PQ, déception et mea culpa…

2012/12/11 | Par Réjean Porlier

L’auteur est président du Syndicat des technologues d’Hydro-Québec

Métropolis 4 septembre 2012, j'y étais pour appuyer particulièrement deux membres de l'équipe Marois en qui je fondais beaucoup d'espoir. Il ne s'agissait pas d'un coup de tête, mais d'une évaluation que je souhaitais réaliste et bien réfléchie.

Une équipe revampée, un discours ambitieux, particulièrement dans le secteur de l'énergie et recentré sur les préoccupations citoyennes, des promesses de ramener les minières à l'ordre, elles qui, pour plusieurs, sont exemptées de redevances, nous privant de revenus importants, etc., etc., etc.… J''étais d'ailleurs de ceux qui, lors des dernières élections provinciales, en ont appelé au vote stratégique. Je voulais dont y croire …

Ça n'aura pas pris 100 jours pour voir mes illusions prendre le bord et m'amener à cette dure réalité: le PQ est demeuré le parti de la déception. Les Breton, Lisée, Duchesne, Bureau-Blouin, etc., n'auront pas suffit à imposer le rythme.

Le parti de René Lévesque n'a tout simplement pas su se réinventer et ce malgré ces belles promesses auxquelles s'accrochaient nombre de leurs sympathisants. L'establishment péquiste nous a tous ramenés à la case départ, faisant fi de ces attentes suscitées.

Quelles étaient-elles ces attentes pour le président du syndicat des Technologues d'Hydro-Québec que je suis? D'abord, cette promesse de refaire de notre société d'État le bateau amiral de l'économie du Québec. Un peu égoïste penserez-vous, mais lorsqu'Hydro-Québec est en santé, c'est tout le Québec qui en profite, tant par ses dividendes versés au gouvernement que par l'accès à des tarifs les plus bas en Amérique du nord.

Il faut savoir que, de l'intérieur, l'équipage espérait voir ce nouveau gouvernement mettre fin à la saignée des dernières années. Hydro-Québec est devenue au fil du temps une vache à lait de plus en plus cernée et dont les pies traînent à terre tellement la traie est soutenue. Il y a pourtant des limites à ce qu'on peut tirer d'une vache sans en hypothéquer la santé.

Tout ça commence sérieusement à ressembler aux années 80 sous l'ère Coulombe, ex-président d'Hydro-Québec. Rationalisation et coupures étaient alors au menu, ce qui nous conduisit tout droit à une panne provinciale et à l'obligation de réinvestir massivement dans les années qui ont suivies.

Les actuelles coupures dans l'entretien et les frais d'exploitation ressassent de bien mauvais souvenirs à nombre d'employés. L'équipe Marois n'est pas venue donner un peu d'air à la société d'État, au contraire, elle presse un peu plus le citron.

Est-ce que l'annonce de la fermeture de Gentilly-2 était une surprise? Bien sûr que non puisque le PQ en avait fait un enjeu, lors de la campagne électorale. Mais la manière, elle! L'incroyable manque de respect face à des travailleurs qui apprenaient par les médias le sort qu'on leur réservait alors que la direction avait toujours entretenu l'espoir, laissant entrevoir qu'il n'y avait qu'un scénario, celui de la réfection.

La dame de béton démontrait une fois de plus que son agenda personnel avait préséance sur le reste. Tant qu'à se mettre la région à dos, pourquoi faire dans la dentelle? D'abord, l'annonce de Mme Marois et ensuite un maladroit exercice de récupération de la ministre qui de toute évidence en avait plein les bras.

J'avoue que cette improvisation a fait naître chez moi un certain scepticisme quant à la suite des choses. Près de 700 excédentaires à relocaliser, dans un contexte où on prétendait vouloir redonner un souffle à la société d'État, permettait d'espérer un certain amortissement, mais le grand chantier pour relancer le bateau amiral ne semble plus apparaître sur les planches à dessin.

Le 30 novembre dernier, ce n'est pas le chat qui est sorti du sac, mais plutôt la couleuvre…. Non seulement le budget Marceau n'annonçait rien de très ambitieux pour Hydro-Québec, mais il confirmait cette volonté de terminer la saignée amorcée par les prédécesseurs.

L'histoire ne dit pas si la CAQ a participé à l'écriture du budget, mais le fait est que le ministre des Finances a repris là où François Legault proposait d'amener la société d'État: vers une réduction substantielle de la main-d'œuvre.

Comme si ce n'était pas suffisant, le ministre Marceau exigeait d'Hydro-Québec qu'elle verse au gouvernement des dizaines de millions $$$ additionnels. Comme si, une fois de plus, la pensée magique allait opérer sans pour cela hypothéquer les opérations et le service à la clientèle.

