Excommunier est rarement productif ...

2013/01/21 | Par L’aut’journal 

Le Parti communiste du Québec nous a communiqué le texte suivant :

Depuis l'annonce, la fin de semaine dernière, de la création d'un nouveau mouvement appelée la Convergence Nationale, visant à favoriser une plus grande unité de toutes les forces souverainistes, les réactions commencent à se multiplier.  Certaines sont assez négatives et ont surtout tendance à se camper dans une sorte de sectarisme au caractère de plus en plus dépassé.

Dans un premier temps, notre camarade et coporte-parole, Guy Roy, répond ici à un texte signé par Bernard Rioux portant justement sur la question et qui était publié il y a deux jours sur le site de Presse-toi à gauche ! . Bernard Rioux fait partie de ceux qui, au sein de Québec solidaire, s'objectent depuis longtemps à toute forme d'alliances avec d'autres formations politiques, notamment le PQ. 

Considérant sa récente nomination comme représentant de Québec solidaire au sein du Conseil de la souveraineté, considérant également le fait que toute cette question d'alliance est justement supposée faire l'objet d'un débat important, lors du prochain congrès de Québec solidaire, ce printemps, on aurait pu s'attendre à un peu plus de retenue de la part du camarade Bernard Rioux.

Cela aurait certainement  été plus respectueux de la diversité de points de vue existant au sein de Québec solidaire, ainsi que de la démarche de discussion en cours.  Les adversaires de Québec solidaire se serviront sans doute de cela pour réaffirmer le fait que Québec solidaire ne veut toujours rien savoir des alliances.  D'un point de vue factuel, cela n'est cependant pas vrai.  Enfin ...

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Par Guy Roy,
Coporte-parole du PCQ

Vouloir tout faire en même temps, lorsqu'on parle d'accession du Québec à son indépendance, comme semble le faire Bernard Rioux dans un récent texte signé par lui, dans les pages de Presse-toi à gauche ! (1) ,  peut sembler très attirant pour certains, mais cela peut en même temps, et dans les faits, nous éloigner de cet objectif, dû aux insuffisances de tous et chacun sur la question nationale.

Ne pas repenser l’objectif d’émancipation  dans ses  avenues de réalisation les plus rapprochées, y compris et notamment avec le PQ, pourrait aussi aboutir à creuser les ornières d’une éternelle défaite, alimentée par le sectarisme.

Je cite le camarade Rioux :

« Ne serait-il pas temps de lier dans une démarche unique le triple combat démocratique, indépendantiste et social ? »

Ce « nouveau » but attribué au mouvement indépendantiste est un noble objectif, mais il se situera en dehors de la réalité, s’il n’est pas en lien avec les conditions concrètes de son apparition comme mouvement dans la société québécoise. Nier que les péquistes puissent y participer repousse aux calendres grecques la réalisation de ces buts tout en reportant l’accession du Québec à son indépendance, … et à la prise en charge par les forces populaires des progrès en démocratie.

Pensons au Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) qui lutte pour la proportionnelle, par exemple. Bien des groupes populaires revendiquent également des réformes dans l’assurance chômage pour riposter au vol systématique du Fédéral dans les caisses de celle-ci. Est-ce que cela n’annonce pas des rapatriements de pouvoirs en vue d’une indépendance toujours plus grande ? Est-ce que des tas de groupes populaires ne sont pas justement à la recherche de ce qui nous rapprochera d’une émancipation sociale qui passerait par l’acquisition de pouvoirs nouveaux financés par l’État et contrôlés par les membres de ces groupes populaires.

Voici un autre extrait du texte du camarade Rioux et qui illustre à mon sens comment celui-ci semble faire fi du rôle à jouer d'acteurs pourtant tout aussi essentiels à notre propre lutte nationale, soit les partis politiques :

« Posons la nécessité que ce soit le peuple lui-même qui soit le principal sujet de sa libération nationale ».

Comment peut-on en effet envisager cette émergence soudaine du peuple sans que ses partis n'y jouent justement un rôle, et sans que ces appareils politiques puissent au départ trouver une manière de plus travailler ensemble pour ensuite appeler de manière crédible le peuple à s’investir lui-même dans ce projet ?

On parle beaucoup, ces temps-ci du Venezuela, et de comment le peuple là-bas s'investit lui-même pour défendre les acquis de la révolution.  Mais peut-on vraiment penser que cela aurait pu arriver, si au départ des gens comme Hugo Chavez, ainsi que la vaste coalition de forces et de partis politiques qui l'appuient, ne s'étaient pas justement coalisés et impliqués pour que cela arrive effectivement ?

