Paul Rose

2013/03/15 | Par Victor-Lévy Beaulieu

À vingt ans, j’ai lu la vie de Gandhi qui a réussi à libérer son peuple du colonialisme anglais et raciste de Winston Churchill - (qui avait dit de lui : « Laissez-moi un peu de temps : vous allez voir ce que je vais en faire de ce petit avocat teigneux!) - en pratiquant, au nom de la non-violence, la désobéissance civile.

Après mes lectures, j’ai toujours pensé que l’indépendance du Québec pourrait se réaliser beaucoup plus facilement en adoptant la méthode de Gandhi par-devers ce que nous sommes comme peuple.

Mais la fin des années 1960 et le début des années 1970 ont vu partout dans le monde les « libérateurs » privilégier le terrorisme à la désobéissance civile. Le Québec, en agissant de même, ne faisait que participer à cette lutte de libération telle qu’on la pratiquait en Occident.

En enlevant le ministre Pierre Laporte, la cellule Chénier dont faisait partie Paul Rose, visait une chose qu’on oublie trop aisément aujourd’hui : Pierre Laporte était acoquiné avec le crime organisé, tout comme le Parti libéral dont il était ministre, et c’est cet aveu-là que les membres de la cellule Chénier voulaient lui faire admettre.

On oublie trop aisément encore aujourd’hui qu’avant la Déclaration des mesures de guerre qui faisait du Québec un pays occupé, les Québécois manifestaient un appui très large aux jeunes felquistes.

Les assemblées qui se tenaient au Centre Paul-Sauvé réunissaient de plus en plus de personnes, tellement en fait qu’il y en avait autant à l’extérieur de la salle que dedans. Je peux en témoigner parce que j’y étais.

La mort de Pierre Laporte a fait basculer la donne. On trouva le corps du ministre dans le coffre d’une vieille voiture près de la base aérienne de Saint-Hubert.

Paul Rose fut considéré comme le meurtrier de Pierre Laporte. On lui fit des procès « bidon » et on le condamna à la prison à vie même quand il fut prouvé qu’il n’était même pas sur les lieux, à la maison de la rue Armstrong, quand Pierre Laporte mourut.

Paul Rose n’avoua rien, ne trahit personne, décida d’assumer le fait qu’il était terroriste, et l’assuma seul.

La justice « canadian » avait son meurtrier : le reste, c’est-à-dire la vérité, elle s’en crissait. Ce n’était pas la vérité qu’elle cherchait de toute façon, mais la mise en veilleuse de l’indépendance du Québec… une campagne de peur dont René Lévesque fut d’ailleurs la première victime : quand il y eut grève des journalistes à La Presse et qu’on organisa une grande manifestation en appui aux travailleurs du journal, René Lévesque refusa au nom du PQ d’y participer.

Il faisait une fixation sur « la violence », même virtuelle. Son leitmotiv : « Soyons plus démocrates que la démocratie elle-même! » Résultat : il fit du PQ sa chose et le rendit aussi poule mouillée que lui. Avec le désastre politique qu’on connaît aujourd’hui.

Dois-je dire que j’ai d’autant plus de respect, d’admiration et d’amitié pour Paul Rose qui fut un véritable patriote et qui le paya pour beaucoup d’autres qui l’étaient moins que lui, c’est-à-dire nous qui avions 25 ans en ce temps et qui, insensibles aux leçons de l’histoire, nous sommes mis à prendre glorieusement nos vessies pour des lanternes!

Je lisais dans Le Devoir de ce matin un texte d’un militant indépendantiste, sans doute sous l’influence létale du conclave romain, qui disait regretter que Paul Rose ne se soit pas confessé avant de mourir (ce n’est pas écrit ainsi, mais c’est ce que ça veut dire).

Quand donc sortirons-nous de cette morale pourrie du judéo-christianisme et ouvrirons-nous les yeux? Me semble que la mort de Paul Rose nous en donnerait l’occasion si nous réfléchissions vraiment plutôt que de simplement nous contenter de réfléchir ce qu’il y a dans le fond pourri de l’air!