Ha! Oui, c'est vrai, le gouvernement est minoritaire, voilà qui explique tout! Un gouvernement avec du courage, mais surtout avec de réelles ambitions, aurait fait fi de cette réalité et aurait au minimum posé la question des redevances minières, afin de mettre fin aux échappatoires fiscales.

Parce que la question fait un certain consensus dans la population et que les Libéraux n'auraient pas forcé des élections dans la situation actuelle.

Le problème, n'était pas uniquement de demander à Hydro-Québec plutôt qu'aux minières de faire un effort additionnel pour aider à passer une période plus difficile, c'était d'utiliser la même méthode que leurs prédécesseurs et se contenter de miser sur de la rationalisation aveugle plutôt que sur la recherche de pistes d'efficience.

Et de l'efficience, il y en aurait très certainement beaucoup à trouver du côté de la sous-traitance.

La Commission Charbonneau a fait ressortir jusqu'à maintenant que les grands donneurs d'ouvrage étaient infiltrés par des réseaux très organisés, lesquels ont mis en place des tactiques très sophistiquées de gonflement des coûts. On s'entend que plusieurs tactiques n'avaient rien de sophistiquées, mais reposaient davantage sur des méthodes d'intimidation.

Le fait est qu'un gouvernement sérieux, avant de tomber dans la facilité que représente les coupures annoncées dans le personnel et les frais d'exploitation, aurait dû avoir le simple réflexe de commander une enquête sur la proximité qui existe entre les firmes d'ingénieurs, les grandes entreprises et la société d'État.

Le gouvernement Marois nous fait la démonstration aujourd'hui qu'il a joué d'opportunisme encore une fois, lorsqu'en campagne électorale il dénonçait les coupures chez Hydro-Québec, annoncées par la CAQ. Quelle hypocrisie!

Ne venez surtout pas me dire « Ha! La situation financière du Québec était pire que ce que nous avions anticipé! » Raison de plus pour couper aux bons endroits et sortir enfin de ce labyrinthe dans lequel nous a conduit la gestion à la pièce et l’ère du colonialisme.

Mais, pour cela, un gouvernement doit avoir de la vision, ce qui vraisemblablement fait défaut au PQ, malgré tout ce qu'ils annonçaient. Cette crainte que j'entretenais de voir ce gouvernement sortir sa rhétorique du bon gouvernement qui doit maintenant équilibrer les finances publiques avant de ce lancer dans quelques ambitieux chantiers n'a pas tardé à refaire surface. Lucien Bouchard sort de ce corps!

Mais, pour ma part, la goutte qui a fait déborder le vase, c'est l'annonce de Mme la Première Ministre d'aller de l'avant avec le projet de mini-centrale à Val-Jalbert.

C'est indécent et cela montre à quel point cette équipe n'avait aucune réelle intention de faire les choses autrement. On ferme Gentilly-2, prétextant qu'on est en surplus d'électricité; on demande à la société d'État de faire des efforts additionnels pour rapporter davantage au gouvernement; on choisit d'indexer le Bloc patrimonial toujours en raison des difficultés économiques et, comme si de rien n'était, on a le culot d'annoncer la construction d'une mini-centrale de laquelle Hydro-Québec devra acheter de l'électricité dont elle n'a pas besoin…un chausson aux pommes avec ça!

On peut comprendre que la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, soit restée muette à la suite de cette annonce complètement partisane et irrationnelle. Mme Ouellet, ex-présidente d'Eau Secours, doit commencer à en avoir soupé de ces annonces surprises.

Lors de la dernière élection, j'ai joué le tout pour le tout, allergique à l'idée de voir le parti Libéral réélu ou pire encore, voir la CAQ réclamer le pouvoir et lancer le programme d'austérité auquel elle nous conviait.

Je redoutais davantage la division du vote que le scénario auquel nous convie aujourd'hui la dame de béton. Malheureusement, force est d'avouer que le recentrage espéré n'en était un que de surface et que nous avons été bernés. Au menu: partisannerie, austérité et désillusion!

Qu'est-ce qu'on fait maintenant? On relève nos manches et on travaille à l'alternative, car personnellement, il n'est pas question qu'on m'y reprenne. Avec son budget et son obsession du déficit zéro, Mme Marois continue de faire le pari qu'elle ralliera les adéquistes déçus; deuxième essai!

Au début je me disais « Cette femme est tellement mal conseillée ». Aujourd'hui je prends les choses pour ce qu'elles sont. Mme Marois n'a absolument aucun flair politique et mise davantage sur l'opportunisme du moment que sur la confiance de ses troupes.

Moi qui rêvais au bateau amiral, me voilà avec l'impression qu'on m'a plutôt mené en bateau!