Faut-il en même temps rappeler que toutes ces forces étaient alors loin d'être aussi à gauche qu'elles puissent l'être aujourd'hui ?  Certaines de ces forces, présentes au début, ont fini par débarquer du train de la révolution bolivarienne.  D'autres ont fini par s'y ajouter et tout cela est au fonds également normal; cela fait partie des aléas de la vie politique et cela nous ramène une fois encore à ce fameux débat autour des alliances.

De la manière dont le camarade Bernard Rioux voit les choses, on reporte encore à plus tard, dans un flou artistique, la réalisation du projet indépendantiste. À moins que de cette manière on mette de l’avant que la seule condition de l’accession à l’indépendance soit la prise du pouvoir par Québec solidaire. Ce qui signifierait son hégémonie au Parlement et dans une société en ébullition subversive comme celle du Venezuela, par exemple. Force nous est de reconnaître que ces conditions ne sont pas réalisées.

Cela nous amène en même temps à se mettre en mode d'attente -- une sorte d'attente messianique -- d'une conjoncture qui repousse toujours à plus tard la mise en oeuvre des stratégies d’accession à l’indépendance à celle d’un seul parti. En bout de piste, cela revient à faire exactement ce que Bernard Rioux lui-même reproche au PQ.

Bernard Rioux revient à la charge avec l'idée de mettre en place une Assemblée constituante comme point de départ de toute stratégie d'accession à l'indépendance. « Posons la nécessité », dit-il, « de l’élection d’une constituante au suffrage universel comme un instrument essentiel de la reprise en mains par le peuple de la définition d’un Québec indépendant à bâtir ». 

Ce qu'oublie encore Bernard Rioux, est le fait que même ce projet de mise en place d'une assemblée constituante, nécessiterait, au départ, une alliance entre les trois grands partis souverainistes, et donc y compris avec le PQ, pour ensuite pouvoir penser obtenir, dans un éventuel prochain rendez-vous électoral, une majorité de sièges détenus par des députés souverainistes à l'Assemblée nationale.  À moins que Bernard Rioux ait une autre stratégie pour mettre en place une telle Assemblée constituante, sans d'abord passer par l'Assemblée nationale, tout en s'assurant que cette Assemblée constituante, qui n'aurait alors aucun statut légal, aurait néanmoins toute la crédibilité nécessaire pour la suite des choses...

Un refus de se coaliser, y compris avec le PQ, dans le cadre des prochaines élections, affaiblit le mouvement. Une telle position nous ramène en arrière; elle réduit la stratégie pour faire du peuple québécois un peuple souverain à une querelle idéologique sans consistance.

Cela fait en même temps abstraction du fait que les forces à notre disposition, pour réaliser l'accession du Québec à son indépendance, sont en fait beaucoup plus larges que Québec solidaire. Il faut en prendre acte, comme on dit, et aller de l’avant. Nous n’en n’aurions pas moins contribué à ce que le Québec prenne en main son destin.

On ne peut indéfiniment reporter les opportunités de son accession à l’indépendance sans handicaper lourdement sa capacité de continuer d’avancer dans cette voie libératrice dans le futur. Le PQ s’en est éloigné, selon ses propres membres ? Ceux-ci tentent de l’intérieur de ce parti réformiste de l’y ramener. Nous pouvons très bien, au cœur d’une alliance des souverainistes, soutenir ces efforts.

Repousser la coalition sans autre débat que celui de notre participation ou non à une campagne électorale est sûrement un repli sur soi de Québec solidaire qui lui serait néfaste. Le projet se porte bien d’une élection à l’autre grâce à Québec solidaire. Les différents jalons d’une meilleure compréhension du chemin à suivre par le peuple québécois se posent tous les jours.

Oublie-t-on que près de 40 % des Québécois votent déjà pour la souveraineté et sont attentifs à toutes les stratégies mises en débat ? Alors, ne réduisons pas la lutte nationale à la quête de la carotte au bout du bâton : ce serait faire de la lutte nationale un combat sans fin perpétuellement éloigné de ses objectifs d’émancipation, et nationaux, et sociaux.

On veut faire du peuple québécois l’agent de sa libération ? On ne pourra y arriver sans que le mouvement national historique ne soit uni autour de ce choix. Et Québec solidaire peut participer à ce que cette unité se fasse. Ne manquons pas le rendez-vous encore une fois.

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(1) : Ce texte, signé par Bernard Rioux, fut mis en ligne le 15 janvier 2013, et se voulait un commentaire pour réagir à l'annonce de la création d'un nouveau mouvement, appelé la Convergence Nationale et qui tiendra ses premiers assises en mai prochain.  Vous pouvez le lire en cliquant ici.  Bernard Rioux est un des principaux porte-parole du groupe Gauche socialiste, lui-même un des collectifs officiellement reconnus au sein de Québec solidaire (tout comme le PCQ).  Gauche socialiste est aussi affilié au regroupement international de la IVe Internationale (trotskyste).