le professeur de physique.

C’est que les prix des métaux sont extrêmement volatils, rendant l’industrie cyclique. Les créations d’emplois et une forte activité sont souvent suivies par une désertion des sites et une hausse du chômage.

Depuis 1999, les prix sont à la hausse. Mais entre 1981 et 1999, ils étaient à la baisse. Ils avaient toutefois augmenté entre 1965 et 1981, mais avaient précédemment diminué à partir de 1952. Ainsi de suite.

Normand Mousseau se réfère à une étude du Fonds monétaire international (FMI), effectuée à partir des données de la revue The Economist, qui mesure l’évolution des cours mondiaux des matières premières entre 1862 et 1999.

Si la tendance va en augmentant, elle est loin d’être suffisante pour combattre l’inflation. Ceci fait dire au FMI que les prix réels des matières premières sont en constante diminution depuis les années 1920.

Bref, les matières premières n’ont jamais coûté aussi peu cher depuis les années 1920! La récente poussée des prix semblerait donc davantage s’inscrire dans le cycle que sous une tendance de plus long terme.

À cause du caractère cyclique et de la tendance à la baisse des prix à long terme, le secteur minier ne serait pas l’industrie à privilégier pour le développement économique. L’auteur rappelle que ce secteur représente 2,5% du PIB canadien et 1,7% de l’emploi. Au niveau mondial, l’industrie minière accapare 11% de la production et 5% de l’emploi.

Un autre bémol à ajouter au développement de ce secteur est la maladie hollandaise. Cette expression a été utilisée en 1977 par la revue The Economist pour désigner le paradoxe fâcheux de l’économie des Pays-Bas.

L’exploitation de ses ressources en gaz naturel au large de ses côtes dans les années 1960 a fini par plomber le reste de son économie. D’une part, ses exportations en gaz ont accru la valeur de sa monnaie, nuisant par ricochet à ses autres industries exportatrices. Celles-ci ont perdu toute compétitivité, à cause d’un Florin surévalué.

D’autre part, la qualité des emplois du secteur gazier a accru le niveau des salaires dans l’ensemble du pays, réduisant encore une fois, mais dans une moindre mesure, la compétitivité des entreprises des autres secteurs.

Si cette théorie suscite des débats chez les économistes, cette dynamique a été observée pour de nombreux pays. Règle générale, une croissance rapide du secteur des ressources naturelles entraîne une réduction de l’activité des secteurs industriel et agricole, tout en accroissant la part du secteur public, l’État engrangeant davantage de recettes grâce à l’activité extractive.

Toutefois, le développement de l’industrie minière québécoise ne devrait pas accroître la maladie hollandaise qui nous frappe déjà. La force du dollar canadien est en partie attribuable aux exportations de pétrole et nuit déjà aux secteurs d’exportation du Québec.

Aujourd’hui, lorsqu’un Américain achète une marchandise québécoise, il doit la payer presque 60% plus cher qu’il y a à dix ans, uniquement à cause de l’appréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine.

En contrepartie, il y a ici à peu près aucun emploi lié à l’extraction du pétrole et les retombées fiscales, très faibles via la péréquation, sont loin de représenter une compensation adéquate pour cette maladie.

Malgré le risque dû au cycle, l’industrie minière au Québec peut contribuer au développement de notre économie. Encore faut-il s’assurer d’obtenir davantage de retombées positives que négatives.

Normand Mousseau rappelle le rapport du Vérificateur général du Québec en 2009, qui dénonçait le régime minier de la province. Entre 2000 et 2008, quatorze minières n’ont versé aucune redevance, malgré une production de 4,2 milliards $. Les autres minières ont à peine payé 30 millions $ à l’État, soit seulement 1,5% de la valeur de leur extraction.

Cette situation est d’autant condamnable que l’exploitation d’une mine dégrade considérablement l’environnement et que c’est l’État qui assure les coûts de restauration. Toujours selon le Vérificateur, ces coûts représentent cinq fois les redevances.

Face à ce scandale, le gouvernement Charest avait légèrement modifié le régime de redevance, prélevant, pour 2010-2011, l’équivalent de 4,5% de la valeur du minerai. Avec ce changement, les coûts de restauration du site représentent encore quatre fois ces nouvelles redevances. Le professeur dénonce aussi la difficulté à obtenir l’information auprès du ministère des Ressources naturelles.

Cette industrie crée peu d’emplois et pollue beaucoup, d’où l’importance de revoir encore une fois à la hausse les redevances exigées et de resserrer les règles environnementales.

Les minières réalisent des profits incroyables. L’auteur se réfère à un rapport de 2011 de la firme PricewaterhouseCoopers qui montre qu’une mine d’or atteint un taux de rentabilité annuel entre 71% et 78%! Côté redevances, il y a nettement place à l’amélioration.

Normand Mousseau énumère ce qui peut être fait. Par exemple, la prise de participation dans ces entreprises peut permettre de récolter une part des bénéfices, et aussi d’orienter le développement de l’industrie.

Il faudrait aussi exiger davantage de transformation sur notre territoire. L’auteur donne peu de détails au sujet de cette possibilité qui permettrait d’accroître sérieusement le nombre d’emploi créé par l’industrie.

Normand Mousseau, Le défi des ressources minières, Éditions MultiMondes, 2012, 260p.