Val Jalbert : Plus dure sera la chute

2013/02/21 | Par Michel Rioux

Celles et ceux qui ont eu la chance de voir cette magnifique chute à Val-Jalbert, sur la rivière Ouiatchouan, et d’entendre le grondement fracassant de ces millions de litres d’eau dévalant en cascades d’une hauteur de 72 mètres en auront conservé un souvenir impérissable. Cette chute, plus haute que celles du Niagara, a été le témoin d’un développement industriel qui a marqué la région du Lac-Saint-Jean au début du 20e siècle.

Mais il est arrivé que, pour plaire aux petites élites locales et faire plaisir au conseil de bande de Masteuiash, le gouvernement du Parti québécois a décrété que le Québec ne pouvait absolument pas se passer des 16 mégawatts qui seront produits par la mini-centrale électrique construite en amont de la chute.

Cela s’appelle défigurer un paysage, comme l’a dénoncé le Conseil du patrimoine culturel du Québec. Et c’est rire du monde de soutenir qu’on lui conservera un « débit esthétique » quand on réduira ce débit, actuellement de 12 à 20 m3/seconde, à 7 m3/seconde en période estivale. Le reste du temps, soit la nuit, hors saison et en hiver, ce débit sera quasi inexistant, à 0,3 m3/seconde. « Une crisse de chute… », aurait pu clamer Robert Charlebois.

La CAQ et Québec solidaire ont ensemble dénoncé cette entreprise, insoutenable tant sur le plan économique qu’environnemental. Alors que l’électricité lui sort par les oreilles, Hydro-Québec devra acheter, à 8 cents, un kilowatt/heure qu’elle arrive difficilement à refiler au prix de 5 ou 6 cents à ses clients étasuniens.

Toujours fidèle à cette réputation de monument d’insignifiance qu’il s’est patiemment construite depuis 50 ans, l’éditorialiste Bertrand Tremblay, de l’empire Power, a pontifié solennellement : « La CAQ et Québec solidaire brûlent les derniers lambeaux de crédibilité que la région leur accordait encore. Leur opposition hystérique au projet de Val-Jalbert, amplifiée par une conférence de presse donnée conjointement par François Legault et Amir Khadir, est une manifestation inquiétante du mépris que ces politiciens nourrissent à l'endroit des régions de l'arrière-pays », a-t-il pesté.

S’il y a ici l’expression d’un mépris, il faudrait plutôt regarder du côté de celles et de ceux qui veulent nous faire croire qu’il ne peut y avoir de développement régional qu’en s’activant au volant d’une pépine, comme l’a déjà signalé une présidente du Conseil du Trésor par ailleurs portée sur les foulards de prix.

« Je pense qu'on a la maturité politique et l'intelligence d'être capables de réaliser des projets au service des citoyens d'ici », a martelé Bernard Généreux, ci-devant président de la Fédération québécoise des municipalités, président de la MRC Domaine-du-Roy et – le ceci qui explique certainement le cela – candidat défait à quatre reprises sous la bannière du Parti québécois.

Pourquoi, on se le demande, le Lac-Saint-Jean, mais aussi le Québec, devraient-ils lui offrir à leurs risques et périls ce prix de consolation ?

« On n'a pas besoin de l'accord de François Legault et d'Amir Khadir pour être capables de se développer. Il faut qu'on arrête de décider ce qui est bon pour nous. Ces choix-là, on est capables de les faire entre nous », a-t-il soutenu avec cet air empesé que confère, à ceux qui l’ont expérimenté, le fait d’avoir mordu la poussière électorale avec une telle régularité.

Et que s’est-il empressé de faire, le mal nommé Généreux, après que le gouvernement lui a donné sa centrale électrique sur la Ouaitchouan ?

Il est parti en guerre contre le gouvernement, l’accusant de mettre des bâtons dans les roues du développement régional avec l’abandon de six projets semblables à celui de Val-Jalbert.

Il nous a alors été permis de vérifier encore une fois la vérité de cette maxime tout ce qu’il y a de québécois, à savoir que si vous donnez à manger à un cochon, il risque fort de venir chier sur votre perron.

Défendant du bout des lèvres la décision du gouvernement, la ministre Martine Ouellet a avancé comme argument que le projet avait traversé toutes les étapes requises sous les libéraux. La belle affaire !

La hausse des droits de scolarité décrétée par les libéraux n’avait-elle pas traversé elle aussi toutes les étapes ? Et pourtant, elle a été effacée ! Comme avait été stoppée par le gouvernement Landry, en 2002, la construction d’une mini-centrale sur la rivière Trois-Pistoles.

Mais au rythme où on lui fait avaler de force autant de couleuvres, la ministre Ouellet serait à la veille d’une magistrale indigestion qu’on n’en serait pas étonnés.