Les 4 piliers du syndicalisme du XXIe siècle

2012/12/07 | Par Sylvain Martin

L’auteur est directeur québécois des TCA

Depuis plusieurs décennies, un vent de droite souffle au Canada et au Québec, et une de ses cibles de prédilection, particulièrement au cours des dernières années, est le syndicalisme. Pas n’importe quel syndicalisme, mais le syndicalisme social!

Le gouvernement Harper, le Conseil du patronat, le réseau Liberté-Québec, la C.A.Q., pour n’en nommer que quelques-uns, s’époumonent, par l’intermédiaire de leurs porte-voix – nos fameux pseudo-analystes politiques et économiques – pour nous faire entrer dans le crâne que le syndicalisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est dépassé. À les écouter, nous étions nécessaires dans les années 60-70, mais notre présence serait aujourd’hui révolue.

L’air est connu : « Tous les patrons sont bons pour leurs travailleurs! » Au mieux, nous savons que les patrons ne sont prêts à accepter les syndicats qu’à condition que nous restreignions nos activités à la négociation collective et à la défense des travailleurs. Pas question qu’un syndicat fasse de l’action politique! Ce ne serait pas leur rôle et ils ne doivent pas y dépenser le moindre sou des cotisations syndicales qu’ils perçoivent.

En fait, ce qu’ils veulent, c’est détruire le syndicalisme social, et nous cantonner à la négociation collective et à la défense des griefs de nos membres envers leurs employeurs.

À mon avis, un syndicat qui emprunte cette voix est voué à une mort certaine et, surtout, mériterait d’être qualifié d’irresponsable envers ses membres.



Les 4 piliers du syndicalisme

En avril 2012, lorsque j’ai posé ma candidature à titre de directeur québécois des TCA-Québec, j’ai exprimé ma vision de ce que doit être le syndicalisme aujourd’hui.

Le syndicalisme du XXIe siècle doit s’appuyer sur 4 piliers : le service aux membres, l’éducation, l’action politique, et le recrutement.

Ainsi, lors de notre dernier Conseil québécois, les délégués ont voté en faveur d’une recommandation qui proposait l’adoption des trois énoncés politiques suivants :

  • Une politique pour le développement de l’industrie de l’aérospatiale.

  • Une politique d’achat responsable de la part de nos gouvernements.

  • Une politique sur l’énergie produite par Rio Tinto Alcan (RTA) et l’emploi.

La recommandation stipulait également que des moyens d’action, adaptés à chaque milieu de travail, soient mis en œuvre pour présenter ces politiques à nos membres et que, par la suite, soient organisées une série de rencontres avec des représentants du monde politique pour leur faire part de nos revendications.

Cette recommandation et le plan d’action proposée permettent d’illustrer l’activité syndicale sur la base des 4 piliers.



Au cœur de notre action : l’emploi

Les trois énoncés politiques énumérés précédemment ont en commun d’interpeller nos gouvernements afin qu’ils posent des actions concrètes pour la création et le maintien de bons emplois au Québec.

Cela est extrêmement important alors qu’on assiste depuis la crise de 2008 à une augmentation du chômage, particulièrement vertigineuse en Europe et aux États-Unis.

Dans la plupart des pays, les gouvernements recourent aux mêmes politiques que celles qui ont mené à la crise : recherche de l’équilibre budgétaire, diminution de la dette. Le budget Marceau va dans ce sens.

À Ottawa et à Québec, la recette prônée pour redresser l’économie est de s’en remettre au secteur privé et au marché. On connaît bien les ingrédients de cette recette : plus de déréglementation, de privatisation et un nivellement par le bas des salaires et des conditions de travail.

Le résultat est connu : l’enrichissement de 1% de la population et l’appauvrissement des autres 99%.

Dans ce contexte, la défense de l’emploi se retrouve au cœur de l’activité syndicale et de notre premier pilier : le service aux membres. Car être au service de nos membres, c’est d’abord et avant tout travailler et se battre pour le maintien de leurs emplois et l’amélioration des conditions de travail et de salaires.



Informer et former

À mon point de vue, nos membres doivent être partie prenante de nos actions. Nous commettrions une grave erreur en tenant pour acquis que nous avons automatiquement l’appui de nos membres parce que nous avons des projets louables. Nous devons absolument aller à leur rencontre.

Adapter à chaque milieu de travail les moyens pour informer et former nos membres sur les politiques que nous défendons constitue le deuxième pilier de notre action syndicale.



Revendiquer

Le troisième pilier, l’action politique, est un incontournable. Il ne suffit pas de négocier de bonnes conventions collectives en se disant travail accompli! Car tous nos membres, dans leur quotidien, que ce soit au travail, à la maison ou dans leurs loisirs, sont affectés par des décisions politiques.

Doter le Québec d’écoles pour former des travailleurs qualifiés comme, entre autres, dans l’hôtellerie et l’aérospatiale; instaurer une politique d’achats de biens et services qui maintiendrait et créerait des emplois chez des entreprises comme Nova Bus et Paccar; s’assurer que les ressources naturelles et l’énergie produite au Québec servent d’abord à créer des emplois dans tous les secteurs d’activités; voilà autant d’exemples de décisions politiques qui nous concernent directement.



Recruter

Le quatrième pilier est le recrutement. De nombreuses études démontrent l’impact extrêmement positif d’une importante masse critique syndicale dans une société. Partout, où le taux de syndicalisation est élevé, l’écart se rétrécit entre les niveaux de richesse.

Je suis convaincu que d’aller de l’avant avec des projets comme la mise en œuvre des trois énoncés politiques adoptés lors du dernier Conseil québécois illustre bien notre intérêt envers le bien-être de nos membres et de leurs familles.

Toutes ces actions contribuent à montrer le vrai visage du syndicalisme du XXIe siècle et par conséquent constituent un attrait certain pour les travailleurs non syndiqués.



Le syndicalisme du XXIe siècle


Le syndicalisme du XXIe siècle doit être un syndicalisme social, un syndicalisme qui se perçoit comme agent de changement social avec des projets porteurs.

Les dirigeants syndicaux doivent bâtir l’organisation qu’ils ont le privilège de diriger sur la base de ces solides piliers que sont « le service aux membres », « la formation », « l’action politique », et « le recrutement ».

À ceux qui se demandent ce qu’est un syndicaliste du XXIe siècle, je réponds que c’est une personne qui passe ses journées à travailler pour améliorer la vie des gens qui l’entourent.


ILS DOIVENT ÊTRE FIERS D’ÊTRE DES SYNDICALISTES!