Une fin de semaine de syndicats « bashing »

2013/03/01 | Par Sylvain Martin

Mardi dernier, j’écoutais, en dînant, d’une oreille distraite, l’émission qu’anime Richard Martineau au réseau LCN. Ses deux invités étaient Joanne Marcotte et Réjean Parent, l’ancien président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Le sujet était le Sommet sur l’enseignement supérieur.

Ce n’est pas la première fois que je vois Réjean Parent participer à cette émission et je lui lève mon chapeau pour son âme de missionnaire. Il n’est pas évident d’essayer de faire entendre un autre son de cloche quand tu participes à une émission où l’animateur défend un point de vue de droite et qu’il invite, en plus, une autre personne qui partage les mêmes idées que lui. Il faut vraiment vouloir défendre l’intérêt commun. Encore une fois : « Chapeau Monsieur Parent! »

À la fin de l’émission, Mme Marcotte a conclu son intervention en disant que c’était encore les « p’tits amis du PQ », les syndicats, qui avaient gagné et que c’était eux qui « menaient le Québec ».

Ma première réaction a été de trouver le commentaire gratuit et facile. « Ça prend un coupable, c’est les syndicats », c’est un classique pour quelqu’un de droite. C’est ce genre d’opinion qui me fait dire que des opinions, c’est comme les trous du nez, tout le monde en a, mais on n’a pas intérêt à le faire remarquer!


Le Réseau Liberté Québec

Par la suite, je me suis rappelé que Joanne Marcotte était membre du Réseau Liberté Québec et que cela expliquait bien des choses.

La dernière fois que nous avons entendu parler du Réseau Liberté Québec, c’est lorsqu’il a assuré l’intérim entre le moment où l’ADQ n’allait nulle part et la création de la CAQ.

À partir de ce moment, le Réseau est tombé en dormance, Pierre-Karl Péladeau se chargeant de la promotion du parti de François Legault. Vous vous souvenez sans doute des sondages à répétition dans le Journal de Montréal qui avaient propulsé M. Legault premier ministre du Québec avant même que la CAQ existe officiellement.

Le Réseau Liberté Québec reprend du service en fin de semaine. Il organise une rencontre à Trois-Rivières. Sur leur site Internet, ils affirment que cet événement est rendu nécessaire à la suite de l’élection du Parti Québécois.

Selon moi, la résurrection du Réseau Liberté Québec s’explique plutôt par le taux de popularité anémique de la CAQ dans les sondages.

Alors, se sont-ils dit, répandons à nouveau la bonne nouvelle de l’Évangile de la Sainte Droite à travers le Québec!


Libérez-nous des syndicats!

Je ne serais pas surpris d’entendre aux bulletins d’information de la fin de semaine Éric Duhaime y aller de sa ritournelle à l’effet que les syndicats collectent plus de 800 millions de $ par année en cotisations syndicales, que le Code du travail devrait être revu de fond en comble, que la formule Rand devrait être éliminée, avant de conclure que tout ce qui va mal au Québec, c’est la faute des syndicats!

Pour Éric Duhaime, l’équation est simple. C’est au Québec qu’il y a le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord, tous les malheurs du Québec en découlent!

D’ailleurs, il nous annonce la publication d’un livre, dont il est l’auteur, intitulé « Libérez-nous des syndicats! ».

Le Code du travail devrait, selon Duhaime, être revu pour rendre obligatoire le vote secret pour l’accréditation d’un syndicat. Le système actuel serait trop favorable aux syndicats et constituerait une prison pour les travailleurs qui ne veulent pas être représentés par ces « méchants » syndicats.

Sans oublier qu’il est inacceptable pour Éric Duhaime que les syndicats fassent des représentations politiques. Leur rôle devrait se limiter à la négociation collective et à la défense des griefs. Et rien d’autre!


L’objectif : la disparition des syndicats

Évidemment, personne sur le réseau TVA ne va expliquer que pour syndiquer un groupe de travailleurs, il faut qu’une majorité d’entre eux signent une carte et paient un droit d’adhésion, et qu’une fois les cartes signées, le syndicat dépose une requête en accréditation au ministère du Travail.

Par la suite, un enquêteur est chargé de vérifier auprès des salariés si les adhésions ont été obtenues sans menace, ni contrainte, et l’employeur a tout le loisir de contester la requête du syndicat, s’il juge que la loi n’a pas été respectée.

Personne n’expliquera non plus que le but recherché par le vote secret obligatoire est d’empêcher la syndicalisation. Depuis qu’une telle pratique a été instaurée, le taux de syndicalisation est passé de 30 % à 11 % aux États-Unis et de 40 % à 28 % en Ontario.

Une telle chute est facile à comprendre. Que pensez-vous qu’il arrive quand le ministère du Travail ordonne un vote pour la création d’un syndicat? Poser la question, c’est y répondre. L’employeur a le champ libre pour intimider ses salariés et influencer le résultat du vote.

Si, en plus du vote obligatoire, on remet en question la formule Rand, le but est clair : condamner les syndicats à disparaître. C’est tout!


Si nous ne nous en occupons pas, qui le fera?

Le monde idéal du Réseau Liberté Québec est un monde sans syndicat ou, à tout le moins, un monde où l’action syndicale se limiterait à la négociation collective et aux griefs.

Pendant que les associations patronales, leurs « think tanks », comme l’Institut économique de Montréal, et leurs relais comme le Réseau Liberté Québec, bénéficieraient de sources de financement patronales quasi illimitées et de toutes les tribunes médiatiques nécessaires à leur propagande, les syndicats seraient privés de moyens pour intervenir sur la place publique.

Pourtant, nous savons fort bien que notre action ne se limite pas à la négociation collective. La lutte actuelle contre la réforme de l’assurance-emploi l’illustre parfaitement.

Dans ce cas particulier, comme dans bien d’autres, qui serait en mesure d’émettre des communiqués, de contacter les médias, de tenir des conférences de presse, de publier et distribuer des tracts, d’organiser des assemblées, de mobiliser les travailleurs, d’envoyer des délégations à Ottawa, si les syndicats se limitaient à négocier des conventions collectives et plaider des griefs!?

Les décisions des gouvernements affectent la vie des travailleurs que nous représentons. Nous serions irresponsables comme organisation de ne pas veiller au grain.


Avoir ou pas une couverture médiatique

Cette fin de semaine, à mon avis, tous les médias de Pierre-Karl Péladeau seront mis à contribution pour couvrir l’assemblée du Réseau Liberté Québec à Trois-Rivières et diffuser sa propagande de droite.

Ils seront à peine quelques centaines de participants, mais ils auront la couverture médiatique des grands événements.

Pourtant, bien des groupes d’une centaine de personnes se réunissent, chaque semaine, pour parler de justice sociale et d’équité.

Pourtant, bien des études démontrent qu’il y a une meilleure répartition de la richesse et de plus faibles inégalités sociales dans les sociétés qui connaissent un haut taux de syndicalisation.

Mais ces rencontres et ces études sont condamnées à l’anonymat!