Amendements aux règles de succession royale

2013/02/05 | Par Maxime Laporte, Mario Beaulieu et René Boulanger

Maxime Laporte, LL. B., est étudiant à la maîtrise en science politique et coordonnateur du réseau Cap sur l’indépendance
Mario Beaulieu est président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
René Boulanger est écrivain et historien

Suite à une demande du gouvernement britannique adressée aux pays membres du Commonwealth, le parlement d’Ottawa s’apprête à voter une loi de nature constitutionnelle visant à modifier les règles de succession au trône canadien, occupé par la reine ou le roi d’Angleterre.

Des constitutionnalistes, dont le réputé Henri Brun, ont émis l’avis qu’il s’agissait rien de moins qu’un amendement à la Constitution exigeant l’accord du Québec.

Certains pensent même que le Québec pourrait détenir un véto sur cette question, ce qui est vraisemblable puisque la notion de « charge de la reine » édictée à l’art. 41 de la loi de 1982, lequel institue la procédure unanime de modification par les provinces et le fédéral pour « toute question » y afférant, est certainement indissociable de la notion d’habilité d’une personne à exercer cette « charge » royale; habilité que déterminent en grande partie les règles de succession.

Puisse la classe politique québécoise ne pas dormir au gaz sur cet enjeu !

Selon un autre scénario fort envisageable, cela pourrait créer un dangereux précédent en droit constitutionnel canadien en octroyant à Ottawa le pouvoir unilatéral d’amender certains documents constitutionnels datant d’avant la Confédération ou n’étant pas énumérés dans la définition de la Constitution du Canada prévue à l’art. 52. On peut penser à l’Acte de Québec et à divers autres traités, du moins à leur contenu normatif.

Or, depuis le rapatriement de 1982, la nouvelle procédure pour les amendements importants à la Constitution exige normalement que les législatures « provinciales » soient impliquées, et non que le fédéral décide seul de ces questions.

Toutefois, c’est bien ce qui se passera dans les prochaines semaines si nous restons inactifs, puisque la règle de droit écrit qu’entend modifier seul Ottawa, qui est contenue dans l’Act of Settlement de 1701, ferait effectivement partie de la Constitution canadienne comme l’a confirmé en 2003 un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, maintenu en Cour d’appel.

Ottawa invoque constamment son champ de compétence pour imposer au Québec des décisions qui affectent journellement la vie de ses citoyens. Et au moment où Ottawa a probablement besoin de nous pour modifier son régime impérial, allons-nous approuver?

Cette monarchie qui superpose et maintient en place tout l’édifice législatif de la nation canadienne n’a pas à faire l’objet de notre complaisance.

Faut-il rappeler à tous nos élus nationalistes que la première exigence du combat national, c’est de se battre?

Il s’avère que la constitution canadienne qui nous a été imposée de force demande cette fois notre accord pour que le monde britannique puisse continuer à jouer à la fée clochette ainsi qu’au star system monarchique.

Souvenons-nous que ce beau rêve impérial s’est toutefois fait sur notre dos, sur la mort de la Nouvelle-France, sur la pendaison des Patriotes, sur la subordination de la nation québécoise et sur la mise en tutelle des nations autochtones.

Après le refus cinglant d’Ottawa d’abroger la loi sur la clarté référendaire, le Québec a aujourd’hui une prise pour pouvoir dire « non, c’est assez, nous n’appartenons pas à ce monde ».

Allons-nous encore laisser passer cette chance de médiatiser internationalement notre lutte sous prétexte que nous ne sommes pas à Ottawa pour empêcher ce régime de fonctionner ?

Vive la République libre du Québec !